Intervention de François-Michel Lambert

Séance en hémicycle du jeudi 6 janvier 2022 à 21h30
Plafonnement des frais bancaires

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois-Michel Lambert :

Je remercie le groupe FI d'avoir inscrit ce débat crucial à l'ordre du jour. Nos collègues Bertrand Pancher et Charles de Courson viennent d'ailleurs de déposer une proposition de loi visant à réformer le plafonnement des frais bancaires, afin de mieux les encadrer. Notre débat répond donc à une urgence.

Les frais bancaires constituent un maquis de près de 597 appellations regroupant toutes les sommes que perçoivent les banques soit à l'occasion de certaines interventions, soit à la suite d'irrégularités ou d'incidents – 597 appellations, c'est bien pour emmerder les Français les plus fragiles ! Concrètement, à chaque chèque rejeté, à chaque virement incorrect, à chaque provision insuffisante et à chaque courrier envoyé, le client doit payer.

Bien sûr, le législateur et le pouvoir réglementaire sont intervenus pour tenter d'encadrer ces pratiques et d'instaurer des plafonds. Je prends acte des efforts menés par le Gouvernement et de l'accord trouvé en 2018 avec les banques, mais le résultat reste très décevant, et les contournements sont la norme. Les frais bancaires avoisinent 250 euros annuels pour les Français en situation de fragilité financière, alors que ces derniers bénéficient d'une offre spécifique, théoriquement plus favorable. La tendance est à la hausse générale des frais : en 2022, ils devraient encore progresser de 2,5 % en moyenne.

La principale critique du groupe Libertés et territoires porte sur le dévoiement de ces frais. De prime abord, il pourrait sembler naturel que les banques facturent leurs services. Cependant, les frais sont si élevés qu'ils sont décorrélés du coût réel des opérations qu'ils sont supposés compenser. Pour certains établissements, ils constituent un vivier de ressources très rentables. En outre, les commissions s'apparentent parfois à des sanctions prononcées dans une logique répressive.

Comment lutter contre ces pratiques qui pèsent sur les citoyens et touchent durement les plus précaires ? Disons-le : le libre jeu de la concurrence n'aboutira jamais à une politique tarifaire plus favorable pour les clients. Seule une intervention directe du législateur permettra d'enrayer la prolifération des frais bancaires : tel est le fondement de la proposition de loi présentée par mes collègues Bertrand Pancher et Charles de Courson.

Jusqu'à présent, les tentatives de plafonnement n'ont conduit qu'à des avancées limitées, et ont souvent été contournées par les banques. Faut-il en conclure que tout plafonnement est voué à un échec inéluctable ? Non. Nous avons l'obligation morale de continuer à agir pour protéger les plus fragiles de nos concitoyens.

La principale raison de l'échec des plafonds en vigueur tient à leurs niveaux. Les banques, comme tout agent économique, ont adopté un comportement assez prévisible : elles se sont immédiatement alignées sur les plafonds. Or, ceux-ci étant très élevés, le client reste lésé. Par exemple, les frais pour dépassement de découvert sont de 80 euros par mois, soit presque 1 000 euros par an – quasiment un SMIC ! Ce n'est pas ce que j'appelle un plafond acceptable et raisonnable, et cela ramène à onze mois le salaire d'un smicard. La solution la plus simple est donc de prévoir des plafonds contraignants qui protégeront réellement les clients même si les banques venaient à s'aligner.

Une autre raison de l'échec de la législation est qu'elle laisse une trop grande marge de manœuvre aux banques. L'opacité qui entoure les frais profite aux établissements, qui créent sans cesse de nouveaux intitulés de commissions et de frais – je rappelle qu'on a comptabilisé 597 raisons et causes d'appliquer des frais.

De manière générale, c'est la transparence des relations entre les banques et leurs clients qui manque d'effectivité. Mes chers collègues, avez-vous déjà tenté de déchiffrer les relevés et les communications des établissements sur leurs tarifs ? Ces documents sont inintelligibles pour nos concitoyens ! L'UFC-Que choisir a déjà dénoncé cette illisibilité, et je ne connais personne ici qui n'ait jamais eu de difficultés avec ce qu'il a pu lire sur ses relevés de banque.

Enfin, j'aimerais insister sur le cas des clients en situation de fragilité. Il existe actuellement, comme je l'ai dit, des plafonds spécifiques pour ces clients. C'est le cas notamment pour les commissions d'intervention. Ces plafonds restent élevés face à la précarité de ces citoyens et la démarche doit être complètement reprise. Madame la ministre déléguée, pourquoi ne pas étendre cette offre spécifique en réservant aux plus précaires un plafond réduit pour les autres frais, comme ceux liés au rejet d'un chèque ou d'un prélèvement ?

En somme, la législation actuelle a montré ses failles et doit être très largement revue. L'heure n'est plus aux appels à la bonne volonté des établissements et aux codes de bonne conduite. Il est temps d'intervenir et de prévoir un nouveau bouclier bancaire, protecteur des clients. Il y va de la dignité de notre mission pour préserver la dignité de nos concitoyens les plus fragiles.

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