Intervention de Elisabeth Moreno

Séance en hémicycle du mercredi 12 mai 2021 à 15h00
Égalité économique et professionnelle — Présentation

Elisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances :

Je suis très heureuse d'être ici, devant vous, pour prendre la parole sur une proposition de loi qui, j'en ai l'intime conviction, une fois adoptée, entrera au panthéon de notre histoire collective. Il y a des lois qui transforment – j'insiste sur ce mot – réellement notre société. Ce sont des lois en avance sur leur temps et qui, lorsque l'on regarde ensuite dans le rétroviseur, prennent des allures de révolution. C'est le cas de cette proposition de loi : il s'agit d'un texte nécessaire, au regard du long chemin qui nous reste à parcourir pour atteindre la parité.

Ce long chemin s'inscrit pourtant dans le sillon tracé par la Révolution et les valeurs d'égalité, de liberté et de fraternité qui cimentent notre pacte républicain. Mais l'égalité ne se décrète pas, ne jaillit pas comme par magie d'une société qui demeure, à maints égards, patriarcale, sexiste et discriminante. Beaucoup a été fait et beaucoup reste à faire, y compris dans notre pays, afin que l'égalité devienne réelle et concrète.

Grâce à vous, chère Marie-Pierre Rixain, grâce au président Christophe Castaner et à l'ensemble des députés qui soutiennent cette proposition de loi, nous passons des paroles aux actes. D'autres se sont battus avant nous pour faire avancer l'égalité, non sans rencontrer des obstacles. Rappelons-nous, par exemple, les difficultés essuyées par Yvette Roudy en 1983 avec son projet de loi portant modification du code du travail et du code pénal en ce qui concerne l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes : sa bravoure et son opiniâtreté n'avaient pas eu raison d'une société française encore un peu frileuse sur le sujet.

Trente ans plus tard, Marie-Jo Zimmermann sera confrontée aux mêmes difficultés, mais la loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle, dite loi Copé-Zimmermann, verra le jour grâce à sa pugnacité et à celle de Jean-François Copé. Grâce à eux, les conseils d'administration des entreprises du CAC40 se sont spectaculairement féminisés. Ils comptaient à peine 10 % de femmes en 2009, un taux passé à 44,6 % aujourd'hui. La France est ainsi sur la plus haute marche du podium européen et deuxième au niveau mondial, juste derrière l'Islande. Il s'agit là d'une véritable fierté collective. Et qui aujourd'hui oserait revenir en arrière, qui prendrait le risque de voir ce progrès remis en cause ?

Ce qu'ambitionne la proposition de loi que nous examinons, c'est d'aller encore plus loin en s'adressant à toutes les femmes : de celles en situation de précarité aux cadres dirigeantes. Ce que notre pays a réussi il y a dix ans avec la loi Copé-Zimmermann, le Parlement propose ici de l'amplifier. Et si nous sommes réunis aujourd'hui, c'est que l'égalité économique demeure malheureusement une exception, et non la règle.

Dans le monde, les hommes détiennent 50 % de richesses de plus que les femmes ; selon ONU Femmes, 51 % des femmes actives occupent un emploi précaire à l'échelle internationale. Et les femmes assurent plus des trois quarts du travail domestique, qui n'est évidemment ni rémunéré ni reconnu. En France, à compétences et postes égaux, l'écart salarial entre les femmes et les hommes s'élève à 9 %. En outre, 78 % des emplois à temps partiel, majoritairement subis, sont occupés par des femmes. Enfin, les femmes touchent des retraites inférieures de 42 % à celles des hommes.

C'est pourquoi je vous le dis avec détermination : ces inégalités ne sont plus acceptables. Elles le sont d'autant moins que les femmes ont été et sont encore en première ligne face à la triple crise sanitaire, économique et sociale que nous traversons. Rétablir l'égalité n'est donc pas leur accorder une faveur ; rétablir l'égalité, c'est non seulement réparer une injustice, mais c'est aussi améliorer les performances des entreprises, leur efficacité et leur attractivité.

La présente proposition de loi embrasse le très large spectre de l'égalité entre les femmes et les hommes. De la place des femmes dans les instances dirigeantes des entreprises à l'aide aux familles monoparentales, en passant par l'entrepreneuriat féminin, le texte s'adresse à toutes les femmes de notre pays.

