Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Séance en hémicycle du mardi 7 septembre 2021 à 15h00
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire dans les outre-mer — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Mélenchon :

Nous avons conclu que la motion de rejet était le seul moyen à notre disposition pour vous dire notre indignation face à la situation dans les outre-mer français, et les conditions qui l'ont rendue possible. Nous ne croyons pas que le variant delta soit l'unique cause – et peut-être n'est-il même pas la cause principale – de l'extraordinaire taux de contamination dans les territoires dont il est question aujourd'hui. Tout au contraire, nous croyons que c'est le crash social qui a rendu possible le crash sanitaire. Nous avons d'ailleurs déjà observé dans l'Hexagone que les cartes de la misère correspondaient le plus souvent aux cartes de la contagion et de la mort.

C'est la première fois, depuis le début de notre mandat, qu'un projet de loi concerne exclusivement les outre-mer, les considérant uniformément en dépit de leurs différences géographiques évidentes et des conditions naturelles qui les séparent. Même les taux d'incidence de contamination y varient, allant de un à dix. Pour être plus clair encore, des treize départements français où le taux d'incidence atteint le seuil d'alarme, seuls trois sont ultramarins. Pourtant, on leur applique une décision particulière : la possibilité d'instaurer à nouveau un couvre-feu et un confinement. Ce sont en effet les deux seules mesures prévues par le projet de loi dont nous allons débattre, et c'est précisément contre cette limite que nous nous prononçons, vous proposant de rejeter le texte pour obliger à une discussion d'ensemble qui nous permette de prendre en compte la réalité globale des départements et territoires d'outre-mer. Car adopter ce projet de loi, il faut le savoir, c'est s'inscrire une fois de plus dans le cadre d'un confinement sans fin et sans moyens. Quels que soient les développements du futur, aussi longtemps qu'on ne changera pas les conditions qui dominent en outre-mer, celui-ci connaîtra une aggravation spécifique à chaque vague de contamination, à chaque variant.

Bien sûr, on doit saluer l'effort de ceux qui se battent ; bien sûr, il est remarquable que 2 000 professionnels soient venus en renfort de ceux qui se trouvaient sur place – même si, ne l'oublions pas, ils sont prélevés sur les postes qui existent dans l'Hexagone. Le geste, l'attention, valent la peine, et nous font devoir, à nous autres, parlementaires, de reconnaître que les problèmes rencontrés par l'outre-mer ne sont pas réservés aux ultramarins : c'est à la collectivité nationale tout entière de les prendre en charge, de les exprimer. C'est pour cette raison que notre groupe a décidé que ce serait son président qui s'exprimerait sur le sujet, et non un autre de ses membres – ils s'exprimeront au cours du débat.

L'essentiel est de prendre la mesure de la situation dans laquelle vivent nos compatriotes.

La Guyane est en état d'urgence depuis le 17 octobre 2020 : celui-ci devait prendre fin le 30 septembre, mais est finalement prolongé jusqu'au 15 novembre. On anticipe la possibilité qu'il soit également déclaré à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna. Et vous nous avez annoncé à l'instant, monsieur le ministre, qu'il faudrait aussi l'instaurer en Nouvelle-Calédonie. Par la force des choses, ainsi que c'est prévu par la Constitution, vous devrez de fait consulter le Congrès de la Nouvelle-Calédonie. On peut donc se poser la question : pourquoi toutes ces mesures ont-elles été prises sans que l'on entende le son de la voix des assemblées locales, sans qu'elles nous aient fait connaître comment elles appréciaient les raisons pour lesquelles les outre-mer sont dans cette situation ? Je n'en fais pas le reproche aux assemblées : pour être moi-même membre d'une assemblée – celle-ci –, je sais comment ça fonctionne ! Finalement, comme les compatriotes d'outre-mer, je dépends chaque fois des décisions du Conseil de défense sanitaire et du Président de la République – de lui seul.

On ne peut pas dire que la situation des outre-mer et son aggravation n'étaient pas prévisibles. Si j'insiste, c'est que cela explique pourquoi nous sommes si mécontents de voir que, tout d'un coup, on surgit, en aggravant sans cesse l'état de confinement et de couvre-feu permanent. Nous-mêmes, les insoumis, avions mené une commission d'enquête à la fin du premier confinement. Dans notre rapport, une section était dédiée aux outre-mer, dans laquelle nous prévenions de la possibilité d'un effondrement sanitaire très grave dans ces territoires. Et si l'expression d'un mouvement politique vous paraissait insuffisante ou, par a priori, à éliminer, notez qu'en juillet 2020, le député européen insoumis Younous Omarjee, président de la commission du développement régional du Parlement européen, avait écrit directement au Premier ministre pour l'alerter et lui demander un plan d'urgence pour les outre-mer. Il est vrai qu'à l'époque, nous étions les seuls à annoncer l'arrivée d'une troisième et d'une quatrième vague, et qu'on se gaussait de nous. Puis, en octobre 2020, le député insoumis de La Réunion, Jean-Hugues Ratenon, écrivait au ministre des outre-mer – vous-même, monsieur le ministre – pour l'alerter sur le manque de personnel médical et l'affaiblissement de la solidarité nationale – ce sont ses mots – à l'égard des ultramarins.

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