Intervention de Olivier Véran

Séance en hémicycle du vendredi 22 octobre 2021 à 9h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 — Article 28

Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé :

Je ne dis pas que vous mélangez tout, madame Fiat, mais il s'agit tout de même de situations fort différentes. L'article concerne les hôpitaux psychiatriques et précise les possibilités de décider de l'isolement ou de la contention pour des malades en phases de bouffée délirante, par exemple, avec agitation et risque auto- ou hétéro-agressif. J'ai été interne en psychiatrie pendant six mois et c'est pourquoi j'éprouve un profond respect que vous ne pouvez imaginer pour tous les soignants qui travaillent en psychiatrie, parce que c'est une tâche particulièrement difficile et très délicate humainement.

Certains malades sont agités et déambulent, et vous aurez beau être quatre ou cinq autour, s'il s'agit d'un schizophrène en crise délirante aiguë et en agitation, cela ne va pas changer la donne ; ce n'est pas une question d'effectifs. On est bien obligé alors de prendre des mesures et les psychiatres disent eux-mêmes que la contention et l'isolement ont une dimension thérapeutique en ce qu'ils permettent d'apaiser la situation. Il est vrai qu'à la vue d'une personne isolée dans une chambre fermée ou sanglée sur un lit, on a évidemment le cœur qui se retourne, on éprouve de la sympathie, voire de l'empathie, et que l'on ne voudrait évidemment pas être à sa place, mais la réalité, madame Fiat, c'est qu'il y a des moments où aucune solution alternative n'est possible, comme lors des phases aiguës d'agitation, et il faut y recourir le temps que le traitement injecté calme la phase délirante et l'agitation, afin d'éviter que le malade ne se fasse du mal à lui-même, aux autres patients ou à l'équipe. Voilà le quotidien dont on est en train de parler.

Or aujourd'hui, il n'y a plus de vecteur juridique pour gérer les situations que j'ai évoquées puisque, suite à une question préjudicielle de constitutionnalité déposée auprès du Conseil constitutionnel, le cadre légal qui le permettait a sauté. Allez expliquer dans une unité psychiatrique que désormais, quoi qu'il arrive, on ne peut plus placer un patient en chambre d'isolement ou mettre en place une contention, même partielle, en cas de phase d'agitation aiguë, et les soignants vous proposeront de venir passer une demi-journée avec eux, pour voir. Et une fois ressortie, vous serez convaincue qu'il faut absolument une loi.

C'est ce que nous faisons en tentant, année après année certes, de mettre les dispositions concernées en conformité avec les attendus du Conseil constitutionnel. En effet, une disposition similaire votée l'année dernière a dû être retravaillée avec l'ensemble des professionnels, l'ensemble des filières et des représentants des usagers pour identifier une solution juridiquement solide, humainement acceptable et sanitairement sécurisée pour les patients mais aussi pour les équipes qui y travaillent.

Vous abordez par ailleurs une tout autre problématique, celle des EHPAD, que l'on peut étendre aux services de neurologie. Dans un de ces services, que je connais très bien, on peut être amené à mettre des barrières de lit dans les chambres de patients en général déments – et non pas délirants – pour éviter qu'ils déambulent et entrent dans les chambres d'autres résidents, fassent absolument n'importe quoi, se mettent en danger. Ce sont des situations très compliquées à gérer mais qui, objectivement, donnent lieu – de ce que j'ai eu à en connaître, et j'ai comme vous été aide-soignant, en EHPAD puis en psychogériatrie, et neurologue à l'hôpital – à des discussions pluriprofessionnelles : un aide-soignant de nuit ne décide pas tout seul de fermer la porte d'un patient dément qui risque de déambuler, cela relève d'une décision collégiale prise par l'équipe.

Ce ne sont jamais des situations simples, il n'y a jamais de réponse unique ni pérenne, et ces décisions sont prises, dans des situations généralement assez extrêmes et très compliquées, avec beaucoup d'humanité de la part des professionnels.

Je vous propose de retirer ces amendements sur la base de mes explications, sinon il n'y aurait plus de cadre juridique pour permettre la contention et l'isolement en psychiatrie. Et je vous assure qu'il n'y a aucun scénario de substitution dans lequel ce serait tenable.

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