Intervention de Olivier Véran

Séance en hémicycle du jeudi 16 décembre 2021 à 21h30
Différenciation décentralisation déconcentration et simplification de l'action publique locale — Article 31 (précédemment réservé)

Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé :

Doter une agence décisionnelle d'une coprésidence n'est jamais une bonne idée, car cela ralentit et rend plus compliquées les décisions qui doivent être prises dans l'urgence – elles ne sont pas rares dans la crise sanitaire que nous traversons. Cela n'est pas dû au fait que les gens ne s'entendent pas, mais la politique de santé en gestion de crise a montré qu'elle était plutôt de nature régalienne. Cette spécificité est d'ailleurs un atout de la France par rapport aux pays décentralisés, tels que l'Allemagne ou l'Espagne, qui doivent parfois surmonter des divergences très fortes avant de prendre une décision. Ainsi, il aura fallu dix jours à Mme Merkel, encore chancelière à l'époque, avant de pouvoir réunir les présidents des Länder allemands pour prendre des mesures permettant de freiner la vague delta qui était en train de monter de façon inquiétante. Je peux vous assurer que, depuis deux ans, personne n'envie aux pays décentralisés cette particularité en matière de politique de santé.

Ensuite, quand bien même on déciderait qu'un élu doit se voir confier la coprésidence – vous avez compris que j'y suis très défavorable –, pourquoi choisir le niveau de la région, puisque ce n'est pas une compétence régionale ? Les départements ont une compétence en matière d'EHPAD et de médico-social, mais ils n'ont pas la compétence en matière de santé. Les politiques de santé publique se décident plutôt à l'échelle des villes, des métropoles ou des intercommunalités mais la région, elle, n'a pas de vocation particulière à prendre des décisions en matière de politique de santé.

Ce que porte Jacqueline Gourault avec cette loi 3DS, c'est le renforcement du volet départemental des ARS pour augmenter la proximité, être au cœur des territoires pour décliner les politiques de santé et de santé publique en étant davantage au contact des élus locaux. Ce renforcement, nous le prévoyons d'abord en début de mandat en donnant des emplois fonctionnels aux directeurs départementaux des ARS ; ensuite, en mobilisant plus de moyens pour recruter des directeurs départementaux encore plus capés et renforcer l'attractivité de ces métiers très difficiles. Croyez-moi, je les ai presque tous rencontrés sur les territoires et, à chaque fois, l'élu national également présent – député ou sénateur – s'est empressé de m'assurer qu'il avait un bon directeur ! Puisque nous n'avons affaire qu'à de bons directeurs, pourquoi devrions-nous envisager de les dessaisir d'une partie de leurs fonctions ou de les placer sous la coupe de préfets qui ne souhaitent aucunement avoir à s'occuper des questions sanitaires en dehors de ce que la loi prévoit déjà ? Remercions plutôt les ARS pour leur engagement !

Ce sont autant de raisons de vous donner un avis défavorable. S'y ajoutent les raisons légistiques évoquées à juste titre par le rapporteur et qui tiennent à la rédaction particulière de cet amendement, mais vous aurez compris que, quelle que soit sa rédaction, sa philosophie même contrevient à ce que nous voulons faire, c'est-à-dire renforcer l'échelon départemental, renforcer la proximité, muscler les capacités d'agir au plus proche des territoires pour la santé de nos concitoyens.

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