Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Séance en hémicycle du lundi 28 juin 2021 à 16h00
Respect des principes de la république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Mélenchon :

Je conçois parfaitement que les membres de ces trois organisations aient des détestations politiques – pour une bonne partie, je les partage, notamment la première qu'elles ont exprimée. Mais on ne peut pas accepter une telle prise de position. Je vous demande de faire le bilan de tout ce que vous nous avez dit : qu'est-ce donc que cette interdiction, sinon du communautarisme religieux au sens le plus banal et trivial du terme ? Je ne veux pas le cacher : comme mes camarades, il m'en a coûté d'avoir été couvert d'un tel opprobre, par tant d'amis avec lesquels j'ai mené, à de si nombreuses reprises, des batailles pour la liberté, pour le respect et contre l'antisémitisme. Ce fut réellement douloureux d'être mis sur le même plan que ceux qui, dans le passé, ont tant de fois dit et fait exactement le contraire.

La confusion qui a été introduite fait de la laïcité un athéisme d'État et permettrait aux politiques de dire aux religieux ce qu'ils doivent faire ou penser. Elle est le fruit pourri d'un débat qui n'a pas brillé par la tolérance et la compréhension mutuelle, lesquelles, face à des sujets comme ceux-là, doivent constituer une règle absolue.

On pourra dire ce qu'on veut, c'est ainsi : depuis des millénaires d'existence humaine, la religion fait partie des activités fondamentales qui ont organisé jusqu'à la naissance même de l'État et des cités. Toutes se sont construites autour du culte d'un dieu qui unifie les pratiques sociales et permet au groupe de se rassembler au-delà des nombres à partir desquels il se séparait dans un passé très profond. Par conséquent, il n'existe pas d'autre relation à la religion que celle qui est marquée par une stricte séparation et par un strict respect mutuel.

Cinq mois après, le constat est clair : cet étrange texte vient d'un autre monde, d'une autre saison de la communication politique. Le Président de la République et quelques autres pensaient mener une bonne opération en allant chasser sur les terres suspectes où prospéraient seuls, jusque-là, l'extrême droite et le Rassemblement national. Par une dérive bien connue qui fait croire que la surenchère permettra à la copie de surclasser l'original, nous avons entendu, de la bouche de ceux dont nous n'aurions jamais imaginé qu'ils professent de telles certitudes, les choses les plus étranges. Ce fut vrai jusque dans cet hémicycle, sans parler de ce qui s'est passé au Sénat, où des gens tout à fait raisonnables se sont comportés d'une manière parfaitement déraisonnable, dès lors qu'il s'agissait de l'islam.

La vérité ultime est que cette loi a été faite pour montrer du doigt les musulmans. Le seul résultat obtenu, c'est que, dans notre pays – pour lequel, j'en suis sûr, vous éprouvez comme moi de l'amour et de l'affection –, des millions de braves gens se sont sentis insultés et humiliés, alors que toute leur vie est vouée aux bonnes pratiques et à la volonté de faire du mieux qu'ils peuvent pour eux et pour leurs enfants, en respectant la loi avec, parfois, beaucoup plus de mérite que ceux qui sont chargés de la faire respecter et qui ne se comportent pas toujours dignement. Voilà ce que vous vouliez.

Mon collègue Corbière a déjà signalé l'absurdité d'un débat au cours duquel on a vu le ministre de l'intérieur, par ailleurs chargé des cultes, dire à Mme Le Pen qu'elle était trop « molle ».

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