Intervention de Brigitte Klinkert

Séance en hémicycle du jeudi 6 mai 2021 à 9h00
Revenu de solidarité active pour les jeunes de 18 à 25 ans — Présentation

Brigitte Klinkert, ministre déléguée chargée de l'insertion :

Votre proposition de loi ouvre aux jeunes le droit au RSA à partir de 18 ans, contre 25 ans aujourd'hui. Je le dis d'emblée : nous sommes en désaccord avec cette idée. En tant qu'élue locale et en tant que ministre, je sais les sacrifices auxquels notre jeunesse a dû consentir ; je les constate chaque jour sur le terrain.

Depuis le premier jour du quinquennat, le Gouvernement est pleinement mobilisé pour donner des perspectives d'avenir à tous nos jeunes, et depuis le début de la crise nous avons intensifié les moyens pour les accompagner dans ce moment de vie charnière où l'on se construit et où l'on trace sa voie.

L'ouverture du RSA aux jeunes dès l'âge de 18 ans nous semble une réponse inefficace et contre-productive pour les jeunes comme pour ceux qui les accompagnent.

Pour commencer, je veux vous faire part de mon étonnement. Vous nous proposez aujourd'hui d'étendre aux jeunes un dispositif dont vous dites qu'il ne remplit pas complètement sa mission d'accompagnement. Nous considérons pour notre part que cette mission est en réalité la clé de voûte des politiques d'insertion dans l'emploi auxquelles les jeunes ont droit. Notre ambition, le fil rouge de notre action, c'est de tout mettre en œuvre pour que nos enfants trouvent à leur tour leur place dans la société, leur propre voie et donc un travail. Pour y parvenir, nous devons ouvrir à chaque jeune le droit à un accompagnement personnalisé qui peut, bien entendu, être associé à une allocation, car nul ne doit voir son parcours entravé par une absence de ressources. En clair, nous souhaitons et pouvons faire mieux qu'un RSA pour nos jeunes.

Par ailleurs, en tant qu'ancienne présidente du conseil départemental du Haut-Rhin et en tant que conseillère d'Alsace, je connais la charge importante que représente le RSA pour les départements. L'ouverture du RSA à 18 ans pourrait augmenter de près de moitié cette charge, alors que certains départements nous alertent déjà sur leurs difficultés à l'assumer. Une telle augmentation pourrait mettre en péril la capacité des départements à déployer leur politique d'insertion et réduirait ainsi cette politique au seul soutien financier. Ce changement d'ampleur, vous le proposez sans financement, sans concertation et sans même prévoir des périodes transitoires de mise en place.

Depuis 2017, nous sommes pleinement mobilisés aux côtés des jeunes rencontrant des difficultés. Pour leur donner les compétences dont nos entreprises ont besoin, nous consacrons sur l'ensemble du quinquennat un effort sans précédent de 13,8 milliards d'euros dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences (PIC), et pour que la crise ne balaie pas cet investissement, nous ajoutons un effort supplémentaire de 700 millions d'euros pour ouvrir 100 000 formations supplémentaires aux métiers d'avenir en 2021 et 2022.

Par ailleurs, pour permettre aux jeunes décrocheurs de découvrir des métiers et de se remobiliser, nous avons lancé La Promo 16-18, qui est un programme d'accompagnement renforcé dans le cadre de la mise en œuvre de l'obligation de formation. Les jeunes les plus éloignés de l'emploi bénéficient également du développement du secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE), voulu dès 2018 par le Président de la République. En 2021, 37 500 jeunes éloignés de l'emploi pourront bénéficier de contrats dans les structures d'insertion par l'activité économique, qui peuvent être une solution pour les jeunes les plus en difficulté, en proposant, en même temps une mise en activité, un accompagnement et une rémunération. Après avoir déployé 320 millions d'euros en 2020 pour soutenir ces structures face à la crise et dans leur développement, mon ministère a lancé il y a deux semaines le deuxième axe du plan de relance pour l'inclusion : 162,5 millions d'euros seront ainsi déployés en 2021 pour soutenir l'investissement de ces structures, dont 12,5 millions exclusivement pour des projets de mobilité.

