Intervention de Cyrille Isaac-Sibille

Séance en hémicycle du lundi 18 décembre 2017 à 21h30
Reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCyrille Isaac-Sibille :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, ce projet de loi vise à ratifier deux ordonnances prises sur le fondement de l'article 216 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. La première ordonnance reconnaît la profession de physicien médical comme profession de santé ; elle définit le cadre général des missions du physicien médical, dont le contenu sera précisé par décret en Conseil d'État. La reconnaissance du métier de radiophysicien comme profession de santé contribue à favoriser la qualité et la sécurité des soins. C'est pourquoi le groupe MODEM et apparentés soutient ces dispositions. Cette première ordonnance est bien accueillie par la profession. Consensuelle, elle a d'ailleurs été adoptée conforme par le Sénat.

La seconde ordonnance, par contre, présente des évolutions que les représentants des professions de santé jugent préoccupantes. Elle introduit une procédure de reconnaissance des qualifications professionnelles des ressortissants européens dans le cadre de la transposition de la directive 201355UE.

Il s'agit de transposer en droit interne trois dispositifs nouveaux. Le premier est la carte professionnelle européenne, qui permet à un ressortissant d'un autre État membre de l'Union européenne ou de l'espace économique européen d'obtenir l'équivalence de sa formation ou de son expérience, afin de pouvoir exercer sa profession en France, dans le cadre de la liberté d'établissement ou de la libre prestation de service.

Le second est le mécanisme d'alerte, qui a pour objectif de favoriser la diffusion, à l'échelle européenne, de signalements de professionnels de santé qui n'auraient pas le droit d'exercer dans leur pays d'origine.

Le troisième et dernier dispositif est l'accès partiel, qui autorise des professionnels de santé à bénéficier de la mobilité dans un autre État membre, en étant autorisés à y exercer seulement certaines tâches.

Ces règles sont valables pour les professionnels qui s'installent comme pour ceux qui fournissent, de manière temporaire ou occasionnelle, des services. Elles concernent autant les professions médicales que paramédicales – c'est ce dernier point qui suscite l'inquiétude de certains professionnels de santé.

Notre pays a déjà été rappelé à l'ordre à deux reprises, par deux avis motivés. Depuis le 18 janvier 2016, nous sommes sous la menace d'un recours en manquement formé par la Commission européenne.

Les dispositions relatives à l'accès partiel pourraient cependant avoir des conséquences directes sur l'organisation de notre système de soins. On cite souvent l'exemple d'une sage-femme croate, moins bien formée que son homologue française, qui pourrait être autorisée à pratiquer un accouchement en France. L'accès partiel peut donc comporter un risque de dépréciation de la qualité et de la sécurité des soins, qui susciterait de la méfiance et de la confusion chez les patients.

Madame la ministre, lors de votre audition par la commission des affaires sociales, vous nous avez apporté plusieurs précisions visant à nous rassurer quant à ces risques. Vous avez affirmé que vous seriez particulièrement vigilante quant aux conditions de déploiement de l'accès partiel au sein de notre système de santé, et qu'il serait possible d'en appeler à la raison impérieuse d'intérêt général, comme le permet la directive, si l'autorisation d'un professionnel à l'accès partiel faisait courir un risque à la qualité des soins et à la sécurité des patients. Vous avez également précisé que les ordres professionnels seraient systématiquement consultés sur toute demande d'accès partiel. Enfin, vous avez indiqué que le texte de l'ordonnance prévoyait l'établissement par les ordres d'une liste des activités que les demandeurs seraient autorisés à effectuer et ouvrait la voie à un contrôle a posteriori.

Le problème qui se pose porte sur le niveau de transposition de la directive. Les ordonnances la transposent-elles à la lettre ? La surtransposent-elles ? La sous-transposent-elles ? Nous pourrions en discuter pendant des heures. Cependant, dans quelques semaines, notre assemblée examinera le projet de loi sur le droit à l'erreur, qui prévoit d'interdire purement et simplement la surtransposition des directives européennes dans le droit national. À cette occasion, nous discuterons probablement de ce que signifient les termes de « transposition », « surtransposition » et « sous-transposition ».

Nous avons lu avec attention le décret d'application publié le 3 novembre dernier ainsi que les arrêtés du 9 décembre, qui nous paraissent effectivement apporter beaucoup de garanties nécessaires. Le décret prévoit que l'accès partiel devra tenir compte de plusieurs conditions importantes, telles que l'identification des actes et du champ d'exercice ou la description de l'intégration des actes dans le processus de soins et de leur incidence sur la continuité de la prise en charge.

Toutefois, des améliorations auraient encore été possibles. Ainsi, il est prévu de demander l'avis des ordres, mais cet avis sera seulement consultatif. Nous avions déposé en commission un amendement visant à rendre cet avis conforme ; il n'a pas été adopté et nous le regrettons.

Compte tenu des garanties apportées, le groupe du Mouvement démocrate et apparentés votera ce texte. Cependant, il demande au Gouvernement de mettre en place une mission de contrôle sur l'accès partiel permettant de suivre et d'évaluer ces dispositions, afin de garantir à nos concitoyens que la qualité des soins et la sécurité des patients seront réellement préservées.

1 commentaire :

Le 22/12/2017 à 10:44, Laïc1 a dit :

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" Ainsi, il est prévu de demander l'avis des ordres, mais cet avis sera seulement consultatif."

Très drôle, autant demander à Torquemada ce qu'il pense de l'Inquisition, et des manières d'y mettre un terme.

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