Intervention de Michèle Victory

Séance en hémicycle du jeudi 25 novembre 2021 à 9h00
Évolution de la formation de sage-femme — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Victory :

Depuis plusieurs mois, les sages-femmes portent leurs revendications dans la rue et lors de journées de grève. Elles seront encore mobilisées ce week-end et je tiens bien sûr à les saluer sincèrement. Il est urgent de prendre le temps d'écouter celles qui servent cette profession mal reconnue et de leur apporter des réponses à la hauteur de la considération que nous leur devons. À cet égard, je remercie notre collègue Annie Chapelier pour son implication dans ce dossier.

Ce métier n'est pas anodin. Les sages-femmes accompagnent les mères et leurs bébés, participent à la transmission d'un lien tout à fait particulier. Et pourtant, selon l'Association nationale des étudiantes sages-femmes, sept étudiantes en maïeutique sur dix souffrent de symptômes dépressifs. Les burn-out sont fréquents et 27 % de ces étudiantes ont déjà pensé à arrêter leurs études ou à se réorienter. Épuisées par de longues études et touchant des salaires en inadéquation avec des conditions de travail difficiles, qui engendrent un stress, les sages-femmes craignent d'en arriver à maltraiter d'autres femmes et ont des raisons d'être inquiètes.

Dans nos maternités, comme à Annonay, des postes vacants ne trouvent pas de candidates. Elles sont en effet de plus en plus nombreuses à choisir un exercice en libéral plutôt qu'en structure hospitalière, ce qui fait craindre des fermetures de maternités. Ces dernières se sont pourtant longtemps développées, avant que, peu à peu, nous assistions à des fermetures de petites maternités dans les petites villes et les villes moyennes, au nom d'une vision de plus en plus concentrée des structures, ce qui peut placer les femmes dans des situations anxiogènes.

Au fond, le métier de sage-femme est traversé de différents paradoxes. En effet, il subit une déconsidération dans l'Hexagone, alors que les sages-femmes françaises, par rapport à leurs consœurs européennes, disposent de compétences plus riches et sont investies de responsabilités plus lourdes.

Les activités des sages-femmes s'étoffent depuis de nombreuses années : avec le manque criant de gynécologues, elles sont mêmes devenues les relais indispensables aux parcours des femmes. La technicité de plus en plus grande de l'accompagnement qu'elles offrent, notamment dans le cadre de nouveaux modes d'accouchement, qui reflètent de nouvelles attentes de la part des femmes et des couples, doit être prise en compte et valorisée. De plus, depuis quelques années, les professionnelles de la parentalité exercent de nouvelles activités en dehors du champ traditionnel de la grossesse, telles que le suivi gynécologique, la prescription de contraceptifs, la pratique de l'IVG, la préparation à l'AMP – assistance médicale à la procréation –, ainsi que la prévention et l'éducation à la sexualité.

Nous le savons, les sages-femmes sont précieuses. Aussi, leur implication et leurs compétences multiples ne peuvent s'accommoder d'un statut ambivalent. En effet, si le code de la santé publique reconnaît le métier de sage-femme comme une profession médicale, leurs actes ne sont que partiellement reconnus dans les nomenclatures.

Par ailleurs, la question de l'organisation de la formation au métier de sage-femme est évoquée depuis plusieurs années. En effet, si depuis 2002 la durée des études est passée de quatre à cinq ans avec la généralisation du suivi de la première année de médecine, les quatre années suivantes s'effectuent dans trente-cinq écoles spécialisées différentes. Or sur ces trente-cinq écoles, vingt-quatre fonctionnent encore selon une régulation et un financement régionaux, tandis que onze ont opté pour un financement universitaire, ce qui crée une disparité préjudiciable. L'insuffisante adéquation de la formation des sages-femmes avec la demande d'enrichissement de leurs compétences méritait donc d'être mise en avant dans le débat parlementaire.

À cet égard, plusieurs changements sont introduits par la présente proposition de loi.

L'intégration universitaire de la formation, prévue à l'article 1er , est essentielle afin, comme je le disais, de lutter contre les inégalités entre les différentes écoles. En donnant aux universités la compétence d'agréer et de financer les écoles, le législateur renforce le statut médical des sages-femmes, à la condition, bien sûr, que des garanties sur les conditions de ce transfert de régulation soient bien fournies.

La création, à l'article 2, d'un troisième cycle universitaire constituait une demande forte de la profession. Celui-ci permettra de développer les connaissances des sages-femmes relatives à la néonatalogie et aux nouvelles technologies utilisées en maïeutique et en périnatalité, et de cumuler pratique clinique et enseignement et recherche, comme de nombreuses professions médicales peuvent déjà le faire. En revanche, le groupe Socialistes et apparentés considère qu'il conviendrait d'également prévoir une formation aux entretiens postnataux, introduits à l'article 44 du PLFSS pour 2022.

Quant à la consécration législative du statut médical des sages-femmes, prévu à l'article 4, elle nous permettra d'être enfin en accord avec les évolutions de compétences qui leur sont demandées.

Cela étant, la réforme de la formation ne représente qu'une partie de la réponse à apporter au sentiment de déclassement des sages-femmes et du choc d'attractivité dont la profession a besoin. Une vision beaucoup plus valorisante de l'évolution de la profession doit être développée, car la revalorisation de 500 euros par mois que le Gouvernement a annoncée est assise sur une prime de 240 euros, qui n'entre pas dans le calcul de la pension de retraite, qui revêt, comme toute prime, un caractère aléatoire et qui ne répond pas directement à la question des salaires et des évolutions de carrière. Ainsi regrettons-nous que l'instauration d'un véritable statut de praticien hospitalier pour les sages-femmes n'ait toujours pas trouvé un écho favorable auprès du Gouvernement.

Nous le voyons au quotidien dans nos circonscriptions avec le risque de fermeture de maternités qui pèse sur nos concitoyens, les difficultés liées à l'exercice de la profession de sage-femme sont trop graves pour que nous ne prenions pas des mesures fortes. Ainsi, malgré ces réserves, et parce que la réforme de la formation est attendue par les sages-femmes, le groupe Socialistes et apparentés votera ce texte.

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