Intervention de Alexis Corbière

Séance en hémicycle du lundi 28 juin 2021 à 16h00
Respect des principes de la république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexis Corbière :

Nous connaissons les endroits où il y a des difficultés et, généralement, nous les surveillons. Il n'y a pas lieu de demander des modifications spécifiques aux associations cultuelles musulmanes, à moins de formuler la même requête à l'égard de tous les autres cultes, ce que personne n'envisage ici, évidemment. Qu'on le veuille ou non – peut-être ce constat est-il difficile à faire pour certains d'entre vous –, les religions ne sont pas des démocraties : elles s'organisent comme elles veulent et répondent à d'autres règles que celles qui organisent la République.

Vous avez forgé le mot « séparatisme ». Vous avez donc découvert qu'il y avait dans ce pays des gens qui ne veulent pas envoyer leurs enfants dans les mêmes écoles que les autres, qui ne veulent pas habiter dans les mêmes quartiers que les autres, ni répondre aux mêmes règles que les autres. Nous, nous les connaissons, ceux qui veillent à habiter un quartier bien placé, loin de la populace et des pauvres : ce sont les riches. Le séparatisme des riches se développe et se renforce. Avez-vous prévu d'agir pour le combattre ? Absolument pas ! Vous riez même en général lorsque l'on vous explique que ce séparatisme mine notre pays. Il existe pourtant de moins en moins de lieu où les plus riches rencontrent leurs concitoyens des milieux populaires : les uns et les autres ne fréquentent ni les mêmes lieux culturels, ni les mêmes quartiers, ni les mêmes lieux de vacances. Tout cela, après tout, vous est indifférent.

Pourtant, dans un moment de lucidité, le Président de la République parlant du « séparatisme des quartiers » avait dit : « Nous avons nous-mêmes construit notre propre séparatisme. » À la bonne heure ! Mais alors, qu'est-il prévu dans le projet de loi pour essayer de réparer les dégâts de ce séparatisme qui consiste à reléguer nombre de nos concitoyens dans des quartiers où se concentrent les difficultés, où l'école publique est de mauvaise qualité, où les services publics n'existent plus ? Absolument rien. Le projet de loi n'aborde absolument pas cette question ; elle est un impensé de ce texte, son angle mort.

Pourtant, disait Lionel Jospin, « l'école publique est le berceau de République ». Il avait parfaitement raison. Si l'on veut parler du respect des principes républicains, commençons par le fondement : l'école publique. J'avais dénoncé, en première lecture, le séparatisme scolaire : il est éclatant. On compte aujourd'hui deux fois plus de boursiers à l'école publique qu'à l'école privée, et cet écart se creuse année après année. Les enfants des milieux les plus favorisés vont de plus en plus dans les écoles privées et l'école publique accueille dans des proportions beaucoup plus importantes les enfants des milieux défavorisés. J'entends bien respecter la liberté des parents d'envoyer leurs enfants dans l'école qu'ils veulent, mais le paradoxe tient au fait que, sur fonds publics, nous finançons l'école privée ; nous finançons le séparatisme, nous le renforçons. Votre gouvernement a contribué à approfondir les effets de la loi Debré de 1959, véritable coup porté à la laïcité – je pense à votre choix de scolariser les enfants dès l'âge de trois ans dans les écoles privées, ce qui se traduit par une augmentation de leur financement public.

Vous ne touchez pas au séparatisme scolaire. Pour vous, c'est hors sujet. Dans le cadre des questions au Gouvernement, j'ai récemment interpellé le ministre de l'éducation nationale pour dénoncer les fermetures de classes dans ma circonscription de Seine-Saint-Denis : il m'avait répondu, avec beaucoup de délicatesse comme à son habitude, que je faisais de la propagande et que j'instrumentalisais les familles défavorisées. Trois jours plus tard, prenant conscience de la réalité, au vu des chiffres, il avait reculé : la situation était à ce point scandaleuse qu'il est revenu sur les fermetures de classes prévues, sans toutefois me présenter des excuses.

Pour en rester à la question scolaire, vous ratez complètement votre cible et vous vous en prenez aux pauvres familles qui ont fait le choix de l'IEF – instruction en famille. Pour ma part, je suis favorable à des contrôles, alors que nous savons qu'aujourd'hui un tiers des familles ayant choisi l'IEF ne sont pas contrôlées. Qu'elles le soient au moins chaque année ! Commençons par là pour évaluer la nature du problème. Vous n'avez même pas voulu accepter nos propositions visant à rendre obligatoire deux contrôles par an, afin qu'il y en ait au moins un – un seul contrôle annuel est aujourd'hui obligatoire. On a en quelque sorte maltraité des familles qui n'avaient rien demandé : elles se sont retrouvées au cœur d'un débat qui ne les concernait absolument pas.

Vous osez parler en permanence de laïcité et vous prévaloir de ce mot magnifique. Moi, j'aime tellement la laïcité que je la veux partout, pour tous et sur l'ensemble du territoire.

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