Intervention de Thomas Mesnier

Séance en hémicycle du lundi 22 novembre 2021 à 16h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThomas Mesnier, rapporteur général de la commission des affaires sociales :

Après une lecture dans chacune des deux assemblées, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, qui comptait initialement 62 articles, comprend désormais 38 articles adoptés conformes et 109 encore en discussion. Dix-huit articles adoptés par l'Assemblée nationale ont été supprimés et 30 ajoutés par le Sénat.

Par-delà ces chiffres, il s'avère que si nous pouvons nous féliciter que nos deux assemblées se soient rejointes sur de nombreux sujets, les divergences entre les deux textes adoptés sont, cette année encore, très nombreuses et parfois profondes.

Parmi les points de convergence, je citerai ici, comme je l'ai fait en commission mixte paritaire mardi dernier, et sans prétendre à l'exhaustivité : s'agissant des recettes et de l'équilibre général, première partie de la LFSS, la baisse de la taxe sur la vente en gros, le versement immédiat des aides sociales et fiscales liées aux services à la personne, l'harmonisation du régime fiscal et social des employeurs publics en matière de protection sociale complémentaire, la prolongation du régime social de l'activité partielle, la suppression de la surcotisation salariale sur la prime de feu – une avancée majeure décidée par notre assemblée –, ainsi que les simplifications déclaratives pour les travailleurs indépendants.

S'agissant des branches maladie et accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP), le Sénat a conservé l'exigence d'un bilan visuel préalable réalisé par un ophtalmologiste en cas de renouvellement par un orthoptiste d'une primo-prescription de verres correcteurs ou de lentilles de contact, exigence ajoutée par l'Assemblée, et il a adopté des précisions utiles susceptibles de rassurer un certain nombre d'acteurs quant à la portée du dispositif.

Parmi les autres points d'accord peuvent être cités la prise en charge de la contraception jusqu'à 25 ans, l'expérimentation de la primo-prescription par les infirmiers exerçant en pratique avancée, l'amélioration de l'indemnisation des victimes professionnelles de pesticides, les réformes du financement de l'hôpital ou la modernisation des prestations en espèces, qu'elles bénéficient aux travailleurs et travailleuses indépendantes ou aux non-salariés agricoles. Sur ce dernier point, une réelle avancée résulte des dispositions adoptées par l'Assemblée tout d'abord, qui a étendu aux collaborateurs d'exploitation et aux aides familiaux le bénéfice de l'indemnité journalière de remplacement en cas de congé maternité ou de congé paternité ; par le Sénat ensuite, qui a adopté une disposition majeure introduisant un capital-décès pour les non-salariés agricoles.

Je souhaitais également revenir sur la prise en charge de consultations de psychologues introduite en première lecture par l'Assemblée nationale. Bien que la commission ait manifesté son désaccord avec quelques points introduits par le Sénat, le principe de cette mesure fait consensus entre nos deux assemblées. Attendue par nos concitoyens, elle constituera un pas important vers une meilleure prise en charge de la santé mentale, dont la crise sanitaire a montré l'importance, s'il le fallait encore.

S'agissant de la branche autonomie, le Sénat a voté l'extension des revalorisations du Ségur de la santé aux personnels du secteur médico-social, y compris aux 20 000 soignants travaillant dans des établissements pour personnes en situation de handicap, financés par les départements, à l'initiative du Gouvernement. Le Sénat a également validé l'instauration d'un tarif plancher national pour les services à domicile ainsi que la revalorisation et l'extension des allocations journalières de proche aidant – AJPA – et de présence parentale – AJPP.

S'agissant de la branche vieillesse, je me réjouis que le Sénat ait approuvé l'assouplissement du cumul emploi-retraite pour les soignants mobilisés pendant la crise sanitaire, la sécurisation de trimestres de retraite pour les travailleurs indépendants affectés par les restrictions sanitaires ainsi que les mesures relatives à la retraite progressive.

S'agissant de la famille enfin, le Sénat a adopté la généralisation de l'intermédiation pour le versement des pensions familiales en vue de prévenir les impayés. Il a également adopté conforme l'article issu de l'amendement de ma collègue rapporteure Monique Limon, visant à améliorer l'information des allocataires de prestations, notamment familiales, pour lutter contre le non-recours au droit.

Je citerai aussi, de manière plus spécifique, l'ensemble des dispositions en faveur des artistes-auteurs que le Sénat a exhaustivement validées. Elles me tenaient d'autant plus à cœur qu'elles résultaient directement des travaux du Printemps de l'évaluation, ce qui montre qu'un processus vertueux entre notre action de contrôle et notre rôle de législateur est à l'œuvre.

Les convergences entre les deux assemblées sont donc réelles et substantielles, mais les points de divergence le sont aussi, ce qui explique que notre CMP n'ait pu être conclusive.

