Intervention de Lamia El Aaraje

Séance en hémicycle du lundi 13 décembre 2021 à 16h00
Responsabilité pénale et sécurité intérieure — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLamia El Aaraje :

Ce texte actera, je l'espère, la fin des mille et une lois sécuritaires de ce quinquennat, qui n'auront absolument pas soulagé ni amélioré les conditions de travail des magistrats et des policiers et qui n'auront pas davantage permis de rétablir un continuum police-justice lisible, efficace et juste. Je tiens à saluer le travail des personnels de la justice et de la police, qui travaillent dans des conditions assez difficiles – c'est là un doux euphémisme.

Au total, nous comptons plus d'une dizaine de lois portant sur la justice, des lois lourdes de sens et très critiquées, comme la loi « sécurité globale », sans oublier la loi de programmation annoncée par le Président de la République pour le premier trimestre 2022, alors que le Parlement arrêtera de siéger en février 2022. Vous avez donc multiplié les projets et propositions de loi sur la sécurité et la justice, pour que l'exécutif entame dans les derniers mois de ce quinquennat le Beauvau de la sécurité et les états généraux de la justice. Peut-être de telles concertations auraient-elles été plus raisonnables avant l'adoption, le vote et la discussion de ces lois, mais sans doute doit-on voir là davantage une ambition programmatique qu'une politique dans l'intérêt du pays.

Nous allons donc clore aujourd'hui les discussions sur un texte qui porte sur des dispositions à la fois judiciaires et sécuritaires. C'est paradoxal et étrange, alors que nous, représentants de la nation, sommes contraints par l'article 45 de la Constitution ! En cherchant une certaine logique, j'imagine qu'il faut y voir la nécessité de faire voter avant la fin du quinquennat des dispositions tardives en la matière. Vous nous contraignez ainsi à voter en une seule fois sur deux sujets, alors que nous avons le droit d'avoir un point de vue différent sur chacun d'entre eux.

Le crime abominable et barbare dont a été victime Sarah Halimi a provoqué une émotion certaine. La justice a considéré qu'il avait un caractère antisémite mais que son auteur était irresponsable. L'article 1er ne fait qu'inscrire dans la loi la jurisprudence et, à cet égard, nous ne pouvons qu'y être favorables. Les autres dispositions relatives à la responsabilité pénale complexifient toutefois l'analyse qui peut en être faite. Le texte n'apporte pas de garanties s'agissant de la permanence des soins que requiert l'état mental de la personne déclarée irresponsable. Cela risque, à terme, de mettre en danger l'irresponsabilité pénale.

Les groupes socialistes du Sénat et de l'Assemblée nationale vous ont fait des propositions pour assortir ce dispositif important de notre système judiciaire de plusieurs garanties et éviter de l'éroder. Sans surprise, vous les avez balayées d'un revers de main.

Je tiens, par ailleurs, à émettre une réserve sur l'irresponsabilité pénale : si l'auteur des faits a été déclaré irresponsable pénalement, les victimes restent des victimes et elles ont, à ce titre, droit à un minimum d'informations tant de la part de la justice que des instances de santé. Or ce droit n'est actuellement pas assuré et nous regrettons que le texte n'ait pas permis de combler cette carence.

J'en viens au second volet du projet de loi. Disons-le clairement, les groupes socialistes à l'Assemblée et au Sénat ont soutenu une partie des mesures qui y figurent, notamment celles qui visent à réprimer les atteintes contre les forces de l'ordre et à renforcer le contrôle des armes à feu pour en limiter le trafic. Toutefois, nous n'adhérons pas aux dispositions concernant les mineurs, notamment celles qui concernent le renforcement des contrôles d'identité ou l'amende forfaitaire pour vol à l'étalage.

Nous considérons en outre que l'extension de la vidéosurveillance pose problème dans la mesure où les conditions prévues ne sont pas suffisantes pour garantir le respect des libertés publiques. Tout comme l'article 47 de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés, les articles 8 et 8 bis autorisent la police administrative et la police judiciaire à déployer des drones de surveillance. Force est de constater que ces articles échouent à présenter les garanties qui avaient déjà fait défaut à l'article 47, faiblesse qui avait justifié sa censure par le Conseil constitutionnel. Nous ne pouvons que douter – et c'est un euphémisme – qu'une telle mesure de surveillance soit de nature à resserrer les liens très distendus entre les forces de l'ordre et nos concitoyens.

Les députés des bancs de la gauche de cet hémicycle s'uniront pour saisir le Conseil constitutionnel des mesures autorisant les forces de police à recourir aux drones car elles ne nous paraissent pas entourées de garanties suffisantes.

Mes chers collègues, le législateur ne peut tolérer ni les effets d'annonce ni les contrecoups de vos méthodes de concertation, surtout lorsqu'il y va de la justice ou de la sécurité. J'espère que ce n'est pas l'idée que vous vous faites d'une bonne législation.

Pour des raisons de méthode comme de fond, le groupe Socialistes et apparentés s'abstiendra sur ce texte aux conséquences lourdes en matière de sécurité.

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