Intervention de Valérie Six

Séance en hémicycle du vendredi 26 novembre 2021 à 15h00
Emploi des travailleurs expérimentés jusqu'à la retraite — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Six, rapporteure de la commission des affaires sociales :

Évidemment, il n'aurait pas reposé sur les mêmes critères, puisque la mesure des écarts de rémunération est bien moins pertinente pour les travailleurs expérimentés que pour les femmes et les hommes. Mais il aurait été utilement construit sur des indicateurs relatifs au taux de formation, au taux d'emploi ou encore à la mobilité interne.

Le label s'inspire, comme bien souvent en matière d'innovation sociale, d'initiatives de terrain. Le succès du label 45+ mis en place par le comité du bassin d'emploi Sud Val-de-Marnais est la preuve que la reconnaissance des pratiques vertueuses des entreprises joue un vrai rôle incitatif.

Afin de mesurer précisément la portée et les effets de l'index, j'en proposais, à l'article 2, l'évaluation, par la remise d'un rapport au Parlement dans un délai de trois ans. Je déplore à nouveau que cette simple demande d'évaluation d'un dispositif, qui, je le rappelle, n'est assorti d'aucune sanction, n'ait pas été maintenue par la majorité.

Deuxième principe cardinal : la prévention et l'anticipation des besoins. C'est l'une des conclusions fortes des travaux de la mission d'information : il faut penser le maintien en emploi très en amont, autour des enjeux de formation professionnelle et de prévention. La mi-carrière de tout travailleur, aux alentours de 45 ans, est une étape décisive dans l'appréhension du maintien durable en emploi.

Nous savons que, passé un certain âge, les salariés renoncent à se former, victimes de ce que l'on appelle « l'effet horizon ». Malheureusement, et encore plus aujourd'hui qu'hier, la durée de vie d'une compétence est de plus en plus courte. C'est pourquoi nous devons tout mettre en œuvre pour prévenir l'obsolescence des compétences. C'est l'ambition de l'article 3, qui introduit un entretien professionnel renforcé, couplé à la visite médicale de mi-carrière, afin d'établir un diagnostic complet de la situation professionnelle du salarié.

Les auditions menées dans le cadre de l'examen de la proposition de la loi m'ont conduite à proposer une réécriture de cet article, afin de faire toute sa place au conseiller en évolution professionnelle dans cette démarche.

En effet, la visite médicale de mi-carrière, introduite par la loi pour renforcer la prévention en santé au travail, d'août 2021, doit être l'occasion pour le salarié de préparer la suite de sa carrière. Les enjeux de protection du secret médical rendent évidemment impossible d'effectuer, au cours du même entretien, un diagnostic à la fois sur la santé du salarié et sur ses perspectives professionnelles. J'ai acquis la conviction que cet entretien serait d'autant plus fructueux qu'il s'effectuerait en dehors de l'entreprise. Aussi, je le distingue bien de l'entretien professionnel, qui doit se tenir obligatoirement tous les deux ans avec l'employeur.

Seul le conseiller en évolution professionnelle, aujourd'hui encore trop méconnu, me semble à même de réaliser cet entretien renforcé. Malheureusement, la nouvelle rédaction de l'article adoptée en commission est bien en deçà de cet objectif, puisqu'elle propose simplement que l'employeur présente au salarié les modalités d'accès au conseil en évolution professionnelle. Nous avons manqué une occasion de mieux faire connaître ce service rendu aux salariés – j'espère que nous y reviendrons.

Dernier principe fondateur : l'accompagnement. L'article 4 – peut-être celui qui me tenait le plus à cœur – faisait de l'accompagnement spécifique des demandeurs d'emploi de plus de 50 ans un objectif explicite des missions de Pôle emploi. Je sais que, depuis une dizaine d'années, Pôle emploi a renoncé à une approche d'accompagnement par public, au profit d'une approche individualisée. Je considère que c'est une grave erreur. Le foisonnement d'initiatives partout en France – je pense bien sûr à PEPS – plein emploi pour les seniors – à Tourcoing, non loin de ma circonscription, aux Espaces emploi AGIRC-ARRCO ou encore à l'opération Talents seniors menée par l'Association pour l'emploi des cadres (APEC) – ont renforcé ma conviction que le taux de retour à l'emploi des travailleurs âgés était bien meilleur lorsqu'ils bénéficient d'un accompagnement spécifique.

Il ne faut pas confondre la situation des travailleurs âgés expérimentés avec celle des demandeurs d'emploi de longue durée, et c'est précisément pour éviter qu'ils ne sombrent dans le chômage de longue durée qu'il faut prendre en charge rapidement les travailleurs expérimentés. Toutes les initiatives locales couronnées de succès attendaient un signal fort de notre part. Votre majorité en a décidé autrement, en supprimant cet article en commission.

L'article 5 se proposait de rétablir le cumul emploi-retraite. J'ai bien conscience que ce sujet est moins consensuel que les autres, mais il ressortait très clairement des travaux de notre mission, tout comme des auditions que j'ai menées dans le cadre de la proposition de loi, que le rétablissement de cotisations génératrices de droits nouveaux à la retraite était une puissante incitation au maintien dans l'emploi. Il est dommage que la majorité n'ait pas saisi de manière plus ambitieuse cette proposition de nous intéresser plus à la transition entre l'emploi et la retraite.

Enfin, comme il m'importe d'aborder ce sujet sous le prisme de l'employabilité, je vous proposerai d'engager à nouveau la réflexion sur l'anticipation du départ à la retraite, grâce à un amendement qui tend à allonger le délai de préavis que doit respecter un salarié pour solliciter son départ à la retraite. Plus le salarié préviendra son employeur en amont, plus celui-ci sera à même d'organiser son maintien en emploi dans de bonnes conditions.

Notre prise de conscience collective des difficultés que rencontrent les travailleurs expérimentés dans l'emploi doit se traduire en actes. Je ne vous cache pas ma déception quant au contenu de cette proposition de loi, telle qu'elle ressort de la commission. J'avais construit ce texte dans une démarche consensuelle et constructive, que je pensais partagée. Malheureusement, ce n'est pas encore le cas. Je le déplore.

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