Intervention de Michel Larive

Séance en hémicycle du mercredi 6 octobre 2021 à 15h00
Bibliothèques et développement de la lecture publique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Larive :

Le 12 septembre dernier s'achevait la huitième édition des Journées nationales d'action contre l'illettrisme, organisée par l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI). Ce fléau touche environ 2,5 millions de nos concitoyens, qui rencontrent des difficultés importantes dans la recherche ou l'exercice d'un emploi, dans leurs démarches administratives ou dans leurs gestes quotidiens. Je tiens donc à commencer par saluer cette initiative parlementaire relative aux bibliothèques et au développement de la lecture. Ces deux questions essentielles sont rarement mises à l'honneur et n'ont été que trop peu soutenues par les gouvernements successifs. Je me réjouis donc que nous débattions aujourd'hui de la politique publique de développement des bibliothèques et de la lecture.

Les réformes conduites par la majorité actuelle dans ce secteur ont été réalisées au détriment des personnels. Ce fut le cas, notamment, lors de l'extension des horaires d'ouverture des bibliothèques le dimanche décidée par le Gouvernement à la suite du rapport Orsenna-Corbin. Les salariés ont observé dans plusieurs villes que cette extension des horaires d'ouverture n'avait entraîné aucun recrutement supplémentaire. Par endroits, d'autres plages d'accueil des usagers ont même été supprimées, y compris celles réservées aux publics scolaires. À Paris, par exemple, la baisse des effectifs a entraîné une réduction des horaires d'ouverture en matinée ou pendant les vacances scolaires.

Cet état de fait est symptomatique de la méthode de ce gouvernement, qui ne met jamais à disposition les moyens nécessaires à l'application des réformes qu'il adopte. Certes, les crédits du plan Bibliothèques sont passés de 80,4 à 88,4 millions d'euros en 2018, mais ils ne sont pas pérennes puisque ce financement ne peut pas excéder cinq ans. On peut donc se demander comment les collectivités pourront maintenir les emplois créés une fois le délai écoulé. La seule solution mise sur la table par M. Orsenna consiste à embaucher des jeunes en service civique ou à avoir recours à des contrats précaires, comme si le métier de bibliothécaire n'était pas un métier à part entière, spécifique et réclamant des qualifications et des compétences précises.

Une bifurcation de la politique publique en faveur des bibliothèques et du développement de la lecture est donc absolument nécessaire. Ce texte a le mérite d'inscrire quelques grands principes dans la loi : gratuité d'accès aux bibliothèques des collectivités territoriales, pluralisme des collections, ou encore don des livres devenus inutiles. Toutefois, il ne permet pas de répondre aux tensions que connaît le secteur : il ne préserve pas les droits des personnels face à l'extension des horaires d'ouverture, n'assure pas l'égalité d'accès aux bibliothèques sur tout le territoire national, ne développe pas les actions hors les murs en faveur de la lecture, n'améliore pas la participation des usagers au fonctionnement des bibliothèques et ne protège pas le métier de bibliothécaire titulaire, à l'heure où le nombre de contractuels augmente fortement.

De plus, l'article 2, qui prévoit d'inscrire dans le code du patrimoine le principe du libre accès aux bibliothèques municipales et intercommunales, ne fait pas mention du passe sanitaire. Or ce dernier est obligatoire pour accéder aux bibliothèques, mais pas pour pénétrer dans les librairies ou dans les centres commerciaux, ce qui constitue une première incohérence. La deuxième incohérence, c'est que les bibliothèques universitaires, la Bibliothèque publique d'information, la Bibliothèque nationale de France et les bibliothèques spécialisées ne sont pas soumises à l'obligation de présentation du passe sanitaire.

Je profite donc de ce temps de parole pour apporter mon soutien à la pétition initiée par les bibliothécaires mobilisés, qui sont en grève depuis plusieurs semaines dans de nombreuses villes de France. Leur demande fait état de leur incompréhension face à la position du Gouvernement, qui persiste à refuser d'exempter les bibliothèques de passe sanitaire. Je les cite : « le classement soudain […] des bibliothèques municipales et intercommunales dans la liste des lieux soumis au dispositif du passe sanitaire crée une inégalité d'accès à des établissements qui se définissent par leur accessibilité sans condition à tous les citoyens, et qui avaient parfaitement su s'adapter à la crise sanitaire en restant ouverts en continu depuis mai 2020, grâce à des protocoles sanitaires stricts ». Au-delà de cette entrave à la lecture, ils rappellent qu'« une partie de la population la plus précaire utilise les bibliothèques pour l'accès à internet ou pour une aide administrative ou sociale ». Cet usage n'est plus permis depuis des semaines et sera rendu encore plus compliqué dans dix jours, lorsque les tests PCR ne seront plus gratuits. Je regrette donc que l'occasion de dénoncer cette entrave à la liberté d'accès aux bibliothèques et à la lecture n'ait pas été saisie.

En bref, et pour conclure, ce texte paraît relativement consensuel, mais manque d'ambition pour une véritable politique publique en faveur des bibliothèques et du développement de la lecture. C'est la raison pour laquelle nous accompagnerons cette proposition de loi, mais profiterons de l'analyse des amendements pour formuler des propositions.

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