Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du lundi 28 juin 2021 à 16h00
Respect des principes de la république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Nous sommes réunis pour discuter une énième fois du projet de loi sur le séparatisme, avec le sentiment que tout a été dit, mais que rien n'a vraiment été pris en considération. Comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur général, il n'y a pas grand-chose à attendre, finalement, de ce dernier débat.

Je ferai trois observations, à commencer par la nécessaire clarification du principe de laïcité, que ce texte entend faire respecter pour lutter contre l'islamisme radical. Nous sommes évidemment d'accord avec l'objectif – nous n'avons cessé de le dire. Mais nous avons également demandé de vérifier l'application effective des dispositifs de lutte contre le terrorisme et des mesures prises au lendemain des terribles attentats de 2015. Il est étonnant en effet que dans le cadre d'un texte portant sur les principes républicains, en particulier sur la laïcité, aucun effort n'ait été réalisé dans l'étude d'impact, dans l'exposé des motifs ou dans le préambule du projet de loi, pour préciser ce que ce principe recouvre.

Après plusieurs décennies d'apaisement, les questions religieuses ont fait leur retour. La montée en puissance d'un islam radical soulève des questions spécifiques, qui n'ont pas grand-chose à voir avec les religions et ce principe de laïcité que le Conseil constitutionnel considère comme inhérent à l'identité constitutionnelle de la France. Or vous n'explicitez même pas ce principe. Cette mission complexe ne devrait pourtant pas vous effrayer : nous devons cet effort de clarté à nos concitoyens, mais aussi aux référents laïcité que vous avez décidé de créer et, plus généralement, aux Français, qui ne savent pas comment la laïcité se traduit en droit et en pratique. Et ce n'est pas le présent projet de loi qui clarifiera cette notion !

Pourtant, pour définir le principe de laïcité, il suffisait de reprendre les termes de l'article 1er de la loi de 1905 qui affirme la liberté de conscience avec, pour corollaire, la liberté de religion ; il suffisait de se référer à l'article 2 concernant la séparation des Églises et de l'État, laquelle se traduit par la neutralité des personnes exerçant une mission de service public, consacrée depuis dans la loi du 20 avril 2016. Il s'agissait, par une définition que nous vous avions proposée, de rassembler les éléments constitutifs de la laïcité, y compris la jurisprudence du Conseil constitutionnel de 2004, pour aider à la compréhension de la loi et à l'application de ce principe. Ce fil rouge nous a manqué tout au long des débats et son absence nuit à l'intelligibilité du texte.

Était-il si difficile d'écrire, en cette période compliquée où les avis s'affrontent, que la République assure la liberté de pensée, de conscience et de religion en garantissant le droit de manifester son appartenance religieuse comme son absence, ainsi que, le cas échéant, de changer de religion ? Était-il si difficile d'écrire que la République garantit une stricte neutralité des personnes exerçant une mission de service public vis-à-vis des usagers et, réciproquement, qu'elle interdit à quiconque de se prévaloir de ses croyances religieuses pour s'affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers ?

Il est par ailleurs indispensable de rappeler que la loi de 1905 a prévu la condamnation des éventuelles dérives des religions, qui contreviendraient aux lois de la République. Elle a prévu de punir sévèrement, pénalement, tout abus commis au nom de la religion. On peut partager ou non l'intérêt des dispositions prises dans ce texte. En revanche, il est essentiel que nous sachions tous de quoi nous parlons quand nous évoquons le principe de laïcité.

Dans la deuxième partie de mon intervention, je souhaite souligner que certaines mesures du projet de loi suscitent beaucoup d'inquiétudes, tant sur la remise en question du principe de laïcité que sur le champ des libertés fondamentales. À l'instar de Jean Baubérot, nous dénonçons un texte qui « affirme renforcer la laïcité, alors qu'il porte atteinte à la séparation des religions et de l'État ». Un rôle beaucoup plus important est désormais accordé à l'État dans l'organisation de toutes les religions et de leurs pratiques. De nouvelles contraintes sont imposées aux Églises, qui ne posaient pourtant pas de problème, pour tenter de les faire admettre à un culte – le culte musulman – dont les représentants conviennent d'ailleurs des efforts à poursuivre pour que leurs responsables locaux et nationaux soient mieux identifiés.

Parmi ces mesures, nous nous inquiétons des nouvelles contraintes imposées aux associations cultuelles et plus largement au monde associatif, sur lequel nous devons jeter non pas un regard naïf, mais au contraire bienveillant, en soutenant ses actions. Certes, pas un euro ne doit être attribué à une association qui représenterait un danger pour la République – il est d'ailleurs étrange de devoir le préciser dans une loi ! En revanche, d'importants crédits devraient être réservés à ces associations qui agissent dans de multiples domaines et qui contribuent à la cohésion sociale. Le contrôle sans largesse des associations ne peut que les décourager, notamment celles qui tissent du lien social dans les quartiers difficiles. Toutes redoutent un contrat d'engagement républicain mal défini, mal compris, qui deviendrait un outil de sélection à la main des autorités.

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