Intervention de Marc Delatte

Séance en hémicycle du jeudi 18 janvier 2018 à 9h30
Lutte contre la désertification médicale — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Delatte :

Les présidents successifs du Conseil national de l'Ordre le répètent, voire le martèlent, comme tout récemment Patrick Bouet, de même que les syndicats médicaux et les professionnels de santé.

D'abord, nous n'avons pas de zones sur-denses ; même dans l'arrière-pays niçois, il y a des zones désertées. Cette proposition aurait aussi un effet dissuasif sur les vocations et les installations, entraînerait une remise en question profonde des relations conventionnelles et engendrerait un climat délétère avec la profession médicale, à l'heure où, précisément, nous retissons le lien avec les professions de santé par le dialogue et l'écoute, mais où le burn-out reste fréquent et où l'on enregistre des taux de suicide bien plus élevés que parmi la population générale. Je ne connais pas d'entreprise qui fonctionne bien dans un mauvais climat social. Avec cette proposition, qui déshabille Pierre pour habiller Paul, le patient, in fine, ne serait pas remboursé de sa consultation.

Comprenons que la médecine ne peut plus être comme avant. Nos jeunes collègues, s'ils sont mus, comme leurs aînés, par l'esprit de service et de solidarité, ne veulent plus travailler soixante heures par semaine. Ils aspirent à une vie de famille, à dédier leur temps professionnel à un réel temps médical, à de moindres contraintes administratives et à travailler ensemble dans un exercice regroupé et en un lieu où les services soient accessibles. Être disponibles pour les autres, c'est aussi l'être pour soi-même. Prendre soin, c'est dans la réciprocité. Nous les comprenons.

C'est pourquoi il nous faut repenser notre système de soins et se donner les moyens, tout en introduisant plus d'humanité et de solidarité, pour améliorer l'accès de tous, notamment des plus fragiles, à l'heure où notre population vieillit. Voilà la priorité ! Cela passe par le dialogue, la concertation et la confiance envers celles et ceux qui oeuvrent tous les jours pour le bien de nos concitoyens, non seulement les professionnels de santé, mais aussi les élus, les familles et les représentants des usagers.

Nous saluons donc le nouveau plan pour renforcer l'accès aux soins, présenté le 13 octobre dernier par M. le Premier ministre et Mme la ministre des solidarités et de la santé. Privilégiant la responsabilité et les initiatives innovantes adaptées aux spécificités locales, s'appuyant sur les acteurs locaux et les agences régionales de santé, ce plan se veut efficace et adapté aux territoires, à l'écoute des professionnels de santé.

Les propositions, destinées à être très rapidement effectives, ont pour but d'assurer cet égal accès aux soins pour tous, en toute équité. Dès lors, il faut favoriser les dispositifs d'exercice regroupé, comme les centres de santé, les cabinets médicaux de groupe et les maisons de santé pluridisciplinaires. On en recense 910 actuellement, 334 sont en cours de réalisation et ce chiffre doublera d'ici à cinq ans – 400 millions d'euros y seront consacrés sur le quinquennat.

Le dispositif ASALEE sera pérennisé afin de prendre en charge les pathologies chroniques comme le diabète. Ces collaborations entre acteurs de santé amélioreront la prise en charge des patients tout en générant du temps médical.

Redonner du temps médical, cela passe également par une diminution aussi importante que possible des contraintes administratives, grâce à la création d'un guichet unique pour l'ensemble des démarches à effectuer. Ce seront également 200 millions d'euros d'aides conventionnelles à l'installation renforcées qui seront consacrés sur cinq ans aux zones sous-denses, avec une couverture par les zones éligibles passant de 7 à 18 % du territoire.

Renforcer l'accès et l'offre de soins au service des patients, c'est aussi assurer une présence des soignants accrue, pérenne et continue. Dès cette année, des postes de médecins en exercice partagé – pour partie salariés à l'hôpital et pour partie libéraux – seront proposés aux jeunes diplômés là où l'offre de soins est insuffisante.

C'est encore la généralisation des contrats de médecin adjoint dans les zones sous-denses – plus seulement dans les zones à fort afflux touristique ou en cas d'épidémie – , le développement des consultations avancées, la facilitation du cumul entre emploi et retraite des médecins libéraux grâce au relèvement du plafond annuel en deçà duquel le médecin est en droit d'être dispensé de cotiser au régime prestation complémentaire vieillesse, la facilitation des remplacements et de l'exercice mixte par l'ouverture d'une option d'affiliation au seul régime général et la diminution des charges relatives à l'exercice libéral, la simplification de la prise en charge des patients en situation complexe grâce à la convergence des dispositifs d'appui aux parcours complexes.

Renforcer l'image de la médecine libérale, notamment du médecin généraliste, c'est aussi favoriser les stages extra-hospitaliers pour susciter des vocations. Cela passe également par une revalorisation de l'indemnité des maîtres de stage en zone sous-dense et par un meilleur accueil des stagiaires.

Il est essentiel de financer les projets innovants des acteurs de terrain que sont les professionnels de santé, en lien avec les usagers, les collectivités locales et les élus, afin de tisser des liens de confiance. En vertu de l'article 51 de la loi de financement de la Sécurité sociale, ces projets seront soutenus par le fonds national pour l'innovation organisationnelle, pris en compte dans l'ONDAM – l'objectif national des dépenses d'assurance maladie – et appuyés par les ARS ; 10 millions d'euros de crédits supplémentaires leur seront consacrés cette année.

Assurer la permanence des soins non programmés de médecine générale, aux heures d'ouverture des cabinets, témoigne de notre confiance envers les professionnels de santé qui assurent quotidiennement leur mission de service public et participent à diminuer l'affluence dans les services d'urgence.

Un autre volet du plan porte sur l'innovation. La télémédecine sera généralisée. La loi prévoit désormais une prise en charge financière de cette révolution numérique pour accompagner l'équipement des établissements médico-sociaux, des hôpitaux de proximité, des maisons de santé pluriprofessionnelles, des centres de santé, des EHPAD et de toutes les structures d'exercice coordonné en zones sous-denses à l'horizon 2020, améliorant la qualité de suivi des patients et évitant les hospitalisations inutiles. Les crédits du fonds d'intervention régional pour le développement de la télémédecine sont doublés en 2018, atteignant 18 millions d'euros. Enfin, une réflexion est engagée quant au mode de rémunération de la télémédecine. Ces crédits participeront également à la généralisation du dossier médical personnel et de la prise de rendez-vous en ligne pour les hôpitaux et structures ambulatoires.

Le dialogue et la concertation ont permis de développer fortement la pratique du tiers payant, depuis 2015, pour les patients en situation de précarité, notamment les allocataires de la CMU-C, les patients en ALD – affection de longue durée – et les bénéficiaires de l'assurance maternité.

Si la généralisation du tiers payant était prévue par la loi de 2016 de modernisation de notre système de santé, les conclusions de l'IGAS ont pointé de nombreuses difficultés dans sa mise en oeuvre pour les professionnels de santé. Ces difficultés appellent une plus grande concertation avec les parties prenantes – assurances maladie et complémentaires, professionnels de santé, assurés, éditeurs de logiciels – pour redéfinir un calendrier opérationnel et identifier les publics prioritaires. Ces difficultés de généralisation à l'ensemble de la population ont conduit à supprimer l'obligation de pratiquer le tiers payant au 30 novembre 2017. Un rapport sera rendu sur ce sujet d'ici au 31 mars 2018.

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