Intervention de Jean-Hugues Ratenon

Séance en hémicycle du jeudi 16 décembre 2021 à 9h00
Différenciation décentralisation déconcentration et simplification de l'action publique locale — Article 83 quater (appelé par priorité)

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Hugues Ratenon :

Je constate que le calme règne dans l'hémicycle et je ne souhaite pas briser cette quiétude. Je souhaite cependant, à ce stade de nos discussions, vous dire en français ce que l'on appelle en créole un fonkèr.

J'ai déposé plus d'une trentaine d'amendements concernant l'outre-mer, tous aussi importants les uns que les autres. La plupart ont été retoqués.

Je demandais une réforme de la CDPENAF – commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers –, soutenue par l'Association des maires de La Réunion, pour qu'il n'y ait plus de différence de traitement entre les territoires de métropole et ceux des outre-mer. Je demandais une priorité accrue pour les mutations de nos Ultramarins au titre du centre des intérêts matériels et moraux, le CIMM, car ces derniers se les voient refuser par les administrations sans que les raisons du refus soient précisées, alors que beaucoup souhaitent retourner chez eux, où demeurent leurs familles et où sont leurs repères. Je demandais de rétablir la possibilité du paiement des impôts en espèces car, chez nous, la fracture numérique et l'illettrisme sont beaucoup plus élevés qu'ailleurs. Je demandais de pérenniser les emplois dits Ravine, créés dans le cadre du dispositif « emplois verts » à La Réunion, afin d'associer emplois, transition écologique et solidarité, et aussi de répondre à des objectifs d'intérêt général comme, par exemple, la lutte contre la dengue qui a causé, en 2021, d'après la préfecture de l'île, plus de 4 000 passages aux urgences, soit trois fois plus qu'en 2019 et en 2020. Je demandais encore le traitement des déchets dangereux, que nous attendons toujours mais dont le Gouvernement se soucie fort peu !

Je demandais aussi l'augmentation du nombre de médecins de garde, car il est très difficile à La Réunion d'établir des certificats de décès le week-end, ainsi que la nuit, et l'autorisation d'accorder leur délivrance à d'autres corps de métiers afin de ne pas faire subir une double peine à ces familles déjà endeuillées. Je demandais un rapport sur les évolutions législatives et réglementaires, et leurs effets sur le maintien des activités agricoles traditionnelles dans le cœur du parc national de La Réunion, activités qui sont, encore de nos jours, un atout fort et contribuent tant à la transmission du patrimoine et de la culture réunionnaises qu'à l'entretien des sites, tout en permettant de tendre vers une autonomie alimentaire saine et de qualité.

Au regard du taux de chômage des jeunes à compétences égales, y compris s'agissant des diplômés, nous avions également demandé, au nom de la solidarité, la priorité d'embauche pour les Réunionnais. Là aussi, l'amendement a été déclaré irrecevable… Pourtant, un rapport du CNRS – Centre national de la recherche scientifique – paru cette semaine relate les résultats d'un testing pratiqué dans trois départements ultramarins, dont La Réunion, afin de mesurer l'ampleur des discriminations dans l'accès à l'emploi des natifs par rapport aux personnes nées dans l'Hexagone : les résultats sont choquants ! À profil équivalent, le Parisien trouve plus facilement un emploi dans un restaurant local qu'un natif, et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres.

J'avais déposé tant d'amendements pour aider notre peuple qu'il est impossible de tous les citer dans le temps qui m'est imparti. La semaine dernière, dans la discussion générale, j'ai rappelé que le Gouvernement pouvait amender et reprendre ainsi éventuellement tout ou partie de mes propositions, ce qu'il a peu fait, alors que c'était dans l'intérêt des outre-mer.

En bref, le projet de loi ne révolutionnera pas les outre-mer. C'était pourtant l'occasion d'aider les Ultramarins, mais le Gouvernement n'a pas voulu saisir cette chance. Je trouve cela dommage : c'est même déplorable. Ainsi, la réforme de l'assurance chômage aura de graves conséquences, car on n'a pas pris en compte la situation locale de l'emploi en général et celle des emplois précaires en particulier, y compris les spécificités des saisonniers. De même, trop d'Ultramarins vivent encore dans l'insalubrité, trop d'Ultramarins boivent encore une eau impropre à la consommation, et les logements sociaux manquent toujours ou sont dans un état déplorable. Madame la ministre, votre gouvernement ne règle toujours pas l'apartheid social qui règne outre-mer et ce texte n'apporte pas même un semblant de réponse, en dehors de quelques petits changements à la marge. Ce matin encore, vous faites la démonstration de votre incompréhension des outre-mer. Toutefois, je salue le travail de mes collègues ultramarins qui autorise quelques petites avancées.

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