Intervention de François Pupponi

Séance en hémicycle du jeudi 21 décembre 2017 à 15h00
Compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Pupponi :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteure, mes chers collègues, il est demandé aujourd'hui à l'Assemblée nationale d'adopter la proposition de loi relative à l'exercice de la compétence GEMAPI, portée par le groupe MODEM, à la suite des travaux conclusifs de la commission mixte paritaire du 19 décembre dernier. Ce texte procède à une adaptation de la réforme territoriale votée et mise en oeuvre sous la précédente législature. Loin d'être fermé à toute modification de cette réforme d'importance, le groupe Nouvelle Gauche votera cette proposition de loi.

Cela a été rappelé avant moi, la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, dite « GEMAPI », est aujourd'hui une compétence partagée par l'État et les différentes catégories de collectivités territoriales – à savoir le bloc communal, les départements et les régions – ou leurs groupements. Notre pays abritant de nombreux milieux aquatiques et étant fortement concerné par les risques d'inondations, il s'avérait néanmoins pertinent d'inciter les territoires à adopter une approche globale des actions à mener en matière de gestion de ces milieux et de prévention de ces risques. C'est la raison pour laquelle un amendement sénatorial avait été adopté pendant l'examen du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dit projet de loi MAPTAM, visant à transférer la compétence GEMAPI au bloc local à compter du 1er janvier 2016.

Cette date de transfert avait finalement été repoussée de deux ans par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, à l'initiative de son rapporteur à l'Assemblée nationale. Ce report reposait sur la nécessité, réelle, de permettre aux territoires de s'organiser pour mettre en oeuvre au mieux ce transfert de compétence. À l'heure où je vous parle, l'ensemble des EPCI à fiscalité propre de notre pays doivent exercer la compétence GEMAPI entre le 1er janvier prochain et le 1er janvier 2020. Rappelons que les autres collectivités exerçant l'une des missions attachées à cette compétence, à la date du 28 janvier 2014, peuvent poursuivre leurs engagements jusqu'au transfert de la compétence à l'EPCI, et au plus tard jusqu'au 1er janvier 2020.

Comme cela a été dit avant moi, la compétence GEMAPI fait partie des missions composant le « grand cycle de l'eau » et regroupe quatre domaines : l'aménagement d'un bassin ou d'une fraction de bassin hydrographique ; l'entretien et l'aménagement d'un cours d'eau, canal, lac ou plan d'eau, y compris leurs accès ; la défense contre les inondations et contre la mer ; enfin, la protection et la restauration des sites, des écosystèmes aquatiques et des zones humides ainsi que des formations boisées riveraines. Les autres missions composant le grand cycle de l'eau restent partagées entre les différentes catégories de collectivités territoriales et l'État. La date du 1er janvier 2018 arrivant vite, de nombreuses questions restent posées s'agissant des conséquences concrètes de ce transfert de compétence.

Une première interrogation porte sur la responsabilité des élus et les pouvoirs de police du maire. L'attribution de la compétence GEMAPI devait clarifier la responsabilité des acteurs en fixant un cadre juridique, financier et institutionnel plus cohérent pour la mise en place des actions de lutte contre les inondations. Or un flou juridique subsiste autour de la responsabilité des maires. Beaucoup d'entre eux craignent que cela ne conduise à leur accorder une responsabilité plus large que l'exercice de leurs pouvoirs de police actuels. Il fallait donc que cette proposition de loi apporte une clarification sur ce point.

Une seconde interrogation est liée au financement de la compétence. Les communes comme les EPCI pourront, s'ils le souhaitent, mettre en place une taxe, dite « taxe GEMAPI », répartie entre les assujettis à différents impôts locaux. Toutefois, cette taxe est fragilisée par la suppression en cours de la taxe d'habitation, qui rend son assise moins ferme qu'elle ne l'était au moment de l'examen des lois MAPTAM et NOTRe. Par ailleurs, nous savons que les contraintes financières des agences de l'eau posent le problème de la pérennité du financement de la compétence GEMAPI. À ce stade, il n'est pas envisageable que seuls les communes et les EPCI aient à leur charge la gestion d'ouvrages, qui dépasserait largement leurs capacités et leurs moyens – je pense en particulier à la gestion des fleuves.

Toujours est-il que les dispositions de cette proposition de loi, dans sa version issue des travaux de la CMP, vont dans le bon sens. Je pense en particulier à l'article 1er du texte. Cet article permettra notamment aux collectivités et syndicats qui exercent une ou plusieurs des missions relevant de la compétence GEMAPI à la date du 1er janvier 2018 de demeurer compétents en la matière jusqu'au transfert de cette compétence aux EPCI, qui, je le répète, devra intervenir au plus tard le 1er janvier 2020. Par dérogation, les départements et les régions qui assurent une ou plusieurs des missions relevant de la compétence GEMAPI à la date du 1er janvier 2018 pourront, s'ils le souhaitent, en poursuivre l'exercice au-delà du 1er janvier 2020, sous réserve de conclure une convention avec chaque EPCI à fiscalité propre ou commune isolée concerné. Les articles 1er bis, 3, 4, 5 et 6 apporteront une souplesse bienvenue, permettant aux territoires de s'organiser de la manière la plus pertinente possible. Enfin, les articles 2 et 5 bis apporteront, par le biais de deux rapports gouvernementaux remis au Parlement au premier semestre 2018, des éclairages utiles à la représentation nationale sur des sujets d'importance : d'une part, les conséquences du transfert de la compétence GEMAPI aux EPCI à fiscalité propre, notamment pour la gestion des fleuves et des digues domaniales ; d'autre part, la maîtrise des eaux pluviales.

Les digues domaniales sont un sujet important, et le groupe Nouvelle Gauche aurait souhaité que l'État continue de les gérer. Il est d'ailleurs très justement indiqué dans l'exposé des motifs de cette proposition de loi : « Il apparaît en effet que tant dans son financement que dans son aspect matériel il n'est pas envisageable que seuls les EPCI et leurs communes soient en charge de la gestion des fleuves. Il s'agit d'un enjeu de nature nationale dont la loi devrait tenir compte. »

Pour terminer, je tiens à vous faire part d'une réflexion. Cette proposition de loi apportera certes de la souplesse dans les territoires, mais reconnaissons qu'elle contribuera à complexifier notre droit. C'est là un paradoxe que nous retrouvons souvent pour les textes relatifs aux collectivités ; je pense en particulier à la loi NOTRe. Néanmoins, le groupe Nouvelle Gauche votera, bien entendu, cette proposition de loi.

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