Intervention de Sabine Rubin

Séance en hémicycle du lundi 13 décembre 2021 à 16h00
Égalité économique et professionnelle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

Les membres du groupe La France insoumise tiennent d'abord à saluer l'engagement de la rapporteure, Marie-Pierre Rixain, dont nous connaissons l'attachement à la cause des femmes. En revanche, s'agissant de cette proposition de loi, nous déplorons ses mesures trop marginales pour réellement changer la donne en matière d'égalité entre hommes et femmes. Pourtant il y a tant à faire notamment en matière d'égalité économique. C'est pourquoi nous considérons que ce texte ne va pas assez loin et manque radicalement d'ambition.

Ce n'est malheureusement pas l'index Pénicaud qui parviendra à réduire les inégalités salariales actuelles. On aurait pu attendre de cette proposition de loi qu'elle corrige au moins cet outil, peu fiable et moyennement efficace. S'il a été conçu à l'origine pour supprimer les inégalités salariales, les objectifs ne sont malheureusement pas atteints. Par exemple, les entreprises pourront continuer d'augmenter de 1 euro les salaires des femmes durant leur carrière ou à leur retour de congé maladie, tout en bénéficiant de la note maximale pour ces indicateurs. Quant à celui qui évalue l'égalité salariale, il pourra continuer à ne pas prendre en compte les temps partiels. Pourtant, les femmes représentent 80 % des salariés à temps partiel et c'est une des sources principales d'inégalités salariales entre hommes et femmes.

Bref, cet index passe à côté des mesures qui permettraient aux femmes d'être mieux rémunérées et de bénéficier d'une meilleure sûreté économique. Et la proposition de loi, pourtant censée accélérer l'égalité économique et professionnelle, ignore ces défauts alors qu'elle aurait pu y remédier et améliorer la situation des femmes.

Par ailleurs, dans cette proposition de loi, vous augmentez le nombre de places en crèche réservées pour les bénéficiaires de l'allocation de soutien familial. Nous considérons que cette disposition est trop timorée, puisque moins d'un quart des parents isolés en bénéficient. En effet, la contrainte d'être disponible pour s'occuper des enfants conduit bien souvent le parent isolé à aménager son temps de travail, voire à interrompre son activité.

Et rappelons les choses clairement : il s'agit dans l'immense majorité des cas de mères isolées. En effet, 85 % des parents isolés sont des femmes et près d'une mère célibataire sur deux travaille à temps partiel. En outre, quatre familles monoparentales sur dix vivent sous le seuil de pauvreté : quand il est question d'égalité salariale entre les femmes et les hommes, il est aussi question de pauvreté au travail et d'enfants vivant sous le seuil de pauvreté, souvent dans le froid.

Vous auriez dû vous saisir de ces enjeux quand nous vous l'avons proposé. Nous aurions par exemple pu atteindre une politique bien plus ambitieuse pour accroître fortement le nombre de places en crèche : c'est le développement d'un service public de la petite enfance qui devrait être soumis à la discussion, plutôt que la gestion de la pénurie des places que vous proposez. L'arrivée du premier enfant est identifiée comme le moment de la carrière des femmes où s'installe le décrochage salarial par rapport aux hommes. Pourtant, il manquerait toujours plus de 200 000 solutions de garde en France. Comment ne pas y voir une corrélation avec le manque criant de places en crèche et le caractère insuffisant du soutien financier de l'État sur ce point ?

Nous bataillons depuis plusieurs mois pour rappeler que, dix ans après la loi Copé-Zimmermann, la loi imposant 40 % de femmes dans les instances exécutives dirigeantes n'existe toujours pas. Cette disposition ne figurait pas dans le texte initial. Ces quotas, intégrés sous la pression populaire et grâce à l'adoption d'amendements parlementaires, entraînent une légère amélioration. Les sanctions dont ils sont assortis sont petites, elles aussi, et même symboliques. Sans quota ni sanction, la situation des femmes ne pourra pas évoluer positivement. Depuis le début de la législature, cette mesure apparaissait comme un serpent de mer : des annonces étaient faites par le ministère chargé du travail avant d'être systématiquement suivies d'annonces contraires – un « en même temps » délétère : vous avez déjà fait perdre quatre ans au pays en matière d'égalité entre les femmes et les hommes !

Enfin, rien n'est prévu pour revaloriser les métiers de première ligne, des métiers prétendument féminins et mal payés, car majoritairement exercés par des femmes : les beaux discours tenus en pleine pandémie ont fait long feu. C'est honteux. C'est pourquoi, dans notre programme L'Avenir en commun, nous proposons d'organiser une conférence sociale pour améliorer les salaires, les conditions de travail et les parcours professionnels associés aux métiers occupés majoritairement par des femmes dans les secteurs du soin, du lien et du contact.

Tout au long de cette législature, contrairement aux annonces, l'égalité entre les hommes et les femmes sera restée la grande cause du quinquennat dans les mots, mais pas dans les moyens. Cependant, le groupe La France insoumise votera en faveur de cette proposition de loi.

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