Intervention de Sylvie Tolmont

Séance en hémicycle du mercredi 6 octobre 2021 à 15h00
Bibliothèques et développement de la lecture publique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvie Tolmont :

Alors qu'elles contribuent à fabriquer du sens et servent de repères à un savoir objectivé dans une société d'information traversée par des débats de plus en plus aigus, les bibliothèques n'en restaient pas moins le seul secteur culturel à n'avoir pas fait l'objet d'une loi spécifique et à rester dans une forme d'insécurité juridique à laquelle il était nécessaire de remédier. C'est tout le sens de cette proposition de loi, adoptée, et c'est notable, à l'unanimité au Sénat et par notre commission des affaires culturelles et de l'éducation. Nous devons donc le débat que nous abordons à la sénatrice socialiste Sylvie Robert, dont je salue la présence dans les tribunes. Je rends hommage à la permanence de ses convictions et à son engagement en faveur des bibliothèques dont elle est l'ardente défenseure.

Premier équipement culturel public, les bibliothèques, bien commun auquel les Français sont particulièrement attachés, constituent parfois même, pour les territoires ruraux comme le mien, l'essentiel des biens culturels. Leur maillage territorial fait vivre un service public ouvert à tous qui participe au bien-être et à la qualité de vie dans un territoire comme à son attractivité. Maintenir la densité de ce réseau dans les zones les plus fragiles est une impérieuse nécessité comme nous l'avions souligné, ma collègue Aurore Bergé et moi-même, lors de notre mission flash sur les suites données au rapport Orsenna-Corbin.

En effet, face l'accélération de la dématérialisation des services publics prévue parmi les objectifs du plan Action publique 2022 – objectifs qui ne font malheureusement que renforcer les inégalités d'accès aux droits et les risques d'exclusion d'un certain nombre d'usagers –, les bibliothèques, grâce à leur mission de médiation sociale, permettent la prise en charge des publics en situation d'exclusion numérique. Mais elles souffraient jusqu'à maintenant, je l'ai rappelé, d'une carence certaine en matière d'encadrement législatif, nonobstant un premier pas avec l'ordonnance de 2017 prise en application de la loi de 2016 relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine.

Avec la volonté d'acter les mutations des bibliothèques et l'évolution de leurs missions, celles-ci dépassant désormais largement le seul accès au livre et à la lecture, les sénateurs ont donc souhaité insérer neuf articles dans le code du patrimoine, destinés à renforcer le rôle et les missions des bibliothèques des collectivités territoriales et de leurs groupements dans le respect de la liberté d'administration des collectivités. Ainsi, trois grands principes majeurs sont inscrits pour la première fois dans la loi : la liberté d'accès aux bibliothèques, la gratuité, qui permet de garantir une égale accessibilité à tous, et le pluralisme des collections. Ces principes devenant ainsi créateurs de droits, notamment ce dernier, les bibliothèques disposeront des outils nécessaires pour faire face aux pressions idéologiques et sociétales auxquelles elles sont parfois confrontées.

Une petite réserve toutefois : alors que les sénateurs avaient veillé à l'article 12 à autoriser les bibliothèques à céder à titre gratuit – afin de préserver le droit d'auteur – leurs fonds devenus sans emplois à certains organismes sans but lucratif, cette disposition équilibrée a été abandonnée lors de l'examen en commission, au risque de désorganiser la filière du livre d'occasion.

Par ailleurs, pour que l'élan en faveur d'une politique volontariste à l'égard des bibliothèques ne retombe pas, Aurore Bergé et moi recommandions de maintenir le niveau des crédits dans les prochaines lois de finances et de pérenniser l'accompagnement de l'État au-delà des cinq années de financement permis par la part de la DGD dévolue aux bibliothèques. Nous espérons donc que le PLF pour 2022 sera à la hauteur dans ce domaine.

Enfin, je souhaite profiter de ce débat pour évoquer un point de crispation qui mobilise actuellement, madame la ministre, les bibliothécaires en particulier, que je veux saluer évidemment ici : il s'agit du passe sanitaire. En effet, appliqué de manière différenciée aux bibliothèques, il met à mal le principe d'accès libre à un service public gratuit, ouvert à toutes et à tous, sans discrimination et sans qu'il soit nécessaire de justifier l'usage qui en est fait. Le passe sanitaire affecte la fréquentation des établissements, notamment s'agissant des publics précaires et isolés, et son application conduit à s'interroger sur la reconnaissance par le Gouvernement du rôle social et d'accès à l'informatique des bibliothèques.

Mais, au-delà de ces remarques, le groupe des députés Socialistes et apparentés, que j'ai l'honneur de représenter, confirmera son vote favorable en faveur d'un texte qui met en lumière l'ensemble des acteurs des métiers du livre et de la lecture publique.

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