Intervention de François-Michel Lambert

Séance en hémicycle du lundi 29 novembre 2021 à 16h00
Lutte contre la pollution plastique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois-Michel Lambert :

Année après année, la pollution plastique s'intensifie, à cause des sacs en plastique, bouteilles, filtres, gobelets, pailles, masques, mais aussi de toutes les microfibres, de tous les microplastiques. Les chiffres sont édifiants : chaque année, 275 millions de tonnes de nouveaux déchets plastiques sont créées. Selon l'ONU, en 2021, 17 tonnes de plastique sont déversées dans les océans chaque minute. En France, ce sont 80 000 tonnes de plastiques qui sont déversées annuellement.

Cette pollution massive a des impacts importants sur la biodiversité – vous vous en doutez, nous le savons, tout le monde le sait. Les images d'animaux marins morts, étranglés par les plastiques qu'ils ont ingérés, sont les plus édifiantes. On estime que 1,4 million d'oiseaux et 14 000 mammifères décéderaient chaque année en raison de l'ingestion de macroplastiques.

Mais il existe également une autre menace, plus insidieuse, celle des microplastiques, qui sont présents, comme vous l'avez signalé, chers collègues, dans les microbilles, mais surtout dans les fibres textiles – 69 % de celles-ci sont actuellement synthétiques. Ces microplastiques pénètrent au cœur de la chaîne alimentaire. Si vous n'avez pas encore vu les images capturées au microscope de planctons ingérant des microplastiques et en mourant, je vous invite à le faire, pour prendre conscience de l'urgence.

Je ne parlerai pas de l'impact du plastique sur les émissions de gaz à effet de serre – il est équivalent à celui de plusieurs dizaines de millions de voitures. Si nous continuons à produire autant de plastique, 15 % du CO2 qu'il nous est possible d'émettre avant d'atteindre le fameux seuil de 1,5 degré Celsius de réchauffement climatique sera consacré à la production de ce matériau.

Plus de 8 milliards de tonnes de plastique sont en circulation et davantage de plastique vierge est produit chaque année. Pour faire face à cette crise grandissante, nous avons besoin d'adopter une approche à plusieurs volets. La proposition de résolution examinée s'inscrit dans cette logique et invite le Gouvernement à agir à trois niveaux : à l'échelle nationale, avec l'instauration d'un plan national sur les plastiques ; à l'échelle européenne, avec l'instauration d'un mécanisme harmonisé de soutien aux prix des résines recyclées, l'interdiction des microplastiques ajoutés intentionnellement et la prise en compte de la présence de microplastiques dans le processus d'évaluation du bon état écologique prévu par la directive-cadre sur l'eau (DCE) ; à l'échelle internationale, en soutenant la création d'une instance internationale chargée d'harmoniser la recherche sur la question – il s'agira d'une sorte de GIEC du plastique –, en jouant un rôle moteur dans l'adoption d'un texte juridiquement contraignant. Oui, ces propositions vont dans le bon sens et oui, nous estimons que la crise de la pollution plastique doit être une priorité de l'agenda mondial.

Toutefois, nous craignons que ces négociations internationales soient chronophages. Nous savons même qu'elles le seront, alors que nous n'avons pas le temps. La mer Méditerranée peut mourir d'ici vingt ans, comme vous le savez, madame la secrétaire d'État, puisque nous avons assisté ensemble au congrès de l'UICN – l'Union internationale pour la conservation de la nature. Cette mer représente 1 % des eaux salées et 7 % de la pollution plastique y est déversée, alors qu'il faut quatre-vingt-dix ans pour renouveler ses eaux. Croyez-vous qu'elle pourra survivre longtemps ainsi ?

L'urgence est donc de prendre le problème à la racine, en coupant l'accès au gaz et au pétrole, ces matières premières servant à produire le plastique peu cher et très abondant qui nous submerge. Voilà ce que nous devons faire ! D'ici à 2030, il faut changer complètement le système, en diminuant l'usage du plastique, alors qu'on le retrouve actuellement dans tout et n'importe quoi ; en renforçant le recyclage – puisque celui-ci doit devenir la seule voie de production du plastique –, ce qui implique un travail de recherche ; en substituant d'autres matériaux au plastique, puisque celui-ci peut être remplacé pour certains besoins.

Nous avons réussi à changer le monde automobile, en décidant ici même de la fin des voitures thermiques en 2040. Eh bien, faisons de même pour le plastique, même si cela ne suffira pas. Il faut aussi aller plus loin, en plaçant le défi du plastique au cœur de notre politique publique. Madame la secrétaire d'État, la création d'une Agence nationale du plastique, sur le modèle de l'OFB – l'Office français de la biodiversité –, que vous connaissez bien, est indispensable, pour contrôler, guider l'usage du plastique et supprimer celui-ci quand il n'est pas nécessaire. D'ailleurs, vous saurez défendre cette agence au niveau européen.

Enfin, je tiens à remercier les trente collègues qui ont cosigné ma proposition de loi visant à doter la France des instruments nécessaires pour lutter contre la pollution des plastiques – outre la création d'une agence, cette proposition prévoit l'adoption d'une stratégie « zéro plastique issu du pétrole ». Cher Philippe Bolo, ce serait la deuxième lame de votre proposition de résolution. Elle est indispensable et nous présenterons ce texte en février, car nous devons avancer encore plus vite. Dès ce soir, nous appuyons sur le bon bouton, pour vous soutenir ; nous continuerons à travailler ensemble dans cet hémicycle, tant qu'il nous restera du temps pour lutter contre le fléau qu'est le plastique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.