Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du mardi 23 novembre 2021 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2021 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Vous présentez partout, monsieur le ministre délégué, les bons chiffres de la croissance, estimée à 6,25 % pour 2021, mais vous omettez de préciser que ces bons résultats ne découlent pas d'une logique d'accélération, mais de rattrapage. La France fait partie des trois pays européens qui ont connu en 2020 la plus forte récession, avec une chute du PIB de près de 8 %. Ce n'est qu'en 2022 que nous pourrons espérer voir notre richesse nationale renouer avec le niveau qui résulterait d'un taux de croissance potentielle de l'ordre de 1 % à 1,2 %.

Deuxièmement, le déficit structurel, c'est-à-dire la part du déficit non liée aux évolutions conjoncturelles du cycle économique, est quant à lui en forte hausse, puisqu'il atteindrait en fin d'année 5,7 points de PIB : c'est 3,4 points de plus qu'au début du quinquennat, où il tournait autour de 2,3 points de PIB. Ce n'est là qu'un tout petit dérapage de 83 milliards d'euros ! La crise peut excuser bien des choses, mais ce chiffre résulte uniquement d'une gouvernance budgétaire défaillante.

Troisièmement, la quinzaine de milliards de recettes supplémentaires a été utilisée pour financer de nouvelles dépenses. Cette décision surprend d'autant plus que, dans le projet de loi de finances pour 2022, le Gouvernement fait le choix d'un pseudo-cantonnement de la dette covid, à hauteur de 165 milliards – sans compter les 65 milliards de dette sociale. Vous vous étiez engagés à la rembourser « par les fruits de la croissance », qui dégagent des « surcroîts de recettes ». Vous refusez donc d'appliquer votre propre plan de remboursement !

Quatrièmement, vous réduisez artificiellement le poids de la dette publique. À la fin de l'année 2020, elle s'élevait à 115 % du PIB, et vous venez d'annoncer qu'elle atteindrait 115,1 % à la fin de 2021, soit une hausse en vingt-quatre mois de 0,1 point de PIB, alors que le déficit effectif est de 8,1 % du PIB. Comment expliquer ce petit miracle ? D'une manière fort simple : en 2020, le Gouvernement a surfinancé le déficit à hauteur de 2,8 points de PIB, c'est-à-dire de 70 milliards, excusez du peu ! Monsieur le ministre délégué, c'est vous qui l'avez déclaré en commission des finances. Grâce à ces « opérations de trésorerie », suivant les termes pudiques du Gouvernement, ce dernier dispose d'un matelas qui lui permet de dissimuler la forte augmentation de la dette en 2021.

Je salue les efforts menés par le Sénat pour réduire ce matelas de crédits par l'annulation de 1 milliard de crédits de la mission "Plan de relance" et de 2 milliards ceux de la mission "Plan d'urgence face à la crise sanitaire" . Ces crédits sont inutiles en 2021 : vous allez donc les reporter en 2022, alors que vous auriez dû les inscrire en loi de finances initiale pour 2022. Mais vous auriez alors fait apparaître un déficit supplémentaire.

Dernier point : à l'article 12 supprimé par le Sénat, le Gouvernement avait institué une indemnité inflation, dotée de 3,6 milliards de crédits de paiement, et qui mériterait plutôt le nom de « prime électorale ». Le groupe Libertés et territoires est favorable non pas à sa suppression pure et simple, mais plutôt à la concentration des soutiens sur les ménages modestes ; nous saluons la contre-proposition de Sénat, qui entend majorer de 150 euros la prime d'activité pour 9 millions de personnes et aider d'un même montant les allocataires de minima sociaux.

Si nous soutenons l'idée d'accompagner les citoyens face à la hausse des prix du carburant, le dispositif que la majorité souhaite rétablir est injuste et mal calibré. Injuste, d'abord, car vous imposez à la trésorerie des employeurs et des collectivités de supporter le coût d'un versement immédiat – en revanche, je note que l'État employeur se refuse à donner l'exemple, puisque vous avez reporté à 2022 les versements à vos propres agents.

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