Intervention de Pierre Dharréville

Séance en hémicycle du jeudi 18 janvier 2018 à 9h30
Lutte contre la désertification médicale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Dharréville :

Par ailleurs, le plan d'accès aux soins annoncé en octobre ne fait que prolonger des mesures incitatives dont tout le monde s'accorde à dire qu'elles n'ont pas produit les effets escomptés.

Les maisons de santé, que le Gouvernement entend développer, s'apparentent souvent à des aquariums sans poissons : les aides à l'installation sont coûteuses pour les finances publiques et, selon le dernier rapport de la Cour des comptes, peu efficaces.

Quant à la promotion de la télémédecine, prévue par la même loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018, elle doit d'abord être envisagée comme un outil au service des médecins et non comme un substitut au manque de présence médicale dans nos territoires.

Il est donc temps de passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultats. La proposition de nos collègues du groupe Nouvelle Gauche d'instaurer un conventionnement sélectif s'inscrit dans cette démarche. Nous l'avions d'ailleurs nous-mêmes proposé dans le cadre de nos débats sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2018.

Devant l'échec des mesures incitatives, nous devons nous donner les moyens d'agir, en inventant de nouvelles formes de régulation, tout en améliorant notre capacité à former des professionnels de santé.

La sur-densité médicale constatée dans certains territoires – 752 communes sur-denses d'après la DREES, soit 3,4 millions de personnes – doit être régulée au profit des zones pauvres en professionnels de santé, puisque notre pays compte 8 919 communes sous-denses, correspondant à un bassin de population de 5,3 millions de personnes.

La liberté d'installation des médecins invoquée ne saurait être un argument suffisant face au droit à la santé, qui est une exigence constitutionnelle, ainsi qu'à l'objectif d'intérêt général d'assurer à nos concitoyens, et sur tout le territoire, l'accès aux soins.

L'État contribue au financement de la formation des médecins : il le fait sans doute insuffisamment, mais il le fait. Dans le même temps, la puissance publique, à travers la Sécurité sociale, finance la demande de soins et donc, indirectement, l'activité des professionnels de santé.

En contrepartie de ce financement public et solidaire, il nous semble cohérent que les citoyennes et les citoyens, ainsi que leurs représentants, puissent contrôler que cet argent soit efficacement utilisé pour protéger le droit à la santé.

Il y a urgence à agir et à organiser l'offre de soins. Ce ne sont pas les médecins qui sont en cause : c'est l'État qui est aux abonnés absents et que l'on peut même, dans certaines situations, accuser de non-assistance à personne en danger.

Nous savons les médecins animés d'un esprit de soin, d'une vocation qui les conduit à exercer leur métier. Parler de coercition au sujet de la mesure proposée, c'est méconnaître la réalité. Que devrait-on dire, en effet, à propos des fermetures de certains services dans les hôpitaux de proximité ? Le problème réside dans le refus, que je vois émerger, de modifier un modèle trop ancien.

De même que la situation est due à la convergence de plusieurs causes, seul un faisceau de solutions peut permettre de surmonter les difficultés actuelles. Le conventionnement sélectif fait partie de l'éventail des propositions permettant d'agir à court terme sur les inégalités d'accès aux soins qui, comme plusieurs rapports l'ont noté, devraient s'aggraver dans les dix, voire dans les trois prochaines années.

Ce n'est pas la seule proposition qui doit être envisagée : il convient également d'agir sur le levier de la formation médicale, pour dégager des marges de manoeuvre à plus long terme et éviter de voir les problèmes continuer à s'aggraver.

Nous estimons urgent de sortir du numerus clausus qui empêche de former des médecins en fonction des besoins de santé, lesquels s'accroissent d'année en d'année du fait du vieillissement de la population et de l'augmentation des maladies chroniques. Nous payons aujourd'hui l'inaction politique de ces dernières années.

Pour l'année 2018, seules 8 205 places sont ouvertes pour près des 60 000 étudiants inscrits en médecine, soit une augmentation de 1 % par rapport à l'année précédente. C'est mieux mais c'est peu. Le risque est de casser des vocations et parfois d'obliger des étudiants à aller se former dans d'autres pays : cette situation n'est plus tenable.

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