Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Séance en hémicycle du mardi 16 novembre 2021 à 21h45
Confiance dans l'institution judiciaire — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

De même, pourquoi renforcer le rôle des jurés citoyens dans les cours d'assises et, simultanément, généraliser les cours criminelles départementales qui font disparaître les jurés citoyens ?

Malgré ces questionnements, nous soutenons une large partie des mesures du texte issu de la commission mixte paritaire. Les dispositions visant à limiter à deux ans la durée de l'enquête préliminaire sont particulièrement bienvenues, sachant que 95 % des justiciables déplorent une justice trop lente ; nous aurions certes souhaité que ce délai soit raccourci à un an, mais cela semblait difficilement applicable. Quant aux dispositions favorisant le recours aux alternatives à l'incarcération en détention provisoire, elles vont dans le bon sens bien qu'elles restent trop timorées. Enfin, nous nous réjouissons de la création d'un vrai contrat d'emploi pénitentiaire et de l'ouverture de droits sociaux pour les détenus : cela met fin à une scandaleuse anomalie.

Plusieurs dispositions nous dérangent néanmoins. Ainsi, nous sommes partagés quant à la diffusion des audiences. Des mécanismes étant déjà prévus pour retransmettre les grands procès, nous ne voyons pas l'apport que représentera la diffusion d'audiences plus anodines. Malgré l'obligation, bienvenue, de donner à ces retransmissions une visée pédagogique, cela risque de donner lieu à des procès prenant la forme de shows médiatisés.

Pour en venir au point dur du texte, le groupe Libertés et territoires considère comme des avancées importantes le renforcement du secret professionnel de l'avocat dans ses activités de conseil et de défense, ainsi que l'ouverture de l'enquête préliminaire au débat contradictoire. La commission mixte paritaire a toutefois prévu d'ajouter un article au code pénal, selon lequel le secret professionnel de conseil ne sera pas opposable aux mesures d'enquête ou d'instruction en cas de fraude fiscale, de corruption et de financement du terrorisme, ou « lorsque l'avocat a fait l'objet de manœuvres ou actions aux fins de permettre, de façon non intentionnelle, la commission, la poursuite ou la dissimulation d'une infraction ». Ces nouveaux alinéas, introduits en dernière minute – et que vous souhaitez pour partie conserver à la lecture de l'amendement que vous nous proposez ce soir –, sont vigoureusement critiqués par les représentants des avocats, qui approuvaient auparavant la rédaction de l'article.

Par ailleurs, le compromis issu de la CMP prévoit la généralisation des cours criminelles départementales au 1er janvier 2023. Si cette rédaction est un moindre mal, comparée à la version initiale du Gouvernement, nous déplorons que l'expérimentation soit généralisée avant que ses résultats ne soient connus. La disparition progressive des jurys d'assises constitue selon nous une erreur, car ils sont un grand moment de démocratie.

La réforme des crédits de réduction des peines nous inquiète également. Le condamné ne connaîtra plus à l'avance la date à laquelle il quittera la prison, ce qui risque d'accroître les sorties sèches. Les décisions risquent en outre d'être prises de façon arbitraire selon les juges et les lieux.

Nous déplorons en outre que plusieurs mesures de durcissement sécuritaire aient été introduites par le Gouvernement lors de l'examen en séance à l'Assemblée nationale, et pour partie conservées dans la version finale ; ces ajouts témoignent, selon nous, de décisions prises sous la pression médiatique.

Le rappel à la loi, que le Gouvernement souhaitait initialement supprimer, est transformé en une mesure d'avertissement pénal probatoire dans la version de la CMP. Nous nous réjouissons que le Gouvernement ait fait marche arrière à ce sujet, car le rappel à la loi est une mesure utile, qui permet à l'auteur d'un petit méfait d'être soumis à la solennité de la justice ; son acte resterait, sinon, sans réponse.

En définitive, le projet de loi rassemble des mesures très diverses et illustre les atermoiements des gouvernements successifs quant à la vision de la justice. Certaines dispositions nous paraissent très satisfaisantes car elles répondent à un besoin d'efficacité et de proximité de la justice ; en revanche, nous sommes radicalement opposés à d'autres, qui répondent plutôt à des préoccupations médiatiques. Aussi les membres de notre groupe envisagent-ils majoritairement de s'abstenir.

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