Intervention de Ugo Bernalicis

Séance en hémicycle du mardi 13 juillet 2021 à 15h00
Prévention d'actes de terrorisme et renseignement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Heureusement que quelques-unes, en particulier les visites domiciliaires, font encore l'objet du contrôle du juge des libertés et de la détention qui, malgré son statut, ne dispose lui-même que de peu d'éléments pour se prononcer – il se forge un avis sur les seules notes blanches.

Je me souviens aussi qu'en 2017 nous étions un certain nombre sur nos bancs à vous alerter au sujet du cimentier Lafarge qui était suspecté de collaborer avec Daech, ce dont nous avons aujourd'hui les preuves. Libération vient d'ailleurs de publier un article expliquant que la DGSE – direction générale de la sécurité extérieure – avait averti l'exécutif dès 2014, sous la précédente législature. Nous parlons du même cimentier qui, alors que nous discutions de la loi SILT dans l'hémicycle, était en train, à quelque pas, de rénover la cour d'honneur de l'Assemblée, pour notre déshonneur à tous.

La lutte contre le terrorisme revêt parfois un caractère étrange : on est par exemple beaucoup moins diligent quand il s'agit de surveiller un cimentier qui fait des affaires que lorsqu'il faut surveiller des gens que l'on suspecte d'être éventuellement dangereux. On consacre, à s'occuper de ces derniers, une énergie extrême, allant même, ce qui constitue une sorte d'aboutissement des processus que vous avez mis en place, jusqu'à envoyer des questionnaires dans les universités pour détecter les signaux faibles. On pose aux enseignants, aux présidents d'université ou aux responsables de la sécurité des questions basiques : connaissez-vous quelqu'un qui se laisse pousser la barbe ou qui refuse de serrer la main aux femmes ? Mais, même si une personne ne fait rien de tout cela, est-il ajouté, l'absence de tout signe de radicalisation peut être un signe de radicalisation si la personne pratique l'art de la dissimulation – la taqiya. Comme cela, on est habillé pour l'hiver : tout le monde peut être terroriste.

Regardez ce que vous faites ! Avec ces méthodes, je crois que nous produisons nous-mêmes ceux qui se radicalisent et qui s'éloignent de la République. J'espère qu'aucun d'entre eux ne passera jamais à l'acte, mais il faut nous interroger sur l'ambiance qu'instaure dans le pays ce type de mesures qui répandent le soupçon, ce poison, sur nos compatriotes, en particulier sur ceux qui sont de confession musulmane puisqu'il s'agit de la religion qu'on évoque toujours de prime abord lorsque l'on parle de lutte contre le terrorisme, car beaucoup d'actes terroristes ont été commis ces derniers temps par des djihadistes salafistes.

Avant les MICAS, étions-nous incapables de lutter contre le terrorisme, étions-nous démunis et désarmés, les services de renseignement n'existaient-ils, n'agissaient-ils pas ? Évidemment, ils travaillaient, ils accomplissaient même correctement leur mission puisqu'ils déjouaient des attentats. J'appelle donc à conserver un minimum de raison, et je demande aux collègues de ne pas se laisser embarquer – comme les grenouilles plongées dans l'eau froide qui ne s'échappent pas avant de mourir ébouillantées parce que l'on a fait monter la température progressivement – par le passage d'une mesure à l'autre, comme si tout cela était normal. Non ! À la fin, c'est l'État de droit qui en prend un coup.

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