Intervention de Amélie de Montchalin

Séance en hémicycle du jeudi 25 novembre 2021 à 15h00
Risque d'épuisement administratif des français — Discussion générale

Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques :

Le Président de la République a fixé à chacun des ministres des objectifs clairs : veiller à une administration plus humaine qui promeut une politique de proximité et de bienveillance pour instaurer une relation de confiance entre les citoyens et leurs services publics. Cette ambition est au cœur de ma feuille de route en tant que ministre de la transformation et de la fonction publiques. Ce ministère est, en effet, un véritable ministère des services publics, des usagers et des agents publics, puisque nous ne pouvons concevoir ces entités de manière distincte.

Dans votre exposé des motifs, madame la députée Petit, vous appelez de vos vœux un changement de culture et de pratiques dans la relation entre l'administration et les Français, dans le sens d'une relation plus bienveillante, moins bureaucratique, et à un retour du sens de leur action pour les agents publics. Vous décrivez des situations parfois ubuesques, dans lesquelles nos concitoyens se retrouvent démunis face à l'administration. Ces situations sont hélas ! parfois bien réelles, et y répondre est une priorité de mon ministère et de l'action des services qui le composent, qui disposent déjà d'équipes pluridisciplinaires de suivi précis de la qualité de la relation entre administration et citoyens. Car nous ne pouvons nous résoudre à la complexité et aux inégalités face à l'accès aux droits, qui conduisent trop souvent au non-recours.

Je ne saurai toutefois vous rejoindre dans la dureté des termes employés à l'égard de notre administration que vous qualifiez de « prison psychologique », ou de « cage d'acier ». Je voudrais dépasser ce portrait assez noir de notre administration que vous dressez, et saluer l'engagement de nos agents publics au service de nos concitoyens. Je tiens à dire que chaque agent public engagé quotidiennement pour servir les usagers est le premier à souhaiter plus de simplicité, de proximité, d'efficacité et le premier à vouloir résoudre à son niveau les problèmes, en particulier les cas les plus complexes.

Si des lourdeurs existent, beaucoup a toutefois été fait depuis quatre ans, en particulier pendant la crise sanitaire, en assurant une continuité de service, une adaptabilité de nos services publics et surtout de nos agents publics, pour répondre aux besoins de tous nos concitoyens, partout sur le territoire.

Nous partageons cette volonté de simplification. Mais la simplification administrative, c'est d'abord simplifier concrètement la vie des usagers. Ce gouvernement n'a pas fait le choix de créer un ministère isolé, un ministère de la simplification dont la mission aurait été de provoquer de grands chocs, mais au contraire de faire ce travail précis, fastidieux – M. le député Kasbarian parlait de travail besogneux –, que chaque ministère mène partout et tout le temps, et que mon ministère accompagne et facilite. Nous voulons en effet construire un service public simple, efficace, qui passe effectivement par un numérique de qualité, qui permet à chacun de pouvoir faire, de chez lui, sans se déplacer, à l'heure qui lui convient, ses démarches. C'est un travail considérable qui permet aujourd'hui que 86 % des démarches quotidiennes des Français soient numérisées et qui permettra, à la fin de l'année, que 40 % d'entre elles soient accessibles à toutes les personnes en situation de handicap.

Mais nous voulons aller plus loin. Nous avons pris l'engagement fort de mettre fin à la surfacturation des numéros d'appel des différents services publics. C'est le cas depuis le 1er janvier.

Nous sommes en train de refondre 100 formulaires, un par un, avec les usagers, pour plus de simplicité : chaque fois qu'un citoyen nous signale une absurdité, une incongruité ou une incompréhension, nous changeons les choses.

Nous mettons en place l'intermédiation du paiement des pensions alimentaires. C'est une démarche de simplification radicale : les personnes concernées n'auront plus à faire les démarches juridiques ou auprès de la caisse d'allocations familiales pour recouvrer leurs droits. Pour un parent qui supporte financièrement la vie de son foyer, n'ayant plus son conjoint à ses côtés, ce sont des heures et des heures de travail administratif à sa charge que nous voulons supprimer.

S'il importe d'aller plus loin, ce bilan est concret et réel, et nos concitoyens le savent. Autre exemple : FranceConnect, grâce auquel 32 millions de nos concitoyens ont aujourd'hui un code et un identifiant unique pour faire leurs démarches. C'est une simplification majeure.

Pour aller plus loin, l'administration ne doit plus être une série de guichets en attente, charge aux Français ayant des problèmes de trouver le bon guichet pour en parler. Hier, en commission des lois, vous avez voté l'article 50 du projet de loi 3DS pour mettre à l'œuvre une administration proactive, qui n'attend plus le citoyen mais va au-devant de lui, qui le connaît grâce au partage des données et lui évite de faire des démarches. Ainsi, nous pourrons attribuer des droits à vie aux personnes handicapées, nous pourrons accompagner les personnes les plus précaires et les plus démunies face aux procédures, avec des formulaires préremplis, voire plus de formulaire du tout.

