Intervention de Bruno Bilde

Séance en hémicycle du jeudi 25 novembre 2021 à 15h00
Risque d'épuisement administratif des français — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Bilde :

En théorie, en 2021 cette proposition de résolution visant à sensibiliser sur l'épuisement administratif n'aurait pas dû susciter le moindre débat au sein de la représentation nationale. En théorie, en 2021 le grand bond en avant du numérique, la digitalisation de notre société dans quasiment toutes nos activités quotidiennes promettaient un allégement certain du fardeau administratif. Mais au royaume de la théorie, comme chacun le sait, il ne manquait pas un seul bouton de guêtre à nos soldats avant la défaite de 1870. En théorie encore, nous ne devions jamais manquer de masques dont les stocks étaient, nous disait-on, considérables au début de la crise sanitaire.

L'épuisement administratif n'est pas un sentiment ou un fantasme, mais une triste réalité qui peut prendre les contours d'une souffrance, et cette proposition de résolution le souligne bien. Les Français concernés sont également frappés par d'autres discriminations sans cesse évoquées, mais jamais véritablement combattues : l'exclusion territoriale et sociale, la fracture numérique, la désertification médicale, la précarité. Les victimes sont toujours les mêmes : ils étaient « la France d'en bas » selon Jean-Pierre Raffarin, « les sans dents » pour François Hollande et « ceux qui ne sont rien » pour Emmanuel Macron.

Ainsi, les ouvriers, les chômeurs, les salariés, les retraités isolés, les personnes en situation de handicap, les mères seules, déjà confrontés à un quotidien éprouvant, subissent aussi le stress et l'angoisse de se trouver confrontés à une administration de plus en plus dématérialisée dans les actes, et de plus en plus déshumanisée dans les faits. Depuis des années, l'ogre administratif s'est engraissé avec l'explosion des taxes et des impôts, l'inflation normative pour tout et l'inverse de tout, les couches du millefeuille territorial, les dérives de la technocratie qui a alimenté son propre système au mépris du bon sens.

Ce gouvernement comme ses prédécesseurs a provoqué un épuisement administratif par la dégradation constante et méthodique des services publics de proximité qui assurent, en particulier en milieu rural, l'indispensable aux plus fragiles : un contact, une écoute, une présence, un soutien.

Dans ma circonscription du Pas-de-Calais, je me suis opposé à la fermeture de la trésorerie de la commune de Bully-les-Mines envisagée au 1er janvier 2023 par la direction générale des finances publiques (DGFIP). Si le projet de restructuration du réseau de l'administration fiscale prévoit la mutualisation des trésoreries, dans les faits il s'agit purement et simplement de faire disparaître des services publics de proximité dans des territoires déjà épuisés par les inégalités.

Chaque suppression de trésorerie, de guichet SNCF, de bureau de poste, de gendarmerie, de classe et d'école, est une atteinte sérieuse à l'égalité des citoyens devant l'accès au service public. Cette mise en coupe réglée de la ruralité pénalise inévitablement nos concitoyens les plus fragiles, ceux qui rencontrent des difficultés physiques ou économiques pour se déplacer et qui ne rentrent pas dans les cases grises des relations numériques, comme les personnes de plus de 65 ans.

Les Français réclament de plus en plus de la proximité et de l'humain. Ils l'ont clairement exprimé dans le cadre du grand débat national que vous avez jeté aux oubliettes après la crise des gilets jaunes.

En guise de simplification, la bureaucratie de la République d'Absurdistan a donné naissance aux mémorables attestations de déplacement et au funeste passe sanitaire. Pendant plus de quatre ans, vous avez divisé, perturbé et épuisé les Français.

Dans ce contexte, les solutions ne se trouvent pas dans les propositions contenues dans cette résolution qui, pardonnez-moi l'expression, ne réinvente pas l'eau chaude.

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