Intervention de Lamia El Aaraje

Séance en hémicycle du lundi 28 juin 2021 à 16h00
Respect des principes de la république — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLamia El Aaraje :

Les dispositions prévues à l'article 6 ne sont pas nécessaires, puisque des règles existent déjà en la matière. Le Conseil d'État vous a avertis dans son avis : « Suivant une jurisprudence constante, les collectivités publiques ne peuvent légalement subventionner que des activités présentant un intérêt public. Cette condition n'est pas remplie si l'action de l'association est incompatible avec des principes fondamentaux de l'ordre juridique ou même des valeurs essentielles de la société, tels que ceux que le contrat d'engagement républicain a pour objet de rappeler. »

En outre, ces dispositions ne sont pas davantage adaptées : elles menacent l'indépendance des associations en les mettant à la merci d'interprétations arbitraires, par les autorités nationales ou locales, des valeurs figurant dans le contrat d'engagement républicain. Or le temps n'est pas loin des dernières frayeurs causées par les scores électoraux de partis dont la vision demeure totalement étrangère à la nôtre : quel usage feraient ces élus du dispositif que vous souhaitez instaurer ? L'article 6 place donc les associations dans une situation d'insécurité juridique, largement incompatible avec le régime protecteur de la liberté d'association.

Enfin, le dispositif n'est pas proportionné à l'objectif poursuivi, puisque les obligations et les contraintes qui en découlent pèseront sur toutes les associations subventionnées, sans distinction. Encore une fois, l'article 6 pose donc problème au regard de la liberté d'association, l'un des fondements de la République. Au cas où vous l'auriez oublié, je tiens à vous rappeler le rôle fondamental, majeur, structurant que jouent les associations, les bénévoles qui y œuvrent, les salariés qui y travaillent, dans nombre de nos territoires, au plus près des plus éloignés.

L'article 8, qui crée un nouveau régime de dissolution, concourt également à fragiliser la liberté d'association. Il prévoit en effet la possibilité d'imputer à une association ou à un groupement de fait, en vue de le dissoudre, les agissements de ses membres et non plus seulement ceux de ses dirigeants. Cette mesure est sévèrement critiquée, notamment par le Haut Conseil à la vie associative (HCVA), puisqu'il en résulte, là encore, une situation d'insécurité juridique. Le même article permet en cas d'urgence de suspendre à titre conservatoire les activités de l'association ou du groupement. Pourtant, l'actualité récente démontre que les instruments existants remplissent déjà leur office : le ministre de l'intérieur a dissous des associations au motif qu'elles portaient atteinte aux valeurs et principes de la République. De même que celles figurant à l'article 6, ces dispositions ne sont donc ni nécessaires, ni adaptées, ni proportionnées.

Les outils législatifs que vous nous proposez se révèlent inquiétants : ils rendent plus stricts des dispositifs en vigueur, ils ménagent une plus grande place à l'arbitraire, ils trahissent une forme d'incapacité à porter haut la République – qui, je le répète, ne souffre pas davantage l'autoritarisme ou la fermeture que la complaisance. Mes chers collègues, l'urgence consiste à mener un combat laïque, pour faire triompher les valeurs et les principes républicains ; un combat social, pour que personne ne soit exclu de la promesse républicaine ; un combat sans faiblesse, pour que soient punis ceux qui prêchent le fanatisme, l'intégrisme et la haine. Ce texte présente une part d'ombre, un péril constitutionnel planant sur la liberté d'association. Ainsi se justifie cette motion de rejet préalable, que je vous invite à adopter.

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