Intervention de Marietta Karamanli

Séance en hémicycle du mardi 25 mai 2021 à 15h00
Gestion de la sortie de crise sanitaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Il y a environ un an, la presse titrait que les députés avaient voté le 2 juillet la fin de l'état d'urgence sanitaire en vigueur depuis le 23 mars 2020, mais que cette sortie serait très progressive. Entre-temps, nous avons dû revenir sur cette sortie à deux reprises, avec deux nouvelles périodes de confinement. Ainsi, le Parlement a accepté en mars, en mai, en juillet, en novembre 2020, puis en février 2021, d'accorder au Gouvernement des pouvoirs exceptionnels face à la crise. Tout au long de quinze mois ou presque, nous avons pu espérer que des mesures d'encadrement général des pouvoirs ainsi donnés seraient examinées. Aujourd'hui encore, sur un mode dégradé, ce texte confie au Premier ministre toutes les mesures que l'état d'urgence induit, ce qui était déjà la critique faite au moment de la précédente loi de sortie de l'état d'urgence, il y a un an.

Pour résumer, la philosophie du texte consiste à organiser une sortie de l'état d'urgence tout en réaffirmant une délégation permanente à l'exécutif pour limiter les libertés publiques et individuelles, et tout en prévoyant la possibilité de déléguer ce pouvoir au préfet dans le cadre d'une gestion territorialisée. En première lecture, nous aurions pu discuter d'un régime amélioré de l'état d'urgence sanitaire offrant davantage de transparence et un meilleur contrôle des mesures prises, mais nous n'en avons pas eu l'occasion. Nous avions besoin d'un débat éclairé sur les enjeux de la sortie de l'état d'urgence sanitaire, mais nous ne l'avons pas eu non plus. Les débats menés en première lecture par notre assemblée ont montré une réelle impréparation des mesures que l'exécutif a eu du mal à défendre devant la représentation nationale. Le texte met fin à l'état d'urgence dans le flou et l'imprécision.

Lors de l'examen du projet de loi au Sénat, nos collègues sénateurs qui soulevaient les mêmes griefs contre la durée du régime transitoire de sortie de l'urgence sanitaire, contre l'imprécision et le manque de garanties relatives aux libertés individuelles du pass sanitaire et contre le dispositif de l'article 2, ont obtenu que la majorité fasse plusieurs concessions qui n'avaient pu être obtenues en première lecture par notre assemblée.

La CMP qui a suivi a été conclusive, débouchant sur le texte dont nous discutons. Parmi ses avancées, notons que le régime transitoire de sortie de l'état d'urgence sanitaire voit sa durée restreinte du 2 juin au 30 septembre 2021 – au lieu du 31 octobre 2021 dans la version initiale. Parallèlement, les dispositions de l'article introduit en première lecture par voie d'amendement concernant le pass sanitaire ont connu une évolution sensible. Ainsi, s'appuyant sur les travaux des sénateurs, le texte de la CMP a précisé que le pass sanitaire pourrait être présenté sous forme électronique comme sous format papier, et que les personnes habilitées à contrôler celui-ci ne pourraient savoir si la personne qui présente un pass valide en bénéficie au titre de la vaccination, d'un test virologique négatif ou d'un certificat de rétablissement.

On ne peut que se féliciter de ces garanties résultant de la discussion au Sénat. Si le projet de loi ne prévoit pas la prorogation de l'état d'urgence sanitaire au-delà du 1er juin, le régime transitoire proposé par le texte conserve néanmoins les principales mesures prévues en matière de restrictions relatives aux déplacements et moyens de transport, aux établissements recevant du public et aux rassemblements sur la voie publique, dans les mêmes conditions que celles de l'état d'urgence sanitaire. Le périmètre et l'encadrement des mesures exorbitantes du droit commun, qui permettent au Premier ministre de continuer à réglementer la libre circulation des personnes et des véhicules, ainsi que l'ouverture de certains établissements recevant du public et les rassemblements, réunions et activités sur la voie publique, restent inchangés. Il lui est donc donné d'interdire, et non plus de réglementer ces libertés, dès lors qu'il existe une circulation active du virus sur un territoire.

Malgré nos propositions et amendements visant à préciser cette notion, elle reste très générique et générale, alors même qu'elle permet le déclenchement des mesures prises par le pouvoir réglementaire et pouvant porter atteinte à la liberté d'aller et venir, à la liberté d'entreprendre et au droit d'expression collective des idées, des opinions et des libertés constitutionnellement garanties. La rédaction du dispositif introduisant le pass sanitaire demeure floue et imprécise pour ce qui est de son périmètre réel ou de la jauge des participants justifiant son usage. Enfin, aucune disposition permettant un renforcement du contrôle parlementaire n'a été adoptée, alors même que le régime transitoire restera applicable durant quatre mois sans aucune intervention du Parlement. Au regard des nombreuses imprécisions quant à la définition d'une circulation active du virus, qui permet au Gouvernement de retrouver un pouvoir réglementaire d'exception, proche de l'état d'urgence sanitaire, et considérant la même imprécision quant à l'encadrement du pass sanitaire, nous voterons contre ce projet de loi issu des travaux de la CMP.

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