Intervention de Josette Manin

Séance en hémicycle du jeudi 7 octobre 2021 à 15h00
Lutte contre la disparition des abeilles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJosette Manin :

Depuis le milieu des années 1990, nous assistons impuissants à la disparition d'environ 300 000 ruches par an ; la perte de populations d'abeilles atteint 25 à 30 % chaque hiver. Ces chiffres effrayants sont révélateurs d'un dérèglement important de l'écosystème, dont les abeilles sont parmi les premières victimes. Or leur extinction révèle le lien indéfectible qui lie l'humain à l'environnement : grâce à la pollinisation, les abeilles contribueraient à 75 % de la production alimentaire mondiale ; 60 à 90 % des plantes sauvages ont besoin d'insectes pollinisateurs pour se reproduire. La contribution des abeilles à la vie humaine – à la vie sur Terre – est inestimable, Le cas des abeilles illustre parfaitement le concept « une seule santé », issu de l'épidémiologie, qui promeut une approche intégrée et unifiée de la santé humaine, animale et environnementale, c'est-à-dire une approche globale du vivant.

En révélant l'extrême fragilité de nos sociétés, la pandémie de covid-19 a mis en lumière notre degré d'interdépendance. Alors que 80 % des maladies émergentes proviennent du monde animal et sont liées à l'environnement, l'épidémiologie est à l'origine d'une révolution des savoirs, qui oblige à repenser ensemble écologie et santé, biodiversité et climat, sécurité alimentaire et commerce international. Nous avons besoin d'un nouveau pacte avec la nature. La survie des abeilles se trouve à l'intersection de tous ces enjeux.

La présente proposition de résolution en témoigne d'une certaine manière, en énumérant les multiples causes de la diminution des populations d'abeilles : insecticides, dérèglement climatique, maladies, arrivée du frelon asiatique. Face à cette multitude de facteurs, nous ne pouvons pas baisser les bras ; nous devons agir rapidement et résolument. Il est donc regrettable de nous contenter d'un texte de résolution sans valeur contraignante, qui revient à présenter devant notre assemblée des paroles mais aucun acte concret. Nous aurions préféré débattre d'un texte législatif, sur lequel nous aurions pu proposer des amendements relatifs à la cessation de l'usage des produits phytosanitaires, à l'accompagnement des agriculteurs, au soutien du secteur apicole. Mais pour l'instant, il convient de constater que les actes ne sont pas en adéquation avec les paroles, ce dont le vote autorisant à utiliser de nouveau des insecticides qu'on appelle dans le langage commun « tueurs d'abeilles » constitue l'exemple le plus flagrant.

Depuis maintenant presque cinq ans, sur la question de la préservation du vivant, il y a, d'un côté, les annonces de l'exécutif, et, de l'autre, la réalité d'un bien maigre bilan : l'engagement non tenu sur la sortie du glyphosate, le statu quo annoncé sur la PAC (politique agricole commune), le fait que les organismes chargés de la mise en œuvre des politiques de biodiversité soient en sous-effectifs.

Pourtant, sur la question de la biodiversité, les attentes de nos concitoyens sont fortes : ils sont nombreux à se mobiliser pour la protection du vivant. Ainsi, l'initiative citoyenne européenne « Sauvons les abeilles et les agriculteurs » plaide pour la suppression progressive des pesticides de synthèse et pour un accompagnement renforcé des agriculteurs. Elle a obtenu plus d'un million de signatures, ce qui obligera la Commission européenne à étudier ses propositions. Une action en justice inédite a été lancée contre l'État français pour manquement à ses obligations de protection du vivant, au nom du principe de précaution sur l'usage des pesticides les plus dangereux pour notre santé et pour notre environnement. Et n'oublions pas la chlordécone qui a empoisonné les Antilles ! Lors du congrès de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), le Président de la République a reconnu que la France n'allait pas suffisamment vite pour réduire l'usage de tels produits.

L'exigence de notre temps commande de passer de la parole aux actes concrets. Souvenez-vous, Albert Einstein disait que « si les abeilles venaient à disparaître, l'humanité n'aurait plus que quatre ans devant elle ». Le groupe Socialistes et apparentés votera en faveur de cette proposition de résolution, qui invite le Gouvernement à déclarer la sauvegarde des abeilles « grande cause nationale 2022 » : il s'agit du minimum que l'on puisse faire pour une espèce qui façonne la vie de notre planète depuis 100 millions d'années, et qui, nous l'espérons, continuera à le faire pour les 100 millions d'années à venir.

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