Intervention de Valérie Rabault

Séance en hémicycle du vendredi 26 novembre 2021 à 15h00
Emploi des travailleurs expérimentés jusqu'à la retraite — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rabault :

Cette proposition de loi vise à améliorer l'accès, le maintien et le retour dans l'emploi des travailleurs expérimentés, c'est-à-dire des personnes âgées de 55 à 64 ans.

Les membres du groupe Socialistes et apparentés partagent évidemment cette ambition. Améliorer le taux d'emploi de ces travailleurs faisait déjà partie des cinq objectifs d'Europe 2020, fixés dès 2000 dans l'agenda de Lisbonne. Or la comparaison avec nos confrères et amis européens montre que nous sommes très en retard : le taux d'emploi des seniors atteint 53,8 % en France, contre 60,2 % en moyenne dans l'Union européenne et 72 % chez nos voisins allemands – soit près de vingt points de plus que chez nous.

Notre taux d'emploi des travailleurs dits expérimentés – selon l'expression utilisée dans le texte – cache en outre de fortes inégalités. La première concerne les femmes, dont le taux d'emploi atteignait 51 % en 2019, contre 55,4 % pour les hommes. La seconde est relative à l'accès à la formation professionnelle : seuls 35 % des 55-64 ans ont suivi au moins une formation pendant les douze derniers mois, alors que ce taux est deux fois plus élevé pour les autres tranches d'âge. La troisième inégalité concerne la durée d'inscription au chômage des actifs expérimentés, 2,3 fois plus longue en moyenne que pour reste de la population active.

Comme vous, madame la rapporteure, ce constat nous conduit à nous interroger sur les raisons de notre échec comparativement aux autres pays européens. Pour analyser le problème, nous avons observé la situation chez eux, puisqu'il est toujours intéressant de regarder ce qui se passe chez nos voisins. Par exemple, vous l'avez mentionné, l'équivalent belge de Pôle emploi a élaboré un programme spécifique de développement des compétences numériques des travailleurs expérimentés. En effet, on constate qu'ils jonglent parfois moins bien avec le numérique que des salariés plus jeunes, ce qui peut constituer un frein à l'emploi.

En Allemagne, le gouvernement et les partenaires sociaux se sont mis d'accord pour prendre des mesures contraignantes d'adaptation des conditions de travail et de promotion de la santé des travailleurs expérimentés. Or la dimension contraignante est absente du texte.

Nous avons voté la précédente proposition de loi de cette journée de niche, et nous ferons de même avec la proposition de résolution qui suit, cependant, nous regrettons que, dans ce texte, l'application des dispositifs dépende de la bonne volonté des employeurs. Certes, il faut toujours privilégier l'incitation, mais quand ce n'est pas suffisant, il est parfois nécessaire d'aller plus loin.

L'article 1er crée un label qui promeut les bonnes pratiques des employeurs en matière d'emploi des travailleurs expérimentés, ce qui est très bien, mais il ne prévoit aucune sanction contre les mauvaises pratiques.

L'article 3 enrichit l'entretien professionnel qui suit la quarante-cinquième année du salarié d'un temps dédié à la préparation de la seconde partie de carrière. Mais comment agir sur ce volet, quand on sait que le taux d'accès à la formation professionnelle des salariés âgés de 55 à 64 ans est deux fois moins élevé que celui des autres classes d'âge ? Nous regrettons que le texte ne prévoie pas plus d'incitations en ce domaine.

L'article 4 était intéressant parce qu'il prévoyait d'intégrer la question de l'accompagnement spécifique des demandeurs d'emploi de plus de 50 ans dans la convention tripartite conclue entre l'État, l'UNEDIC et Pôle Emploi. Monsieur le secrétaire d'État, nous ne comprenons pas pourquoi votre majorité l'a supprimé lors de l'examen en commission. Il faut rétablir l'article 4 qui était de bon aloi pour atteindre l'objectif visé.

Enfin, l'article 5 bis prévoit d'enrichir l'entretien sur les droits à la retraite d'un point dédié à l'accès à la retraite progressive, ce qui est également de bonne méthode. Mais il ne remet pas en question ce dispositif, alors que la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail a mis en cause son efficacité. Selon moi, il est utile d'y réfléchir et de mener une expérimentation.

Nous nous abstiendrons donc. Toutefois, nous partageons l'objectif visé et trouvons très intéressant d'en débattre dans l'hémicycle ; cela va dans le bon sens.

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