Permettez-moi d'aborder l'article 7, qui fait l'objet de toutes les attentions. Comme d'autres membres du Gouvernement, j'ai eu l'occasion de m'exprimer favorablement au sujet des mesures contraignantes pour faire accélérer l'accession des femmes aux postes stratégiques dans l'entreprise. J'ai en effet l'intime conviction que nous avons besoin de mesures volontaristes et ambitieuses pour atteindre cet objectif. C'est qu'après tant d'années à espérer que les femmes soient reconnues pour leurs talents et leurs compétences, je considère que les préjugés sexistes restent tenaces et que nous avons besoin d'un coup d'accélérateur pour transformer durablement la société et pour la rendre enfin plus juste et plus égalitaire.

L'attention portée à l'article 7 est compréhensible parce que l'idée d'imposer des quotas suscite parfois des inquiétudes, mais elle s'impose au regard de notre dessein : rattraper un retard lié à des inégalités profondément enracinées dans les mentalités et les comportements. Et nous serons à la fois ambitieux et réalistes sur le temps nécessaire pour atteindre nos objectifs. C'est pourquoi nous devons, en parallèle, continuer à penser et mettre en place des dispositifs destinés à traiter à la racine les mécanismes qui reproduisent ou renforcent les inégalités. L'éducation et la formation, par exemple, en sont les premiers leviers. C'est l'objet de plusieurs autres articles et je m'en réjouis.

Parce que je l'ai observé au cours de ma vie antérieure en entreprise, je sais que l'un des obstacles majeurs à la progression des carrières des femmes est l'accès à une solution de garde pour les enfants. C'est un fait : les familles monoparentales sont à 85 % composées d'une femme avec enfants et 700 000 d'entre elles vivent sous le seuil de pauvreté. Avec Adrien Taquet, le Gouvernement a réduit le coût des assistants maternels, en particulier pour les femmes seules avec enfants, en augmentant de 30 % le montant du complément du mode de garde. Nous renforçons également le soutien à la création de nouvelles places de crèche dans les quartiers, par le biais d'une majoration des aides aux communes, effective depuis le 1er janvier. L'article 4 soutient clairement les familles monoparentales en leur réservant des places en crèche afin de leur permettre de trouver un emploi, de créer une activité ou de participer aux actions d'accompagnement professionnel.

Dans cet esprit, l'article 3 donne utilement l'accès aux bénéficiaires de la prestation partagée d'éducation de l'enfant à des dispositifs de formation professionnelle dès la fin de leur droit à cette prestation. J'y souscris pleinement, car il est essentiel d'aider les femmes éloignées de l'emploi à la suite de leur maternité.

Je terminerai sur un point qui me tient particulièrement à cœur : l'entrepreneuriat féminin. Dans ce domaine aussi, synonyme d'émancipation, des inégalités subsistent. Des biais sont par exemple utilisés lorsqu'il s'agit pour les femmes d'accéder aux financements pour créer et faire grandir leur entreprise et sont cause que les femmes ont 30 % de moins de chances que les hommes de voir leur demande de financement aboutir. J'ai récemment renouvelé avec Bpifrance l'accord-cadre relatif à la promotion et au financement de l'entrepreneuriat féminin dans les territoires. Il est crucial d'aider nos entrepreneurs qui créent de l'activité, de l'emploi et qui contribuent directement à l'émancipation économique des femmes.

En poursuivant la même fin, l'article 8 prévoit des objectifs de mixité dans la politique de soutien à la création et au développement d'entreprises, soutenue par Bpifrance, notamment dans la composition des comités d'investissement ainsi que des équipes dirigeantes des projets bénéficiaires. Comme vous le voyez, les acteurs publics sont donc très engagés dans ce projet.

Mesdames et messieurs les députés, le combat pour la parité n'est pas un combat idéologique : il n'est ni de gauche ni de droite, il n'oppose pas non plus les femmes aux hommes ni une génération à une autre et il ne s'agit pas de cocher une case dans un rapport RSE (responsabilité sociale des entreprises) à la fin de l'année ni de se battre pour la moitié du ciel. Le combat pour la parité est un enjeu de société qui nous concerne tous, un enjeu de justice, de valorisation des compétences et de performance ; c'est un défi culturel permanent pour, au bout du compte, que nous puissions tous vivre dans une société plus inclusive et plus égalitaire. Ce texte est équilibré et il accompagne le monde économique dans cette démarche de progrès vers la parité.

Notre pays a l'occasion de porter haut le flambeau de l'égalité. Nous l'avons déjà fait par le passé et le monde post-covid nécessite à nouveau que nous ayons ce courage et cette ambition qui changera la vie de nombreuses femmes et inspirera le monde. Saisissons cette occasion : le présent texte n'ôte de droit à personne et son adoption grandira la société tout entière. Je salue le travail déjà accompli au terme d'un processus de concertation remarquable. Le Gouvernement soutient cette proposition de loi et je me réjouis de prendre part au débat sur chacun des amendements que vous présenterez.

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