Derrière vos propositions, l'enjeu est d'aboutir à une administration bienveillante, qui va vers le citoyen. C'est donc un changement de posture, à l'inverse d'une relation déshumanisée. Une administration bienveillante, c'est une administration de confiance. La loi ESSOC de 2018 a instauré le droit à l'erreur. Le citoyen est d'abord un acteur de bonne foi. S'il a fait une erreur, il faut l'aider à la corriger avant de le sanctionner.

La confiance, c'est aussi une administration qui va plus vite, qui accélère son action. M. Kasbarian, rapporteur de la loi ASAP, a rappelé la suppression de nombreux comités Théodule afin d'accélérer la prise de décision. Aussi, 99 % des décisions individuelles sont dorénavant prises à l'échelle du département : il n'est plus requis que les questions remontent à la région ou à Paris pour faire l'objet d'une décision prise de loin, avec lenteur et parfois déconnectée des réalités.

Ce chantier de la confiance, je le mène aux côtés des agents, parce que les agents publics sont les premiers concernés. Ils connaissent les lourdeurs et les difficultés. Nous voulons construire, avec les usagers et ceux qui aident les Français en difficulté, une action plus bienveillante. Il y a quelques jours encore, je réunissais dans mon ministère la Croix-Rouge française, le Secours catholique et l'UFC-Que choisir, premiers accompagnants des personnes les plus précaires, pour savoir quelles situations ils voient s'améliorer et sur lesquelles nous devons concentrer notre action.

La confiance est aussi faite de ressenti, le sentiment de parfois ne pas être écouté, de se heurter à une machine bureaucratique. Je veux y substituer du dialogue et des échanges bienveillants. C'est pourquoi Services publics + permet au citoyen de donner son avis, de faire savoir ce qui ne fonctionne pas et d'obtenir une réponse. Je ne crois pas qu'une administration qui fasse partout prévaloir la règle selon laquelle le silence vaut acceptation soit à l'échelle et à l'écoute de notre pays. Nous devons répondre à nos concitoyens, et je pousse les administrations en ce sens.

Le chantier de la confiance est aussi un chantier de proximité. Il faut concilier le numérique avec la proximité et la modernité avec l'humanité. C'est pourquoi nous voulons que chaque citoyen, que ce soit derrière un guichet, au téléphone ou derrière une application numérique, puisse être en contact avec ces femmes et ces hommes engagés au service du public partout sur le territoire. À la différence des gouvernements précédents, nous n'avons pas fermé les sous-préfectures, ces lieux essentiels d'accueil. Nous avons repensé, maille par maille, lieu par lieu, canton par canton, la présence du service public.

Une grande réussite de ce quinquennat, ce sont les 1 800 espaces France Services. Ce matin, j'étais avec Joël Giraud dans le Loiret, à Meung-sur-Loire, dans une maison qui accueille un psychologue, un travailleur social et des agents publics formés, afin de recevoir les hommes et les femmes du territoire pour les accompagner dans leurs démarches. Plus de 300 000 Français ont été accompagnés, 80 % d'entre eux sont ressortis avec une solution. France Services, c'est le choix de proposer à chaque Français, à moins de vingt à trente minutes de chez lui, un lieu d'accueil, d'écoute et d'accompagnement. Dans votre département, madame la députée Valérie Petit, on dénombre trente-cinq espaces France Services et des bus – qui rappellent votre bus de députée – qui se déplacent au lieu d'attendre dans une permanence que les gens viennent à eux. Que ce soit par un lien physique, téléphonique ou numérique, notre priorité est bien que les services publics soient accessibles à chacun de nos concitoyens, peu importe le canal.

En conclusion, pour traiter à la racine les difficultés que vous évoquez dans la relation à l'administration, sachez que c'est ce à quoi je m'emploie matin, midi et soir avec mes collègues ministres, sous l'impulsion du Président de la République. Chaque trimestre, en Conseil des ministres, nous faisons un bilan de la qualité de service, du taux de décroché et du délai de réponse pour que ce sujet, qui n'est pas un sujet d'intendance, soit vu comme un sujet politique, un sujet de confiance, au cœur de notre démocratie. Au-delà de la simplification, nous devons aussi revaloriser l'action des agents publics, leur donner des moyens d'action, du sens au quotidien, c'est une priorité.

Avec la réforme de la haute fonction publique que je défends, nous allons enfin pouvoir sortir d'une administration pilotée par la norme et d'une culture que nous connaissons trop bien, une culture du contrôle, de l'audit, de la planification parisienne. Nous pourrons aller vers une fonction publique opérationnelle, attachée à la proximité et à la mise en œuvre des politiques publiques, au suivi de ses résultats. Nous aurons des cadres et des agents formés à partir du réel, du terrain, formés au management et à la décision.

Je vous remercie de nous avoir fourni l'occasion, par cette proposition de résolution, de rappeler devant votre assemblée notre action, avec la majorité parlementaire dont vous faites partie, pour concrétiser nos engagements en matière de simplification administrative et de confiance républicaine.

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