Intervention de Bastien Lachaud

Séance en hémicycle du jeudi 15 avril 2021 à 9h00
Accord-cadre entre l'union européenne et l'australie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBastien Lachaud :

On nous demande de ratifier un accord-cadre de coopération entre l'Union européenne et l'Australie. À première vue, on ne saurait y être opposé : nos relations avec le peuple australien sont empreintes d'amitié. Nous avons même le souvenir que des soldats australiens ont perdu la vie en France au cours du premier puis du second conflit mondial. Quant au mot « coopération », il est très beau lorsqu'on lui donne toute sa signification en proposant de faire œuvre commune ou mieux, en commun. Voilà qui est fait pour plaire aux Insoumis, dont le programme politique s'appelle « L'avenir en commun ». Pourtant, il faut bien avouer que le compte n'y sera pas. L'astuce est éventée : on ne sait que trop que lorsque Bruxelles dit « coopération », elle pense en réalité « commerce » ou plus exactement « business ».

C'est bien l'enjeu premier du présent texte : il est le pendant d'un accord commercial qu'il sert à rendre plus acceptable. Ici, on fait la liste des vœux pieux qui permettront de faire oublier que les facteurs fondamentaux de la catastrophe écologique ne sont absolument pas remis en question par le genre de « coopération » qu'on nous propose. Le libre-échange, l'intensification des échanges financiers, la promotion aveuglée des privatisations au sein des organismes internationaux, au premier rang desquels l'OMC : voilà le vrai potage que l'on veut encore nous faire avaler. Bien sûr, il serait trop amer si l'on ne dissimulait pas les vraies intentions derrières des généralités sucrées. Les parties signataires veulent la paix et la concorde universelles, la préservation de l'environnement, et caetera.

Je suis navré de vous le dire, mais ce genre de diversion n'a aucune espèce de conséquence. Avez-vous entendu parler de la relance de l'économie australienne par le gaz ? Croyez-vous un instant qu'elle soit compatible avec les objectifs des accords de Paris ? Pourtant, même s'ils étaient atteints, ces objectifs ne suffiraient pas à éviter des catastrophes pour bien des îles du Pacifique, dont nos amis australiens reçoivent les réfugiés avec une hostilité très semblable à celle que les institutions européennes et notre gouvernement vouent aux exilés et réfugiés climatiques qui s'exposent à périr en Méditerranée. Je crains que les protestations d'humanisme de votre traité ne puissent faire oublier cette triste réalité.

J'affirme qu'il ne faut rien attendre de cet accord. Comme si Bruxelles pouvait donner un contenu concret aux poncifs de la bonne conscience libérale ! Les bureaucrates les plus aveuglés, les thuriféraires de l'austérité, ceux pour qui il n'existe pas de démocratie en dehors des traités, comme le disait Jean-Claude Juncker, ne mettront jamais en œuvre une quelconque coopération qui viserait l'intérêt général humain.

Or c'est bien de cela dont nous avons besoin : œuvrer avec les peuples du monde à des réalisations concrètes qui servent l'humanité dans son ensemble. Pour cela, nous n'avons pas besoin de l'autorisation de l'Union européenne. Il est si facile de faire prospérer le partage des connaissances, les échanges culturels et tout ce qui fait réellement progresser l'humanité dans un cadre bilatéral. C'est bien dans ce cadre que nous faisons commerce d'armements avec l'Australie. Je ne m'en plains pas d'ailleurs : j'aime cent fois mieux que nos sous-marins soient vendus à l'Australie démocratique que nos canons à l'Arabie saoudite et à l'assassin qui règne sur elle. Mais admettez tout de même que nous pourrions voir plus grand et faire de l'océan l'objet d'un partenariat bien plus enthousiasmant et utile que le décompte morne, et à vrai dire mortifère, de nos balances commerciales.

Voici ce que cet accord devrait nous dire et qu'il ne dira jamais : mettez le paquet pour sauver la Grande Barrière de corail, répertorier et protéger les espèces qu'elle abrite, explorer les fonds marins, lutter contre la pollution due au plastique, protéger les espèces endémiques de l'île-continent, réfléchir ensemble aux moyens d'empêcher que de nouveaux incendies gigantesques ne la ravagent ! Cet accord ne dit pas « mettez vos savoirs en commun », ni « accueillez chacun des étudiantes et des étudiants venus de l'autre bout du monde », il dit encore et toujours « harmonisez le marché de la connaissance pour être compétitifs à condition de faire fructifier votre investissement dans le capital humain. »

En réalité, cet accord-cadre ne cadre rien. Il est déjà périmé ; son manque d'ambition le trahit. Pour l'environnement, il propose que les signataires apprennent ensemble à « promouvoir la prévention, l'atténuation des risques, la préparation et les mesures prises en réponse aux catastrophes afin d'accroître la résilience des sociétés et des infrastructures ». Il ne la conjure même pas, il abdique devant la certitude des catastrophes. Et que dire de la promotion qu'il prétend faire de la paix quand, en réalité, chacun sait déjà qu'il témoigne de la nouvelle obsession de Washington et de ses affidés de marquer la Chine au plus près ?

En bref, la grisaille de ce texte vous fait penser que l'on pourrait l'adopter par une procédure simplifiée sans même entendre ce qu'il nous inspire de lassitude et de dépit. Eh bien non !

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