Intervention de Philippe Benassaya

Séance en hémicycle du jeudi 20 mai 2021 à 21h00
Motion de rejet préalable (projet de loi ordinaire) — Article 11 a

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Benassaya :

Je voudrais m'attacher particulièrement à l'autorisation donnée par cet article au bâtonnier en exercice ou à un membre du Conseil de l'ordre spécialement désigné par le Conseil de visiter les établissements pénitentiaires. Je vous proposerai par l'amendement n° 357 de supprimer cette possibilité de visite, qui, ne nous le cachons pas, n'est ni plus ni moins qu'un droit d'inspection – droit aujourd'hui octroyé aux seuls parlementaires en tant qu'ils sont les représentants de la nation.

Ce point est d'une importance capitale. Il faut en effet rappeler que les décisions de justice sont rendues au nom du peuple français, ce même peuple qui, dans chacune de nos circonscriptions, nous a fait l'honneur, à nous tous, de nous confier le mandat de le représenter. Ainsi, quand nous visitons des établissements pénitentiaires – et j'en visite beaucoup, étant chargé de suivre ces questions au sein de mon groupe –, c'est afin que les Français puissent, par l'intermédiaire de leurs représentants, contrôler le bon fonctionnement d'un maillon essentiel de la chaîne judiciaire. Les bâtonniers, quant à eux, si compétents soient-ils, ne représentent que leurs confrères : ils ne sont ni les représentants des Français, ni les représentants de la nation. Il n'est pas question de leur en faire grief, mais de dire que ce n'est tout simplement pas leur rôle et qu'ils n'ont pas la légitimité nécessaire pour se livrer à de telles inspections.

Tâchons donc de demeurer cohérents : si nous inscrivons aujourd'hui dans la loi que les bâtonniers, parce qu'ils sont des éléments essentiels du système judiciaire, ont le droit d'inspecter les établissements pénitentiaires, comment pourrions-nous refuser ce droit à toutes les professions qui sont impliquées à des degrés divers dans le système judiciaire ?

Avoir le droit d'inspecter les établissements pénitentiaires n'est pas un privilège ni une récompense que l'on décernera aux bâtonniers en reconnaissance de leurs compétences juridiques. Qu'ils soient compétents et dévoués, personne sur ces bancs n'en doute. Cependant, seul le peuple français au nom duquel les décisions de justice sont rendues et les peines d'emprisonnement prononcées, a la légitimité nécessaire pour inspecter les prisons par la médiation de ses représentants : c'est un principe qu'il nous faut réaffirmer.

Voilà pourquoi je reste très dubitatif sur ce sujet et j'éprouve de la réticence à donner cette autorisation aux bâtonniers.

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