Intervention de Albane Gaillot

Séance en hémicycle du mercredi 12 mai 2021 à 15h00
Égalité économique et professionnelle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlbane Gaillot :

C'était il y a à peine plus d'un an, le covid faisait une entrée fracassante ; d'abord sanitaire, la crise a rapidement eu des répercussions sociales et économiques. Une chose est absolument certaine : la crise liée au covid n'a pas impacté les femmes et les hommes de la même manière et, selon certains experts, cette pandémie pourrait anéantir vingt-cinq ans de progrès en matière d'égalité entre les femmes et les hommes.

Aussi, je crois que nous passerions à côté du sujet, à savoir l'égalité économique et professionnelle entre les femmes et les hommes, si nous ne tenions pas compte dans nos débats et dans nos réflexions de l'impact de la crise sur l'emploi des femmes. Car il ne s'agit pas seulement de s'attacher à réduire les inégalités existantes, mais aussi et surtout d'anticiper le développement de nouvelles formes d'inégalités du fait de cette crise. Vingt-cinq ans de progrès perdus, ai-je dit, ce dont nous ne pouvons nous satisfaire. Plusieurs travaux dressent déjà un état des lieux des inégalités engendrées suite aux différents confinements : je pense notamment à ceux du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et de la Fondation des femmes.

Il me semble essentiel de pouvoir mesurer ces nouvelles inégalités dès à présent pour mieux les appréhender. Cela pourrait être l'objet de l'index de l'égalité professionnelle, même si les notes exemplaires obtenues par une très large majorité des entreprises concernées, notes qui apparaissent systématiquement décorrélées de la réalité des inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes, doivent nous alerter collectivement : si cet outil a le mérite d'exister, il manque son objectif en ce qu'il omet des facteurs importants d'inégalités et omet de considérer les caractéristiques et les trajectoires propres à l'emploi des femmes. La ségrégation professionnelle, par exemple, qui façonne pourtant les trajectoires des femmes et des hommes sur le marché du travail, est peu prise en compte. L'index, en se limitant à comparer les mêmes grandes catégories d'emplois, ne permet pas non plus de tirer les grandes leçons de la crise qui a mis en lumière l'évidente contradiction entre la valeur sociale et la reconnaissance économique des emplois à dominante féminine. Enfin, faute d'intégrer des indicateurs relatifs au nombre de femmes parmi les cadres dirigeants, l'index fait l'impasse sur le très fameux plafond de verre qui empêche les femmes d'accéder aux plus hautes fonctions – j'ai déposé un amendement pour y remédier. Alors que les conséquences économiques de la crise sanitaire ont rendu visibles et accentuent les inégalités entre les femmes et les hommes, les réponses qui lui sont apportées passent à côté de cet enjeu.

Je voudrais prendre un exemple. Le Gouvernement fait le choix de relancer l'économie par l'écologie : sur 100 milliards d'euros investis, 30 sont consacrés à des mesures en faveur de l'écologie. Jusque-là, rien d'inquiétant, me direz-vous. Nous savons que l'investissement dans les grands travaux écologiques peut permettre de créer nombre d'emplois. Le problème, c'est que ces divers métiers sont quasiment non mixtes : les femmes ne représentent que 16 % des employés. De manière générale, elles sont très peu nombreuses dans les secteurs à fort potentiel verdissant.

Il est certain que la transition écologique offre des opportunités d'emploi pour les femmes. Seulement, sans une politique volontariste de féminisation de ces emplois, il y a fort à parier que les femmes n'en bénéficieront pas. Ne pas en tenir compte lorsque nous légiférons sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes me paraît donc regrettable. J'ai déposé un amendement visant notamment au déploiement d'un plan national de formation pour favoriser l'emploi des femmes, mais j'ai été étonnée de constater son irrecevabilité au titre de l'article 45 de la Constitution. Comment la formation des femmes aux métiers dits d'avenir pourrait-elle n'avoir aucun rapport direct avec l'accélération de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ?

Mes chers collègues, la loi que nous nous apprêtons à voter est un premier pas salutaire. Madame la rapporteure, je sais votre engagement et je vous remercie de soumettre ce sujet à la représentation nationale. Toutefois, je crois que nous pourrions aller plus vite et plus loin. Je pense en particulier à la mise en place de quotas dans les instances dirigeantes des entreprises. Il faut faire plus, en élargissant le spectre des entreprises concernées par les obligations paritaires, et plus vite ; je proposerai des amendements en ce sens. Je pense aux violences sexistes et sexuelles, dont le lieu de travail constitue souvent le terreau, transformant le travail en supplice, en souffrance pour les femmes qui en sont les victimes. Je regrette que mon amendement ait été déclaré irrecevable au motif qu'il n'aurait aucun lien direct avec le texte. La mise à l'agenda de cette proposition de loi visant à lutter contre les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes est une occasion trop rare, saisissons-là.

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