Intervention de Dimitri Houbron

Séance en hémicycle du mardi 16 novembre 2021 à 15h00
Lutte contre la maltraitance animale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDimitri Houbron :

C'est avec une véritable émotion que je m'adresse à vous en ce jour si important pour la cause animale. Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des avancées que permet la présente proposition de loi, car mon collègue Loïc Dombreval les a bien énoncées. Le chapitre II, dont j'avais la charge, vise à renforcer les sanctions pénales envers ceux qui commettent des sévices sur des animaux domestiques, ainsi qu'à lutter efficacement contre le phénomène de zoophilie dans notre pays.

Un tel texte constitue une étape historique du combat pour la cause animale : c'est la première pierre d'un édifice que nous devons continuer de construire, et je tiens à remercier mes collègues corapporteurs – notamment Laëtitia Romeiro Dias, qui ne peut malheureusement pas s'exprimer aujourd'hui du fait d'un règlement sans doute trop strict – pour ce combat que nous avons mené en commun avec d'autres collègues sur tous les bancs, mais aussi avec l'ensemble des associations engagées sur le sujet depuis des années ; elles sont à l'origine de cette victoire.

La question animale est devenue un défi sociétal qui ne cessera désormais de se poser. Qu'on le veuille ou non, c'est un fait, bien que certains répètent qu'il s'agit d'une cause fantoche relevant d'un excès de sensiblerie, qu'il y a d'autres priorités et que les animaux sont là pour nous servir. De tels discours sont en décalage total avec ce qu'attendent nos concitoyens.

Ce n'est pas tourner le dos à l'homme que de se soucier de la condition animale, bien au contraire. Notre conception des animaux a changé : ils ne sont plus des machines à produire, des outils jetables ou des nuisibles à éradiquer. La science a permis de découvrir qu'ils sont, à des degrés divers, doués de comportements complexes ; ils se révèlent capables de souffrir, de fabriquer des outils, de faire preuve d'humour, de dissimulation, de folie, de colère, d'amitié et de sens moral. En définitive, ils possèdent bon nombre des caractéristiques qui ont, pendant longtemps, défini le fameux « propre de l'homme ».

C'est une réalité qui, forcément, nous oblige à remettre en question nos comportements : si les animaux ne sont plus des outils à notre service, qu'en est-il de notre légitimité à les mépriser ? À présent qu'ils nous ressemblent tant, comment justifier toutes les souffrances que nous leur faisons subir ? Le temps n'est-il pas venu, dans une société qui revendique des droits pour toutes et tous, de leur en accorder ?

Après tout, un tel questionnement s'inscrit logiquement dans la continuité des grands mouvements de libération des opprimés. C'est une préoccupation millénaire ; en effet, on oublie trop souvent que la considération envers les animaux est née aux mêmes sources que les droits humains. De l'Antiquité jusqu'au XIXe siècle, les plus grands penseurs humanistes ont eu à cœur de soutenir la condition animale au nom de la justice et de la dignité humaine, car il n'y a pas de contradiction entre la justice sociale et le soutien de la cause animale.

Nous n'avons pas assez conscience du fait que l'éthique animale, qui conduit à nous responsabiliser à l'égard des animaux, s'est développée partout : elle est désormais enseignée dans les universités aux quatre coins de la planète. La jeunesse, née en même temps que l'écologie, sait à quel point son destin est lié à une nature fragilisée ; elle intègre spontanément ces problématiques à sa réflexion, et c'est elle qui orientera les lois et la société de demain. Hélas, la classe politique actuelle néglige encore – à tort – la question animale, ses enjeux et son impact à venir sur nos modes de vie et de consommation, sur l'économie, la recherche scientifique, l'enseignement et le droit.

Les animaux n'ont pas de devoirs, certes, mais faut-il pour autant les considérer comme des choses ? Ne peut-on pas faire en sorte qu'ils soient protégés à l'instar des enfants, lesquels ne sont pas responsables de leurs actions mais n'en sont pas moins dotés de droits ? En quels termes, dans quelles limites, pour quelles espèces doit-on le faire ? Ce sont autant de questions qu'il convient de mettre en débat, à la fois politiquement et philosophiquement. Nous pourrions ainsi nous démarquer de la vision de Kant, selon qui les animaux, ne possédant pas la capacité de réclamer quoi que ce soit faute de raison, ne sauraient se voir accorder des droits.

Il nous faut maintenant nous soucier des bêtes sans oublier les hommes. Il serait de toute manière difficile de faire autrement, tant les vies des uns et des autres sont intimement liées depuis les origines. Il y a longtemps que les animaux ont façonné la condition humaine, et ce n'est pas en ignorant la souffrance animale que l'on soulage celle des hommes. En témoignent notamment ces études révélant qu'au sein des foyers, la violence exercée sur les animaux cache presque toujours une violence intrafamiliale, et que ceux qui, dans leur enfance, font preuve d'une cruauté sadique envers des animaux, deviennent souvent par la suite des criminels violents.

Comment vivre avec eux ? Le temps est venu d'écrire la suite de l'histoire de la relation entre les hommes et les animaux, et de rouvrir le débat. Respecter les bêtes ne retire aucun droit aux hommes, mais une telle attitude, parce qu'elle élargit notre morale, nous engage clairement à devenir plus humains.

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