Par ailleurs, dès que la crise a frappé, nous avons lancé le plan « 1 jeune, 1 solution ». Il atteint désormais plus de 9 milliards d'euros pour ne laisser aucun jeune sur le bord de la route : c'est tout simplement inédit. Nous ne voulons pas de solution uniforme pour un public aussi divers et multiple que notre jeunesse ; nous voulons des solutions adaptées au parcours, au profil et aux difficultés de chacun. C'est pourquoi le plan jeune déploie une très grande variété d'aides permettant à chacun d'accéder à un emploi, une formation et un accompagnement.

Grâce à la mobilisation des entreprises et des services de l'État, ce plan porte déjà ses fruits : on compte notamment plus de 1,5 million de jeunes de moins de 26 ans embauchés en CDI ou en CDD de plus de trois mois depuis août, soit presque autant qu'en 2018 et 2019, et plus de 500 000 nouveaux apprentis, niveau inégalé dans notre pays. Pour amplifier cette dynamique en 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion Élisabeth Borne et moi-même prévoyons de consacrer aux jeunes pas moins de 2 millions de solutions, qu'il s'agisse de place en apprentissage, de formation ou de parcours d'insertion.

Derrière ces chiffres, ce sont autant de visages, autant de jeunes accompagnés et soutenus et autant de familles soulagées de voir l'avenir de leurs enfants s'éclaircir. Cette réponse sur mesure, je l'ai observée, par exemple, le 25 mars dernier à l'agence Pôle emploi d'Angoulême, où j'ai rencontré Cécilia, embauchée comme vendeuse chez un grand chocolatier, grâce à un contrat initiative emploi, et Mohamed, 23 ans, devenu plombier-chauffagiste grâce aux emplois francs, ces primes à l'embauche de jeunes issus des quartiers prioritaires.

Pour qu'aucun jeune ne soit empêché dans son parcours vers l'emploi par un manque de ressources, pour la première fois depuis plus de trente ans, nous avons revalorisé la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle, en la portant de 300 à 500 euros par mois pour les jeunes de 18 à 25 ans. Nous avons également généralisé le principe d'une rémunération à tous les parcours d'accompagnement qui n'en disposaient pas. Le décret prévoyant cette revalorisation a été publié jeudi dernier au Journal officiel et l'augmentation sera effective dès la fin de ce mois : c'est cela l'égalité des chances en actes.

Au-delà des milliards déployés, nous mettons également fortement l'accent sur la lisibilité et l'accessibilité des aides pour le plus grand nombre. Pour cela, ce plan s'appuie sur le site internet 1jeune1solution.gouv.fr, qui doit devenir le site d'information de référence sur l'emploi des jeunes. Pour augmenter le taux de recours des jeunes aux aides disponibles, le Premier ministre a officiellement lancé la semaine dernière un simulateur d'aide, lui aussi disponible sur ce site, qui doit permettre de faire connaître aux jeunes l'ensemble des aides dont ils peuvent bénéficier, même en matière de santé, de logement ou encore de permis de conduire.

Mesdames et messieurs les députés, vous le voyez, parce que nous sommes aux responsabilités, nous sommes plus que jamais attentifs au caractère opérationnel de nos propositions et au recours effectif des jeunes à nos mesures. Nous allons poursuivre nos efforts, avec l'ambition de transformer et d'améliorer radicalement l'accompagnement des jeunes en France. Notre objectif est de poursuivre la lutte contre l'autocensure, les inégalités de destin et l'assignation à résidence, sans rien céder de notre ambition initiale de transformation. Au RSA jeune, nous préférons le modèle de la garantie jeunes, qui a fait ses preuves…

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