Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du lundi 13 décembre 2021 à 16h00
Création de la fonction de directeur d'école — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

La proposition de loi que nous nous apprêtons à voter a beaucoup évolué depuis sa présentation. Cela prouve les difficultés qui existent à légiférer sur les directeurs d'école, en raison notamment de crispations anciennes sur ce sujet. C'est la traduction, aussi et surtout, du quotidien complexe, parfois douloureux, de ces femmes et de ces hommes pourtant dévoués à leur métier et au service public. Les attentes sur ce texte sont fortes, à la hauteur de leur mal-être. Les difficultés exprimées de longue date par les directeurs d'école ont été aggravées en raison de la crise sanitaire. La cinquième vague, qui remet les écoles au cœur des préoccupations, va accentuer cet épuisement généralisé avec les changements de protocoles sanitaires, l'accumulation des demandes administratives et les relations de plus en plus difficiles avec les parents.

Reconnaissons pourtant quelques avancées, depuis le dramatique suicide de Christine Renon. Je pense notamment à la pérennisation de la prime de rentrée. Mais il reste encore beaucoup à faire pour améliorer le quotidien et répondre au mal-être et, plus largement, à la crise de vocation du métier. À l'issue de l'examen, nous nous interrogeons : ce texte permettra-t-il d'y remédier ? À ce sujet, le groupe Libertés et territoires continue d'exprimer un certain nombre de réserves.

La première porte sur le message envoyé à la communauté éducative. Avec ce texte vous avez rouvert un débat ancien, sensible : celui d'un statut hiérarchique pour les directeurs et directrices d'école. Exit la proposition initiale de créer un « emploi fonctionnel » : le texte tel qu'il ressort de la commission mixte paritaire maintient la notion introduite par le Sénat d'« autorité fonctionnelle ». Cette rédaction ravive forcément les inquiétudes de voir advenir, tôt ou tard, un statut hiérarchique, au risque de ne plus considérer le directeur comme un pair parmi les pairs.

La consultation menée par le Gouvernement a pourtant confirmé la préférence des directeurs d'école pour l'aspect pédagogique au détriment des tâches administratives et logistiques. Ce qui les anime, c'est le suivi collectif des élèves, le travail en équipe et l'élaboration des dispositifs d'aide. Voilà pourquoi ils craignent l'idée de se voir offrir un statut hiérarchique, qui les ferait appartenir à un autre corps administratif que celui des enseignants, pire, les éloignerait de leurs pairs, au détriment de la cohérence d'équipe. Cette inquiétude aurait pu être atténuée mais le Sénat a supprimé la précision adoptée ici en première lecture, selon laquelle le directeur n'a pas d'autorité hiérarchique sur ses enseignants. Nous constatons que la CMP n'a pas jugé bon de la rétablir.

Je le disais, il est avant tout question de message envoyé à la communauté éducative dans son ensemble. Or ces éléments ont été adoptés alors même que le Président de la République annonçait, à Marseille, son souhait d'expérimenter la liberté du choix des enseignants par les directeurs dès la rentrée 2022 dans une cinquantaine d'écoles de la ville. Quel message envoyons-nous ?

La seconde réserve concerne les moyens mis à disposition des directeurs d'école. Ce serait se tromper de débat que de penser que la seule question pertinente porte sur la création d'un statut hiérarchique, car ce dont ont réellement besoin les directrices et directeurs, c'est de plus de temps de décharge et davantage de supports humains. Le texte propose des mesures positives, il faut les saluer : la création d'un référent par exemple. Le sujet des décharges et la revalorisation de l'indemnité sont renvoyés à des décrets, mais c'est un premier pas.

Reste la question majeure de l'aide administrative et du secrétariat, trop souvent absente. Le compromis obtenu en commission mixte paritaire ne lève pas les inquiétudes. Certes, il est plus clair sur la répartition entre État et communes, afin d'éviter tout risque de transfert de charges au détriment des collectivités, mais il ne prévoit qu'une possibilité, alors qu'il aurait sans doute fallu prévoir une obligation pour l'État de mettre à disposition une assistance administrative, tout en laissant éventuellement la possibilité aux communes de le faire. Le risque est grand d'un statu quo en la matière.

J'insiste enfin sur la question du défaut d'attractivité, qui n'est pas résolue. C'est une revalorisation du métier d'enseignant dans son ensemble qui est nécessaire pour répondre à la crise des vocations et à la dégradation des conditions de travail.

Vous l'aurez compris, nous avons quelques réserves à l'égard de ce texte. Nous avons aussi pris acte de quelques avancées. Aussi nous abstiendrons-nous.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.