Intervention de Pierre-Yves Bournazel

Séance en hémicycle du mardi 29 juin 2021 à 15h00
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Yves Bournazel :

Nous arrivons à l'épilogue d'un processus parlementaire entamé il y a près de deux ans et qui a suscité des débats riches et passionnants, parfois vifs, au cours desquels les sensibilités, les doutes et les convictions de chacun ont pu s'exprimer, se renforcer ou évoluer.

Je tiens d'abord à saluer le travail effectué par les rapporteurs et par notre collègue Agnès Firmin Le Bodo, qui a présidé avec exigence et responsabilité la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi.

La science a longtemps été du côté du progrès humain, force de lutte contre l'obscurantisme, instrument d'émancipation et de vie meilleure. Le XXe siècle est venu bousculer cette évidence. Si les évolutions scientifiques, médicales ou technologiques étaient jusqu'alors source de bienfaits, l'histoire nous a montré qu'elles pouvaient aussi nous conduire au pire.

Il nous faut désormais opérer une distinction entre progrès technique et progrès humain, le premier ne pouvant en aucun cas attenter au second. C'est alors qu'intervient l'éthique, c'est-à-dire la traduction normative du corpus de valeurs humaines et philosophiques qui structure notre civilisation. Pour ce qui touche au vivant, nous avons créé la notion de « bioéthique » : face aux innovations de la science, elle fixe les limites que nous nous refusons collectivement à franchir. Elle nous permet d'arbitrer entre ce qui est souhaitable pour notre société et ce qui ne l'est pas. Je reprendrais bien volontiers les mots de Jean-François Mattei, pour qui « l'éthique désigne la morale en application face à de nouvelles situations ».

Quand bien même nous traitons de disciplines scientifiques nouvelles et complexes telles que l'intelligence artificielle, les nanotechnologies ou les neurotechnologies, parce que ces révolutions sont capables de changer notre rapport au vivant, il est nécessaire qu'elles n'échappent pas au débat démocratique. C'est le sens des lois de bioéthique.

Il nous incombe, à nous législateurs, la lourde responsabilité de trouver le bon équilibre entre, d'une part, l'ouverture de nouveaux droits et, d'autre part, la garantie que ces évolutions s'exercent dans le respect de nos valeurs intrinsèques. Il nous incombe de nous assurer que c'est l'éthique qui définit les orientations de la science et non l'inverse. Notre tâche consiste à faire en sorte que le progrès humain reste bien humain.

Si les débats qui ont accompagné les précédentes lois de bioéthique ont toujours été passionnés, notre société en est ressortie grandie, et les droits nouveaux qui en ont découlé nous paraissent désormais naturels. Dix ans après l'adoption de la dernière loi de bioéthique, il nous revient d'actualiser le droit existant, en veillant sans cesse à respecter le socle éthique sur lequel se fonde notre législation depuis maintenant un quart de siècle.

Je regrette que la majorité sénatoriale ait adopté une question préalable entraînant le rejet sans débat du projet de loi en nouvelle lecture. Le texte qui revient est donc identique à celui adopté par l'Assemblée il y a quelques semaines. Il reflète les équilibres atteints en deuxième lecture, et j'ai la conviction qu'il constitue un chemin qui fera honneur à la représentation nationale, au-delà des clivages politiques. Je tiens à saluer les avancées sociales majeures que nous nous apprêtons, je l'espère, à voter.

La première d'entre elles est, bien sûr, l'ouverture de la PMA à toutes les femmes. Ce nouveau droit vient mettre fin à une inégalité qui existait jusqu'alors entre couples hétérosexuels et homosexuels, mais aussi entre femmes ayant les moyens de réaliser leur projet familial à l'étranger et celles qui ne le pouvaient pas. La loi apportera désormais une réponse à une réalité sociale que nous ne pouvons plus ignorer. Elle sécurisera les mères qui s'engagent dans un projet d'amour et protégera l'enfant du risque d'être privé de l'un de ses parents en cas de séparation. C'était un engagement du Président de la République ; nous sommes sur le point de le concrétiser.

Pour ces enfants, le projet de loi crée aussi un droit d'accès à leurs origines. Cette possibilité s'inscrit pleinement dans l'esprit de ce texte d'équilibre : nous respectons, d'une part, le principe de liberté, en nous fondant sur l'expression de la volonté de l'enfant de connaître l'identité de son donneur, et, d'autre part, sur le consentement éclairé de ce dernier.

Parmi les autres avancées proposées par ce texte, soulignons aussi la possibilité offerte à chacun de conserver ses gamètes sans raison médicale pour prévenir le risque d'infertilité ; ou encore l'assouplissement des conditions de dons croisés d'organes et de greffes. Je me réjouis enfin de l'adoption par l'Assemblée en nouvelle lecture de l'amendement du Gouvernement mettant fin à toute forme de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle lors du don du sang.

Il y a une liberté de vote et une liberté de conscience dans le groupe Agir ensemble, mais la plupart de ses membres voteront en faveur du texte. Je m'en réjouis profondément, car c'est une avancée majeure. Je suis fier de la majorité présidentielle…

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