D'abord, le Sénat a adopté, parfois, il faut le dire, contre l'avis de sa commission, une dizaine de dispositions en matière d'exonérations ou, au contraire, de prélèvements supplémentaires dont notre assemblée conteste le bien-fondé. Nous avions déjà repoussé certaines de ces initiatives, comme la pérennisation du dispositif TODE – l'exonération de cotisations patronales pour l'emploi de travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi –, l'exonération de l'ensemble des médicaments dérivés du sang de la contribution sur le chiffre d'affaires, l'alignement de la fiscalité du tabac à chauffer sur celle des cigarettes, la création de zones franches médicales, et d'autres.

Comme l'année dernière, l'absence de cohérence globale entre ces dispositions – qui tantôt augmentent les prélèvements sociaux, tantôt les diminuent –, leurs effets incertains pour atteindre les objectifs qu'elles se fixent, ainsi que les contradictions du Sénat avec nos objectifs de rationalisation des exonérations et de stabilisation des prélèvements obligatoires, ont conduit la commission à en proposer systématiquement la suppression.

Comme l'année passée, le Sénat s'est opposé au mécanisme de reprise de la dette hospitalière. La commission ne partage pas cette position, compte tenu, à la fois, de la proximité entre le financement des établissements de santé et la branche maladie, et, sur le fond, de la nécessité d'engager les établissements de santé assurant le service public hospitalier dans une trajectoire de désendettement et d'investissement vertueuse.

Le Sénat a également supprimé le transfert financier entre la branche famille et la branche maladie, qui visait à compenser la prise en charge par cette dernière des indemnités journalières dérogatoires pour garde d'enfants ; il s'agissait pourtant d'un juste retour des choses, puisque ces dépenses, par leur nature, incombent à la branche famille. Notre commission a donc logiquement rétabli cet article dans sa rédaction antérieure.

Le rejet d'un article – pourtant obligatoire – d'approbation de l'annexe B ne pouvait évidemment être partagé par la commission ; elle a rétabli cet article et l'annexe dans une version actualisée, qui intègre l'ensemble des dernières prévisions disponibles. Le solde en 2025 s'en trouve globalement amélioré de 2 milliards d'euros par rapport au texte que nous avons voté en première lecture.

Des désaccords importants subsistent également dans la quatrième partie, au premier rang desquels une réforme paramétrique du système de retraite, adoptée par voie d'amendement – proposition récurrente de la Chambre haute, et peut-être, demain, du candidat des Républicains à l'élection présidentielle, s'il parle un jour d'autre chose que d'immigration… La commission a naturellement supprimé ces dispositions. Aucune réforme des retraites n'a jamais été menée de la sorte en LFSS – et c'est probablement très bien ainsi. Par ailleurs, le contexte actuel ne se prête pas à la relance d'une telle réforme, à quelques mois de la fin de la législature – cela relève, selon nous, des échéances électorales à venir.

D'autres dispositions relevant des dépenses, issues de l'examen au Sénat, ont été supprimées ou rétablies par la commission. Ainsi, il n'était pas acceptable de conditionner le conventionnement des médecins à un exercice en zone sous-dense pendant six mois. L'amélioration de l'accès aux soins sur tout le territoire – objectif pleinement partagé – doit passer par d'autres outils, mieux calibrés et moins propices à des effets pervers quant à l'attractivité de la médecine libérale. La soumission des centres dentaires et ophtalmologiques à l'agrément des agences régionales de santé (ARS) a par ailleurs été rétablie, à l'initiative de la présidente de la commission et de moi-même, avec un très large soutien des commissaires aux affaires sociales. Ces dispositifs sont essentiels pour mieux lutter contre certaines dérives.

Le montant du transfert de la branche AT-MP vers la branche maladie, au titre de la sous-déclaration, a été rétabli dans la rédaction de l'Assemblée nationale – alors qu'il avait été diminué au Sénat – pour le maintenir à son niveau actuel. Le statu quo n'est pas envisageable : nous devons tenir compte de l'actualisation objective des estimations réalisées par la commission spécialisée, présidée par un magistrat de la Cour des comptes, au terme d'un travail extrêmement fouillé.

Dans ces conditions, la ligne que la commission s'efforcera de respecter lors de l'examen en nouvelle lecture sera celle de la cohérence et de l'équilibre : cohérence avec les positions défendues par l'Assemblée en première lecture, même si nous sommes réunis pour reprendre et approfondir certains débats ; équilibre, car le souci de préserver l'économie générale du texte que nous avions voté ne doit pas nous empêcher d'être ouverts à de réelles améliorations issues ou inspirées du Sénat.

Tel est l'état d'esprit dans lequel j'aborde l'examen du PLFSS, en tant que rapporteur général, pour cette nouvelle lecture. Le texte est fidèle à la vocation historique des lois de financement de la sécurité sociale, consistant à offrir une vision claire des comptes sociaux à la représentation nationale. Il est également fidèle à la volonté de transformation que partagent la majorité et le Gouvernement, au service des politiques de sécurité sociale. Enfin, malgré des conditions d'examen très particulières, en particulier cette année – et dont je souhaite qu'elles évoluent dès le prochain exercice –, le texte est fidèle au rôle essentiel que doit jouer le Parlement pour clarifier, enrichir et améliorer les PLFSS, dans un double souci d'équilibre démocratique et de progrès social.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.