Intervention de Coralie Dubost

Séance en hémicycle du mardi 29 juin 2021 à 15h00
Bioéthique — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCoralie Dubost, rapporteure de la commission spéciale :

Merci, monsieur le secrétaire d'État, de nous faire l'honneur de représenter l'ensemble des ministères ayant concouru à l'élaboration de ce texte.

Ce qui, entre autres particularités, nous distingue de l'animal est notre capacité à penser ce qui est juste et ce qui est injuste. Cela peut prendre du temps.

Le projet de loi dont nous débattons est un texte de temps long, qui s'inscrit tout à la fois dans plusieurs décennies d'histoire et entérine une inflexion qui marquera des générations entières. Il est d'abord le fruit d'une bataille culturelle, qui prend ses racines dans les années 1970, lorsque les enfants ont enfin eu droit de cité s'agissant des responsabilités liées à leur procréation. Jusqu'alors, seul le mariage garantissait leurs pleins droits. Les âpres débats qui ont eu lieu dans cet hémicycle ont changé cet état de fait, avant que la loi Veil du 25 juillet 1994, qui a ouvert l'assistance médicale à la procréation, ne reconnaisse que si la filiation biologique était bien la figure première de la filialité, elle ne l'épuisait pas.

Si nous adoptons aujourd'hui ce texte, c'est dans ce mouvement que nous nous inscrirons. Ce mouvement n'est pas celui du technicisme, car ce n'est pas une nouvelle technique de procréation, de greffe ou de génétique que nous autorisons, mais celui du modernisme humaniste.

De quoi parlons-nous ? Nous parlons d'un texte qui place la volonté des hommes plus haut que tout, plus haut que la pesanteur du destin. Nous parlons d'un texte qui, plus haut que tout, donne la priorité à la vie en cours et à la vie à venir.

Voilà pourquoi notre critère n'a jamais été la ressemblance de la procréation avec la nature, mais celui du projet parental, de la volonté et de la responsabilité partagées de constituer un futur foyer. L'accueil de l'enfant, c'est cela qui compte. Le projet plutôt que le donné, l'amour plutôt que le fatum. Et c'est très français, au fond. En effet, il y a dans ce texte quelque chose du combat républicain pour la liberté et pour l'universel qui a soufflé si fort dans cet hémicycle lors de nos longs débats.

Ce texte est aussi un texte de solidarité : solidarité en faveur des malades en attente d'une greffe, car il ouvre la possibilité de dons croisés jusqu'à six paires de donneurs et receveurs ; solidarité dans le don de sang, par la suppression – enfin ! – de la prohibition discriminatoire du don homosexuel ; solidarité encore, en matière de don et d'autoconservation ovocytaire.

C'est un texte de dignité qui, par l'encadrement du don de corps à la recherche et l'enseignement, le développement d'une génétique respectueuse de nos fondamentaux, le respect de l'intime dans les traitements algorithmiques de données massives de santé, le respect de l'intégrité dans les traitements de neuromodulation, le respect de la dignité dans le recours à l'interruption médicale de grossesse (IMG) et par tant d'autres mesures, fait honneur à la République française et à son histoire.

Une attention particulière devra être apportée dans la mise en œuvre de certaines avancées. Il reviendra au Gouvernement de garantir le déploiement rapide des programmes hospitaliers de recherche clinique (PHRC). Il existe une grande incompréhension des sociétés de médecine reproductive et des familles concernant notre prudence à l'égard du diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies (DPI-A). Cette technique, qui permet d'éviter des fausses couches à répétition, nous ne l'avons ni proscrite, ni généralisée. Nous avons opté pour une expérimentation circonscrite aux centres hospitaliers de recherche. Il aura toutefois fallu sept ans au docteur Tal Anahory et à son équipe du centre d'AMP du CHU – centre hospitalier universitaire – de Montpellier, admirables d'engagement envers les femmes et les familles, pour valider le projet. À un tel rythme, aucun autre PHRC ne sera opérationnel avant la prochaine révision des lois de bioéthique. Si le Parlement a accepté ce dispositif de compromis entre ouverture et contrôle de la science, les PHRC ne doivent pas stagner dans les limbes administratifs. Votre volonté politique, monsieur le secrétaire d'État, sera décisive pour que cet engagement soit respecté. Il y va de l'humanisme en médecine reproductive.

Mes chers collègues, mesdames et messieurs, « la conscience morale commence par l'accueil d'autrui », écrivait Emmanuel Lévinas, qui peut être considéré comme l'un des lointains inspirateurs de cette loi. Le groupe La République en marche, qui rétablira le texte adopté en nouvelle lecture par cette assemblée, s'est battu pour tenir la promesse du Président de la République faite à toutes les familles et à toutes les femmes. Nous sommes au rendez-vous de cette loi de liberté, d'égalité, de solidarité et de dignité, de cette loi de modernité humaniste. Cette loi, vous le savez, est plus qu'une loi pour réglementer notre vie et faire société : c'est une chance donnée à la vie, à l'amour et à l'humanité.

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