Intervention de Josiane Corneloup

Séance en hémicycle du jeudi 6 mai 2021 à 9h00
Revenu de solidarité active pour les jeunes de 18 à 25 ans — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJosiane Corneloup :

La crise du covid-19 a largement frappé non seulement les personnes en situation de fragilité, les personnes âgées et les demandeurs d'emploi, mais aussi les jeunes. Ceux qui sont âgés de 18 à 29 ans constituent la majorité des personnes en situation de pauvreté et de précarité en France. La crise sanitaire qui les a fragilisés fait peser sur la nation le risque d'une génération sacrifiée. Plus de 700 000 jeunes risquent de ne pas trouver un emploi lorsqu'ils arriveront pour la première fois sur le marché du travail. En temps normal, 46 % des jeunes travaillent parallèlement à leurs études. Or, lors du premier confinement, près d'un tiers d'entre eux ont perdu leur travail. La réalité est que la crise sanitaire a privé de nombreux jeunes des petits boulots qui leur permettaient de vivre. Dans les territoires, les élus locaux et les associations caritatives tirent la sonnette d'alarme. Les jeunes représentent presque la moitié des personnes ayant recours aux banques alimentaires et aux services sociaux, et les demandes de RSA explosent.

Leur sentiment de mal-être également est particulièrement préoccupant. Les étudiants, privés de cours en présentiel, de liens sociaux et, pour la plupart d'entre eux, de travail, sont dans un état psychologique grave. Oui, les jeunes ont besoin d'aide.

Cependant, je ne crois pas que ce soit en permettant aux 18-25 ans d'accéder sans condition au RSA, avant même de réfléchir à leur trouver une formation ou un emploi, que nous lutterons efficacement contre la pauvreté des jeunes. Alors que le bénéfice du RSA est aujourd'hui limité aux plus de 25 ans, cette condition connaît déjà une exception : le RSA jeune actif, introduit par la loi de finances pour 2010. Pour profiter de ce RSA, les jeunes doivent avoir travaillé pendant deux ans sur une période de trois ans. Il s'agit d'un accompagnement dans la recherche d'un travail et d'une insertion professionnelle.

L'ouverture du RSA sans condition aux moins de 25 ans pose également la question de son financement. Nous sommes, du fait de la crise, dans un contexte de forte augmentation du nombre des foyers allocataires du RSA. Fin octobre 2020, le nombre d'allocataires a augmenté de 8,5 % par rapport à octobre 2019 et atteint aujourd'hui 2,1 millions de personnes. Étant conseillère départementale, je constate la dégradation de la situation financière des départements en raison de l'augmentation de leurs dépenses sociales. Le financement d'un RSA alloué aux jeunes de moins de 25 ans serait donc très difficile. Au-delà de la charge supplémentaire occasionnée, se pose donc, plus largement, le problème du financement.

La question que nous devons nous poser est de savoir quelles sont les opportunités, les perspectives d'avenir qui se présentent aujourd'hui aux jeunes. Plutôt que de créer de nouveaux droits dès 18 ans, nous devons nous attacher à créer de nouvelles chances. Nous sommes convaincus qu'il faut créer les conditions d'une meilleure insertion sociale et professionnelle, avec plus de considération et d'accompagnement dans les études ou vers l'emploi et la formation. Il nous semble pertinent de renforcer les dispositifs d'accompagnement qui ont fait leurs preuves et de faciliter l'accès des jeunes aux différents dispositifs dont ils peuvent bénéficier. Dans cet éventail de mesures, la garantie jeunes fonctionne bien et il faut amplifier son déploiement. La logique de contractualisation sur laquelle elle repose me paraît adaptée aux enjeux actuels. Il est important de proposer aux jeunes un accompagnement global de proximité avec, en retour, un engagement à retrouver un parcours de formation ou un emploi.

De même, l'apprentissage doit être encouragé. Il faut toutefois veiller à réduire les délais de paiement pour le versement des aides de l'Agence de services et de paiement (ASP) aux entreprises lors de l'embauche d'un ou de plusieurs apprentis. Ces délais sont aujourd'hui anormalement longs et dissuadent les entreprises.

Il faut également amplifier le plan « 1 jeune, 1 solution », en autorisant – pourquoi pas ? – des CDD plus longs, par exemple de six mois, pour permettre de s'acculturer à l'entreprise.

En ce qui concerne les étudiants, qui n'ont pas pu, pendant leurs vacances ou leurs études, exercer des CDD, nous devons mieux les considérer et les aider en amplifiant les actions conduites – je pense notamment aux bourses, aux aides au logement, car ce dernier est souvent le principal poste de dépense pour le jeune ou sa famille, aux frais de scolarité bas, aux repas à 1 euro, aux aides ponctuelles d'urgence et à l'accompagnement psychologique. Le travail, l'insertion professionnelle, l'apprentissage et, de ce fait, le maintien des liens sociaux, sont des valeurs fondamentales, sur lesquelles nous ne pouvons pas transiger. Nous n'aiderons les jeunes qu'en les soutenant et en les aidant à s'insérer dans le marché du travail.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas cette proposition de loi.

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