Intervention de Clémentine Autain

Séance en hémicycle du jeudi 6 mai 2021 à 9h00
Revenu de solidarité active pour les jeunes de 18 à 25 ans — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClémentine Autain :

Lorsqu'un responsable de la majorité propose aux jeunes de s'endetter au nom – franchement, quelle honte ! – de l'émancipation ? Lorsqu'un porte-parole, pour s'adresser aux étudiants, discute avec un influenceur, plus habitué à tenir des blogs à Dubaï qu'à suivre des cours sur Zoom ? Lorsqu'une présidente de région, comme tant d'autres avant elle à droite, estime que le RSA ancrera les jeunes dans l'assistanat ? Nous connaissons le refrain, mais quelle folie, mes chers collègues, d'en venir à tout faire, à tout dire, pour refuser aux moins de 25 ans l'extension d'un droit à ne pas être misérable. C'est bien cela dont nous parlons aujourd'hui : ne pas être misérable.

Contrairement à la France, tous les pays de l'OCDE ont ouvert leurs minima sociaux aux jeunes dès 18 ans. Nous sommes une exception, une triste exception, parmi les pays de l'OCDE.

En période de crise, la meilleure façon de lutter contre la pauvreté est de soutenir les revenus par l'octroi de prestations sociales. L'idée, qui a fait l'objet d'innombrables travaux – il existe sur le sujet toute une littérature convergente –, a valu à Esther Duflo son prix Nobel et trouve un large consensus chez les économistes. Lisez donc le sociologue Denis Colombi : vous apprendrez que donner de l'argent aux pauvres pour les sortir de la pauvreté – scoop ! –, ça marche !

Certes, cette idée ne corrobore pas la théorie du ruissellement qui irrigue votre politique, à défaut de notre économie, sans bénéficier aux premiers de corvée, parce que vous restez absolument sourds aux tribunes des économistes. Vous refusez de voir la misère qui s'étend ; vous refusez d'entendre que la majorité de la population plaide en faveur de l'ouverture du RSA aux moins de 25 ans. Je ne comprends pas comment la pertinence d'une telle mesure peut ne pas résonner dans cet hémicycle, quand tant de personnes la réclament à l'extérieur ? Comment pouvez-vous vous ranger derrière les caricatures du MEDEF, pour lequel celle-ci revient à admettre « qu'être pauvre, c'est un métier à plein-temps » ? L'outrance donne la mesure du carcan idéologique. Non, il ne suffit pas de traverser la rue pour trouver un emploi.

En adoptant la proposition de loi aujourd'hui, c'est un million de jeunes que nous pourrions sortir de l'extrême pauvreté, en leur offrant un sursaut toujours, un sursis parfois, la survie sans doute. C'est un million de concitoyennes et de concitoyens qui entrent dans la vie par la plus petite porte, une porte que nous pourrions leur ouvrir plus grand. Le refus d'étendre le RSA aux moins de 25 ans est à mes yeux une décision vraiment violente et illogique. Elle révèle l'absurdité à laquelle vous conduit l'obsession de la compétitivité et de la concurrence de tous contre tous.

Une députée de la majorité justifiait, l'autre jour, ce refus par le souci de la justice, figurez-vous : incroyable ! Cette mesure serait injuste, puisque les enfants des familles aisées pourraient percevoir le RSA. Mais, dans le même temps, le Gouvernement choisit justement de faciliter les transmissions de patrimoine entre riches – si ce n'est pas favoriser les jeunes riches, je ne sais pas de quoi on parle ! Quand on en vient à tordre ainsi la réalité, c'est que le mépris le plus crasse, comme d'habitude, est malheureusement aux commandes.

La fermeture du RSA aux plus jeunes revient à refuser la majorité sociale à 18 ans. Au fond, vous n'acceptez pas l'idée d'une autonomie de la jeunesse lorsqu'elle atteint l'âge de la majorité. Vous considérez les jeunes comme des enfants dont vous auriez la maîtrise, auxquels on donne de l'argent de poche, des enfants que vous souhaitez maintenir dans la dépendance des aînés. Ce faisant, vous promouvez l'image d'une France entièrement tournée vers les « w inners », dans laquelle – idée effrayante – la pauvreté forge le caractère et fait émerger les talents.

Votre refus souligne votre méfiance tous azimuts à l'égard des pauvres, qui vient s'ajouter à celle à l'égard des jeunes. Il met en lumière le caractère antisocial d'une politique économique tournée vers les plus riches et qui écrase les plus précaires. En détruisant statut et protection, en supprimant la fiscalité sur le capital, vous faites le lit d'un ruissellement qui coule toujours plus vers le haut – un phénomène qui n'a rien à voir avec la physique mais tout avec votre politique.

Entre 2009 et 2020, – le chiffre est effrayant – le patrimoine des milliardaires français a été multiplié par cinq – oui, par cinq, mes chers collègues !

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