Intervention de Philippe Gomès

Séance en hémicycle du mardi 25 mai 2021 à 15h00
Confiance dans l'institution judiciaire — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gomès :

À ceux qui vous interpellaient sur le caractère populiste de cette déclaration quelques années plus tard, vous répondiez : « Certes, la formule est un peu facile, mais la cuisine française nous est enviée dans le monde entier, mais pas la justice. » Nous partageons donc cette ambition, d'abord parce que c'est la séparation des pouvoirs et l'indépendance de la justice qui fondent l'État de droit. Et s'il n'y a pas de justice sans séparation des pouvoirs, il n'y a pas non plus de justice sans indépendance et impartialité des juges.

Or la justice est mal en point. Elle est jugée coûteuse, lente, complexe et peu efficace. C'est une institution mal aimée par nos compatriotes : 62 % de nos concitoyens considèrent que les tribunaux fonctionnent mal, un Français sur deux n'a pas confiance en elle. Qu'on en juge : la seule institution plus mal aimée encore, ce sont les partis politiques. C'est dire l'ampleur du désamour à l'égard de la justice de notre pays !

Pour reprendre la formule du procureur général François Molins lors de l'audience de rentrée de la Cour de cassation, la justice est ainsi de plus en plus contestée, brocardée, au risque de dresser la société contre ses juges alors que notre société n'a jamais eu autant besoin de confiance en ses institutions, et tout particulièrement dans la justice.

Ce malaise, des juges ont récemment pris la plume pour en parler dans un ouvrage collectif intitulé Rendre la justice. Ils ont exprimé pour beaucoup leur découragement, leur solitude aussi, l'inévitable faillibilité du système encore. Ils ont rappelé l'impérieuse nécessité de se tenir à distance de l'opinion, « cette intruse, cette prostituée qui tire le juge par la manche », selon la belle formule de maître Moro-Giafferi.

C'est dans ce contexte que s'inscrit le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, une confiance dont vous avez réduit le champ d'application à la portion congrue, puisque la quasi-totalité des dispositions qui nous ont été soumises concernent la procédure pénale, c'est-à-dire seulement 25 % des affaires judiciaires.

Alors oui, certaines propositions de ce texte vont dans le bon sens. Bien évidemment, réduire la durée des enquêtes préliminaires et rendre possible le contradictoire passé un certain délai constituent des objectifs que nous partageons. Il en est de même en ce qui concerne les mesures instaurées pour une meilleure protection du secret de la défense, dont le respect relevait de plus en plus, hélas, du rite incantatoire.

Nous soutenons également le dispositif proposé concernant le contrat d'emploi pénitentiaire et l'ouverture des droits sociaux qu'il permet. En revanche, nous sommes plus réservés sur l'enregistrement des audiences. Si certains garde-fous ont été instaurés, beaucoup d'incertitudes demeurent, et nous ne sommes pas sûrs qu'une dérive progressive vers une télé-réalité puisse à terme être évitée.

Nous sommes également réservés sur la généralisation des cours criminelles départementales, dont le Parlement a décidé l'expérimentation il y a moins de dix-huit mois – ce même Parlement qui déciderait de mettre aujourd'hui un terme à ladite expérimentation alors même qu'un bilan devait lui être présenté en 2022 avant toute décision.

Sur la réduction automatique des peines, nos concitoyens n'y comprennent plus rien. Vous avez indiqué avoir proposé la suppression de ce dispositif car il permettait la régulation de la surpopulation pénale sans le dire. Je crains que ce ne soit plus la loi qui, en tant que telle, permette la régulation de cette surpopulation pénale, mais le système lui-même, qui devra s'organiser pour éviter l'embolie. La peine ne sera plus réduite automatiquement de droit, mais l'automaticité sera toujours au rendez-vous. De fait, un trompe-l'œil aura chassé un autre trompe-l'œil.

Je ne saurais terminer mon propos…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.