Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du jeudi 18 janvier 2018 à 9h30
Lutte contre la désertification médicale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis plus de dix ans, le thème de la désertification médicale est repris en boucle dans l'hémicycle sans que l'on ait jamais réussi à enrayer le phénomène.

Au vu des promesses d'Emmanuel Macron, on aurait pu s'attendre à un peu plus que les quelques mesures annoncées en octobre dernier. Certes, il faut saluer la volonté de doubler le nombre de maisons de santé pluriprofessionnelles, de favoriser les stages chez les médecins libéraux, de permettre des exercices partagés ou de développer des consultations avancées. Mais cela suffira-t-il ?

Ce matin, les députés du groupe Nouvelle Gauche proposent autre chose. Pragmatique, leur proposition me semble pouvoir contribuer à remédier au problème des déserts médicaux. Subordonner l'installation d'un médecin libéral à la cessation d'activité d'un autre médecin libéral dans les zones où il existe un fort excédent de praticiens devrait mettre fin à la surconcentration des médecins sur de nombreux territoires. Mais cela ne réglera pas pour autant notre problème de désertification médicale.

Il nous faut réfléchir à long terme. La France vit un étrange paradoxe : elle n'a jamais compté autant de médecins – près de 216 000 praticiens en activité étaient recensés au 1er janvier 2017 – , tandis que les déserts médicaux s'étendent. Près d'un Français sur dix vit dans un désert médical. Les populations résidant dans une zone rurale isolée souffrent particulièrement de cette pénurie. Il en va de même dans la grande couronne des principaux centres urbains. Et l'on rencontre même des déserts médicaux dans les centres de villes moyennes. Je vous suggère donc pour ma part d'explorer deux pistes.

Premièrement, il convient d'inciter à l'installation dans ces zones spécifiques, par exemple par le biais de réductions d'impôt ou de la possibilité de facturer plus cher un acte aux patients – les propositions ne manquent pas – , avec bien sûr, en compensation, un remboursement plus élevé.

La seconde piste n'est pas nouvelle : elle concerne le numerus clausus, passé sous silence alors qu'il faisait l'objet de l'une des promesses de campagne d'Emmanuel Macron.

Le 29 décembre dernier, le numerus clausus a été porté, pour l'année 2018, à 8 205 places, soit 1 % de plus que l'année dernière, alors que près de 60 000 étudiants se préparent chaque année au concours. Cette trop légère augmentation n'est pas à la mesure des enjeux. Rappelons qu'actuellement, sans les médecins titulaires d'un diplôme obtenu à l'étranger, certains hôpitaux ne pourraient pas fonctionner. Entre 2007 et 2017, le nombre de médecins exerçant en France avec un diplôme étranger a été multiplié par deux, et il devrait atteindre 30 000 en 2020.

Notre collègue Olivier Véran le confirme : « Le numerus clausus n'est qu'un instrument qui empêche les jeunes Français de faire médecine en France. Aujourd'hui, plus d'un quart des nouveaux inscrits à l'Ordre ont obtenu leur diplôme à l'étranger. » Pour lui, le diagnostic est simple : « On écarte précocement des étudiants brillants et motivés qui auraient fait d'excellents médecins, pour finir par en retenir, voire en chercher d'autres, dont la formation est inégale. » Cette situation ne peut continuer.

Vous m'avez déjà répondu, madame la ministre, que, selon vous, ouvrir le numerus clausus ne serait pas la bonne solution, puisqu'il faut dix ans pour former un médecin et que cette mesure n'aurait donc pas d'effet immédiat. C'est vrai, et c'est pourquoi il faut chercher d'autres solutions. Mais n'est-il pas temps de préparer notre système de santé de demain ? Et s'il faut dix ans pour former de nouveaux médecins, qu'attendons-nous pour nous y mettre ?

La vérité, c'est qu'il faudrait tout repenser, en associant politique à court terme et politique à long terme. Or, pour inverser la tendance et revoir notre système, il faut être à l'écoute des praticiens. Et que disent-ils donc ? Vous le savez, ils sont majoritairement opposés à la généralisation du tiers payant, pour des raisons tenant aux garanties de paiement et à la simplicité de procédure. Ainsi, mes chers collègues, votre proposition de loi, qui tente de refaire passer par la petite porte la généralisation du tiers payant, démontre simplement que vous n'êtes pas encore assez à l'écoute des praticiens, que vous prétendez défendre.

Madame la ministre, mes chers collègues, quand aurons-nous le courage d'une profonde réforme au service des médecins, pour que ces derniers puissent être à 100 % au service de leurs patients ?

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