Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du mercredi 12 mai 2021 à 15h00
Égalité économique et professionnelle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

En 1946, notre pays a érigé l'égalité entre les femmes et les hommes au rang de principe constitutionnel. Soixante-quinze ans plus tard, nous devons encore travailler pour faire de cette promesse d'égalité une réalité. Les données, connues de tous, ont été rappelées à plusieurs reprises à cette tribune. Les femmes demeurent moins bien rémunérées, leur taux d'emploi est inférieur à celui des hommes et elles sont moins nombreuses aux postes de direction.

Ces inégalités, nous le savons, ont été ravivées à la faveur de la crise. Les femmes ont été surmobilisées. Infirmière, aide-soignante, aide à domicile, agente d'entretien, caissière ou encore enseignante : ces professions, qui se sont retrouvées en première ligne face à l'épidémie, sont exercées, à une large majorité, par des femmes. À l'inverse, et de manière symbolique, les secteurs clés du plan de relance, comme l'aéronautique ou l'automobile, apparaissent comme très peu féminisés.

En résumé, le chemin de l'égalité est encore long. Pourtant, depuis les années 60, les lois se sont succédé, les avancées aussi, preuve que le travail législatif est utile. Mais les inégalités persistent, ce qui confirme que ce travail doit se poursuivre. Si la loi Copé-Zimmermann a été un vrai succès, au niveau des conseils d'administration, le ruissellement des instances de gouvernance vers les instances de direction ne s'est pas réellement produit. Le plafond de verre continue de bloquer ou de ralentir la progression des femmes.

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui s'attaque à ce partage inégal du pouvoir au sein des entreprises. Nous ne pouvons que souscrire à cette ambition. Disons-le clairement : les quotas ne sont pas une solution parfaite, personne ne peut se satisfaire d'avoir à les instaurer, mais c'est sans doute la seule qui s'offre à nous pour améliorer la situation.

Il importe aussi d'améliorer nos outils d'évaluation des inégalités au sein des entreprises. L'index d'égalité professionnelle est encore mal défini. Notre groupe fera des propositions en la matière. Les femmes doivent pouvoir accéder aux postes de cadres dirigeants, car il faut reconnaître les compétences et le mérite des femmes au même titre que ceux des hommes.

Je veux aussi évoquer ce que certains chercheurs appellent le « plancher collant », expression qui désigne le fait que les femmes sont trop souvent cantonnées à des postes moins rémunérés mais aussi plus précaires. La valorisation des métiers dits féminisés, ceux-là mêmes que la crise sanitaire a remis en lumière et qui œuvrent pour le bien commun, pourrait constituer une solution. Nous devons aussi lutter contre les postes à temps partiel subi, que les femmes occupent à plus de 80 %. Ces dimensions sont totalement absentes de cette proposition de loi, nous le regrettons.

Pourtant, bien que modeste, cette proposition de loi n'en demeure pas moins nécessaire et nous saluons, madame la rapporteure, votre engagement. Notre groupe souscrit à toutes les dispositions de ce texte tout en craignant que certaines se heurtent à des difficultés d'application si elles ne s'accompagnent pas en parallèle de politiques publiques ambitieuses.

Nous avons ainsi besoin d'une politique familiale plus égalitaire afin que la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle ne se fasse plus au détriment des femmes. Le petit pas en matière de congé paternité, porté à vingt-huit jours, dont sept seulement sont obligatoires, n'est probablement pas suffisant.

Je veux également insister sur une thématique que je connais un peu : l'accès à la formation et à l'enseignement supérieur. La féminisation des jurys va dans le bon sens, mais il me paraît indispensable d'agir en amont, dès les choix d'orientation. Une meilleure sensibilisation aux stéréotypes, dès le plus jeune âge, et une meilleure coopération entre le secondaire et le supérieur sont indispensables. Les stéréotypes ont la vie dure. Ces représentations, tenaces, conditionnent les individus et favorisent la reproduction d'un partage inégal de la richesse et du pouvoir depuis bien des siècles. C'est pourtant toute la société qui gagnerait à une égalité réelle entre les femmes et les hommes, y compris sur le plan économique.

Pour la Banque mondiale, si l'on éradiquait toute forme de discrimination envers les femmes au travail, la productivité ferait un véritable bond en avant, et si le taux d'emploi rémunéré des femmes était le même que celui des hommes, le PIB de la zone euro augmenterait lui aussi considérablement. Par conséquent, cessons d'opposer le combat pour l'égalité au développement économique. Là encore, il s'agit d'un stéréotype que contredisent les études sérieuses et auquel il convient de tordre le cou.

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