Intervention de Jean-Paul Lecoq

Séance en hémicycle du jeudi 15 avril 2021 à 9h00
Partenariat stratégique entre l'union européenne et le japon — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

S'agissant de cet accord, certains diront qu'il faut se satisfaire de ce qui est déjà négocié et permettre sa ratification afin que les deux parties se tirent mutuellement vers le haut. En aucun cas. Le Japon a déjà des engagements forts puisqu'il est signataire de l'accord de Paris, mais l'accord, de très mauvaise qualité, que vous nous proposez n'a rien de contraignant, et ne permettra pas de dénoncer l'un de ses signataires qui ne respecterait pas ses engagements sociaux ou environnementaux. Ce sont pourtant les questions fondamentales de l'époque… sauf pour les grandes entreprises, évidemment.

Les députés communistes soutiennent une autre mondialisation, celle de l'amitié entre les peuples et de la paix, celle des échanges favorisant les droits sociaux, environnementaux et culturels, et respectueux des savoir-faire. Le Japon est certes un pays ami et allié que nous apprécions, mais il faut être plus exigeant avec ce partenaire, et renégocier un accord qui s'attaque réellement aux problèmes que nous connaissons.

Plutôt que de supprimer les frontières pour les marchandises et les capitaux, plutôt que de détruire les normes sanitaires, environnementales et sociales, pourquoi ne pas travailler ensemble à un accord sur la fiscalité des entreprises, sur la taxation des revenus ou des transactions financières entre l'Union européenne et le Japon ? Avoir les mêmes règles pourrait être une bonne chose.

S'aider mutuellement pour développer nos projets d'aide publique au développement pourrait également être utile, le Japon étant, dans ce domaine, un acteur majeur doté de moyens considérables. Travailler ensemble à aider les peuples dans le besoin aurait bien plus de sens.

Pourquoi également ne pas travailler ensemble dans le domaine de la recherche énergétique au développement des énergies de demain, notamment autour du projet ITER de réacteur thermonucléaire expérimental international ? Cela permettrait de mobiliser les scientifiques autour d'un projet commun mieux valorisé – je pense notamment à la fusion nucléaire, qui représente un enjeu industriel et énergétique colossal.

Dans le domaine spatial, le Japon est l'un des rares pays à bénéficier, comme la France, d'une base de lancement, et une coopération au plus haut niveau entre l'Union européenne et le Japon pourrait faciliter certains projets en gestation dans les agences.

Enfin, nous pourrions travailler à mieux valoriser nos cultures respectives.

Tous ces aspects apparaissent de manière anecdotique dans cet accord, simples faire-valoir de ses enjeux économiques. Or nous les voulons au cœur de l'accord, non à la marge. C'est pourquoi nous vous proposons de rejeter ce texte, en demandant aux négociateurs de se concentrer sur ces secteurs fondamentaux pour la paix, car c'est la paix qui devrait être le seul et unique objectif de ces accords.

À cet égard, je suis heureux d'avoir en face de moi Jean-Baptiste Lemoyne, qui, lors d'un de nos échanges remontant à plusieurs mois, avait déclaré : « Le commerce favorise la paix. » Certes, on dit souvent que le commerce entre les États favorise la paix, mais il faut passer des paroles aux actes, monsieur le secrétaire d'État.

Le Japon connaît le prix de la guerre, il sait le poids des bombardements nucléaires – et je remercie Mme la rapporteure de l'avoir évoqué. Même s'il n'a pas signé le traité d'interdiction des armes nucléaires – et sans doute l'influence de ses puissants alliés n'y est-elle pas pour rien –, j'ai pu constater, en visite au Japon à la période des commémorations des explosions d'Hiroshima et de Nagasaki, face notamment aux manifestations de rue à Tokyo et Kyoto, que cette affaire du traité n'était pas simple pour le peuple japonais, peuple martyr, victime de ce crime contre l'humanité. Le Gouvernement japonais a, en la matière, choisi sa position, mais rien n'est perdu pour autant.

Pourquoi d'ailleurs ne pas proposer aux peuples de décider eux-mêmes de leurs modalités d'échanges et de partenariat, dans le cadre d'un accord ? Cela permettrait d'envoyer un signal fort à la communauté internationale, le signe que l'on peut travailler ensemble, sans détruire la planète et sans n'avoir pour seule boussole que la croissance économique.

Si nous adoptons cette motion de rejet préalable et donnons mandat à l'exécutif de transmettre aux négociateurs européens l'irrecevabilité de cet accord obsolète car déconnecté de la vie, nous aurons alors fait, mes chers collègues, œuvre utile.

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