Intervention de Elisabeth Moreno

Séance en hémicycle du lundi 13 décembre 2021 à 16h00
Égalité économique et professionnelle — Présentation

Elisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances :

Grâce à cette loi, les conseils d'administration des entreprises du CAC40 se sont spectaculairement féminisés, passant d'à peine 10 % en 2009 à près de 45 % aujourd'hui et la hissant ainsi sur la première marche du podium européen et deuxième au niveau mondial, derrière l'Islande.

Mais les progrès accomplis ces dernières décennies ne doivent évidemment pas nous éblouir. Si la loi Copé-Zimmermann nous a permis de faire un bond spectaculaire concernant les conseils d'administration, les enjeux résident désormais au sein des instances de direction. Soyons en effet lucides : l'effet ricochet tant espéré n'a pas eu lieu. Le plafond de verre entre les instances dirigeantes des entreprises et les conseils d'administration est resté parfaitement hermétique et les inégalités salariales demeurent persistantes, presque quarante ans après le vote de la loi Roudy. Nous devions dès lors y remédier et cela pour toute la chaîne managériale, là où sont réellement prises les décisions de l'entreprise. C'est l'ambition de la présente proposition de loi.

Grâce aux mesures très concrètes qu'il comporte, ce texte constitue, j'en ai l'intime conviction, une avancée des plus significatives pour les femmes et pour l'égalité professionnelle. Les concertations constructives menées par les deux rapporteures, en commission mixte paritaire, ont permis de trouver un accord sur un texte à la fois équilibré, réaliste et exigeant.

Comme vient de l'expliquer Marie-Pierre Rixain, l'article 7 a fait l'objet de toutes les attentions et a été sans nul doute le plus discuté par les deux assemblées. Cet article fixe de nouvelles obligations pour les entreprises de plus de 1 000 salariés. Il leur impose en effet de publier chaque année, sur le site du ministère chargé du travail, les écarts éventuels de représentation entre les femmes et les hommes parmi leurs cadres dirigeants et les membres de leurs instances dirigeantes.

Sur ce point, je me réjouis qu'un accord ait été trouvé en commission mixte paritaire sur les délais de cette publication. Il s'agit d'une avancée significative dans le processus d'accompagnement des entreprises pour atteindre les objectifs qu'assigne ce texte. C'est en effet en incitant les entreprises à un devoir de transparence qu'on fait réellement bouger les lignes. La commission mixte paritaire a également trouvé un accord sur le périmètre de cet article, en précisant clairement que les quotas définis s'appliqueront non seulement aux cadres dirigeants mais aussi aux membres des instances dirigeantes. L'objectif est ainsi d'atteindre une proportion minimale de représentation de chaque sexe, pour ces postes, de 30 % d'ici à 2027, et de 40 % d'ici à 2030.

En parallèle, il nous fallait traiter à la racine les mécanismes qui reproduisent les inégalités. À travers son article 5, en publiant des statistiques sur l'égalité dans l'enseignement supérieur ainsi qu'en favorisant une représentation équilibrée des femmes dans les jurys des concours d'entrée aux grandes écoles, nous préparons les viviers de talents de demain en luttant contre les stéréotypes qui assignent. Nous favorisons ainsi l'égalité avant l'entrée dans le monde professionnel.

Par ailleurs, parce que je l'ai observé au cours de ma vie antérieure dans le monde de l'entreprise, je sais que l'un des obstacles majeurs à la progression des carrières des parents, notamment des mères, est l'accès à une solution de garde pour les enfants. C'est un fait établi, en particulier pour les familles monoparentales qui sont à 85 % composées d'une femme avec enfants. Aussi l'article 4 soutient-il clairement les familles monoparentales en leur réservant des places en crèche afin de leur permettre de trouver un emploi, de créer une activité ou de participer aux actions d'accompagnement professionnel. De même, l'article 3 améliore utilement l'accès aux bénéficiaires de la prestation partagée d'éducation de l'enfant aux dispositifs de formation professionnelle. Ces dispositions sont importantes, car elles permettent d'accompagner les femmes éloignées de l'emploi à la suite de leur maternité et de les aider à se réinsérer dans le monde professionnel.

De la même manière, je me réjouis qu'on se soit emparé de la lutte contre les violences économiques que les femmes peuvent parfois subir au sein du couple. L'obligation de verser les salaires ainsi que les prestations sociales sur le compte bancaire de la personne titulaire des droits est aussi une mesure concrète qui aura une incidence dans la vie de nombreuses femmes.

Je terminerai par un point qui me tient particulièrement à cœur : l'entrepreneuriat des femmes. Il est indispensable que les femmes qui souhaitent entreprendre ne soient pas bloquées par des préjugés sexistes et que leur liberté d'entreprendre ne soit pas entravée par les stéréotypes de genre d'un autre temps. Des biais gênent les femmes qui souhaitent accéder au financement pour créer et faire grandir leur entreprise, si bien que les entrepreneuses ont 30 % de chances de moins que les hommes de voir leurs demandes de financement aboutir.

L'article 8 a vocation à réduire ces inégalités. Il prévoit des objectifs de mixité dans la politique de BPIFrance de soutien à la création et au développement d'entreprises. La composition des comités de sélection des projets sera davantage féminisée, ainsi que celle des équipes dirigeantes des projets bénéficiaires. Là encore, le travail de la commission mixte paritaire a permis de trouver un équilibre pertinent sur les délais d'application de ce dispositif. Ce même article introduit également la notion d'« éga-conditionnalité » dans l'octroi de financements en prêts ou en fonds propres par BPIFrance.

Les nouvelles générations sont très sensibles aux questions d'égalité. Marie-Pierre Rixain, Christophe Castaner et chacun d'entre vous dans cet hémicycle avez bien compris cet enjeu. Les débats, toujours nourris et constructifs, parfois jonchés d'obstacles, ont finalement abouti à un accord ambitieux – fruit de votre détermination, chère Marie-Pierre Rixain. Cette proposition de loi est sans nul doute un grand texte pour l'égalité économique et professionnelle entre les femmes et les hommes. Je sais déjà qu'il sera une source d'inspiration pour beaucoup d'autres pays en Europe et dans le monde. L'égalité est une passion française que nous faisons vivre à nouveau ce soir. Nous pouvons dès lors, toutes et tous, nous réjouir que ce texte aboutisse.

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