Intervention de Blandine Brocard

Séance en hémicycle du mardi 21 septembre 2021 à 15h00
Responsabilité pénale et sécurité intérieure — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBlandine Brocard :

C'est parce que le droit régit nos rapports à autrui, nos comportements et nos libertés qu'il est essentiel de le faire évoluer avec la société. Ainsi, comme vous avez pu le dire monsieur le garde des sceaux, nous devons adapter au mieux notre réponse pénale à plusieurs enjeux d'importance. Nous devons également mieux protéger tant nos concitoyens que les membres des forces de sécurité dans le cadre de l'action difficile qu'ils conduisent, ainsi que vous l'avez naturellement souligné, monsieur le ministre de l'intérieur.

Le texte que nous examinons comporte deux volets. Un premier volet de nature judiciaire veut notamment être une réponse adaptée cohérente et efficace à la tragédie de l'affaire dite Sarah Halimi qui, au printemps dernier, avait suscité une forte émotion – ô combien légitime – et une grande incompréhension chez nos concitoyens, à la suite de la décision déclarant l'auteur des faits irresponsable pénalement.

Toutefois, faire évoluer le régime de l'irresponsabilité pénale requiert d'infinies précautions car il y a une ligne rouge à ne pas franchir, celle qui pose le principe selon lequel on ne juge pas les fous. C'est un principe cardinal de notre système pénal mais – c'est là tout l'intérêt du nouveau dispositif – celui-ci n'est plus valable à partir du moment où l'auteur de l'infraction s'est lui-même rendu coupable de sa propre perte de moyens. Lorsqu'il consomme volontairement des substances en connaissant le risque de mise en danger d'autrui que ce geste comporte, il est inacceptable de s'en tenir à l'irresponsabilité pénale ; ce principe serait dévoyé. Il ne serait d'ailleurs pas juste que cet acte constitue une circonstance aggravante dans certains cas et une cause d'irresponsabilité dans d'autres. L'intérêt du projet de loi consiste à trouver une ligne de crête subtile et pragmatique entre les deux solutions.

Ce texte est nécessaire et de bon sens. C'est pourquoi le groupe Dem non seulement le soutiendra, mais proposera aussi de l'enrichir avec trois amendements qui visent à étendre le champ d'application des deux nouvelles infractions créées à l'article 2. Nous souhaitons que cet article s'applique aux incendies criminels volontaires ayant entraîné la mort ou des blessures graves, aux viols commis par une personne atteinte d'un trouble mental lorsque celui-ci résulte d'une intoxication volontaire ainsi qu'aux tortures et actes de barbarie commis dans les mêmes circonstances.

Le volet judiciaire est par ailleurs riche d'autres dispositions que nous soutenons pleinement. Il prévoit notamment de créer un délit spécifique visant à réprimer les violences commises contre certains agents dépositaires de l'autorité publique, notamment les policiers et les gendarmes. C'est nécessaire, en raison du climat de violence croissant auquel sont confrontées nos forces de l'ordre. Du reste, le groupe Dem a déposé un amendement pour qu'il s'applique aussi aux gardes champêtres, qui sont essentiels dans nos communes rurales.

Le second volet du texte est relatif à la sécurité intérieure. Alors que la semaine dernière, le Président de la République a clos le Beauvau de la sécurité en formulant plusieurs annonces pour renforcer et pour moderniser les missions de nos forces de l'ordre, les dispositions du projet de loi apparaissent indispensables pour protéger tant nos concitoyens que nos forces de l'ordre. Il en va ainsi de la création d'une réserve opérationnelle de la police nationale sur le modèle de ce qui existe déjà au sein de la gendarmerie nationale et qui a fait toutes ses preuves. Cela permettra, en particulier, d'atteindre l'objectif fixé par le Président de la République de doubler en dix ans la présence de policiers et de gendarmes sur le terrain.

L'aggravation des peines encourues en cas de délit de refus d'obtempérer est une mesure de protection de nos forces de l'ordre qui est également bienvenue. Nous pensons que l'examen en commission a permis d'atteindre un quantum de peine satisfaisant.

Nous soutenons aussi les dispositifs de caméras embarquées dans les véhicules. Ils seront opérationnels dès 2023 et permettront de renforcer à la fois la confiance de la population et la transparence de l'institution policière. Plus largement, nous sommes favorables aux dispositions relatives à la vidéosurveillance car il s'agit non pas, comme on peut l'entendre, d'une menace pour les libertés publiques, mais au contraire d'un facteur d'apaisement, notamment lors des interpellations, et de sécurité pour nos concitoyens dans la mesure où des garde-fous sont prévus dans le texte. Du reste, dès le début, le groupe Dem s'est montré particulièrement vigilant sur ce point.

Je tiens enfin à saluer le travail de coconstruction entre le Parlement et le Gouvernement qui a abouti à l'élaboration de dispositions opérationnelles tirant toutes les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel. Nous devons aujourd'hui le parachever car le texte, bien qu'il puisse, de prime abord, présenter un caractère hétéroclite, répond fondamentalement à la demande de nos concitoyens qui réclament plus de sécurité. Il concilie l'efficacité de l'action publique avec les exigences constitutionnelles. Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe Dem votera en faveur du projet de loi.

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