Intervention de Laurent Saint-Martin

Réunion du jeudi 15 juillet 2021 à 15h00
Commission spéciale chargée d'examiner la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques et la proposition de loi portant diverses dispositions relatives au haut conseil des finances publiques et à l'information du parlement sur les finances publiques ainsi que la proposition de loi organique et la proposition de loi relatives aux lois de financement de la sécurité sociale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Saint-Martin, rapporteur :

Même si nous n'en sommes qu'au début de nos travaux, je suis heureux de vous présenter l'aboutissement d'un travail de trois ans, engagé avec le président Éric Woerth. Nous voici parvenus à un moment important puisque nous vous avons régulièrement annoncé l'arrivée de cette proposition de loi organique comme une pièce maîtresse de l'avenir de nos finances publiques, surtout depuis le début de la crise. Modifier le contenant pour mieux en maîtriser le contenu, c'est un débat qui nous anime depuis longtemps. Nous sommes extrêmement fiers de vous soumettre cette première modification substantielle de la LOLF depuis vingt ans.

Nous avons souhaité, au début de l'année 2019, relancer la mission d'information sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances afin de dresser le bilan de notre constitution financière. Nous souhaitions y apporter certains ajustements à la lumière de la pratique budgétaire, mais sans en bouleverser l'architecture d'ensemble, ni l'esprit que nous voulons, au contraire, conforter.

Nous avons modestement tenté d'inscrire nos pas dans ceux des pères de la LOLF, Didier Migaud à l'Assemblée nationale et Alain Lambert au Sénat. La LOLF est, avant tout, un outil parlementaire, et nous avons considéré qu'elle devait le rester. C'est pourquoi il s'agit d'une proposition de loi et non d'un projet de loi.

La démarche adoptée se veut résolument transpartisane, pragmatique, éclairée par l'expérience, guidée par la volonté d'améliorer la qualité de nos discussions budgétaires et de consolider le rôle central du Parlement dans l'examen et le contrôle des finances publiques.

Les travaux de la MILOLF ont abouti en septembre 2019 à quarante-cinq recommandations qui inspirent, à l'évidence, la proposition de loi organique et la proposition de loi ordinaire que nous vous présentons aujourd'hui. Quatre axes avaient déjà guidé nos propositions : rationaliser le calendrier et la procédure budgétaire pour plus de transparence et de lisibilité, renforcer la portée de l'autorisation parlementaire, renouveler la démarche de performance et conforter la logique de résultats, améliorer l'information et le contrôle du Parlement. Il est évident que ces axes sont à présent complétés et confortés par certains éléments de la crise sanitaire que nous vivons depuis plus d'un an. D'ailleurs, je ne suis pas certain que cette proposition de loi aurait abouti sans la crise. Celle-ci a mis en évidence la nécessité de réviser la LOLF pour nous doter d'outils à même d'améliorer la gestion, le contrôle et la programmation de nos finances publiques.

Cette proposition de loi organique a pris de l'épaisseur à mesure que nous avancions dans le processus d'initiative législative. Le Gouvernement l'a ainsi intégrée aux réformes structurelles présentées à la Commission européenne dans le cadre du programme de stabilité pour les années 2021-2027 et du programme national de reprise et de résilience (PNRR). Ce n'est pas anodin : j'y vois l'importance de la réforme du cadre organique des finances publiques dans la réforme de l'État.

Le Conseil d'État, associé à nos travaux, nous a apporté un éclairage juridique très complet et précieux. Vous le constaterez, nombre d'amendements que je présenterai avec le président sont issus de ses analyses et suggestions.

Avant d'aborder le contenu du texte, je remercie le président Éric Woerth pour son engagement et son ouverture d'esprit dans le cadre des travaux menés ensemble depuis la MILOLF jusqu'aux propositions que nous portons aujourd'hui, en passant par les discussions que nous avons eues devant le Conseil d'État.

Sur le fond, nous souhaitons renforcer la place de la pluriannualité dans les discussions budgétaires. Elle s'est imposée à l'évidence pour appréhender la maîtrise et l'équilibre de nos comptes publics. Il s'agit d'un principe très important au niveau européen, que l'on retrouve moins dans notre droit budgétaire. Une stratégie de finances publiques conçue sur plusieurs années est pourtant essentielle, pour démontrer que la soutenabilité de notre dette est garantie et, ainsi, préserver la qualité de signature de la France auprès de ses créanciers présents et futurs.

Cet enjeu est encore plus fort en sortie de crise. Comme je l'ai évoqué ce matin en séance publique lors du débat d'orientation sur les finances publiques, nous devrons choisir une stratégie et une trajectoire dans l'année qui vient, afin de reprendre le contrôle de nos finances publiques. Devrons-nous recourir ou non à l'instrument des prélèvements obligatoires ? Devrons-nous instaurer des investissements d'avenir supplémentaires ? Comment définirons-nous une trajectoire de maîtrise et de modération propre aux dépenses publiques ? Toutes ces options politiques, qui sont sur la table, sont respectables, et les Français trancheront prochainement.

En tout état de cause, la proposition de loi organique introduit des outils pour mesurer l'évolution de la dépense publique, quels que soient les choix politiques. La loi de programmation des finances publiques fixerait ainsi une trajectoire d'évolution de la dépense publique, exprimée en milliards d'euros pour plus de lisibilité. Les déviations de cette trajectoire seraient mesurées par un compteur des écarts, présenté avec le projet de loi de loi de finances. Le Gouvernement serait tenu d'expliquer les raisons de ces écarts. Cet effort d'éclaircissement ne concerne pas seulement la dépense publique : nous vous proposerons également de renforcer l'information disponible sur les dépenses fiscales.

Par ailleurs, nous proposons une refonte du calendrier budgétaire de l'année. Les rendez-vous parlementaires sont multiples et se recoupent parfois. La proposition de loi organique suggère en particulier de fusionner les débats d'avril relatifs au programme de stabilité (PSTAB) et ceux d'orientation des finances publiques, en juillet. Peut-être avons-nous participé, ce matin, au dernier débat d'orientation des finances publiques.

Nous voulons, de surcroît, renforcer les grands principes budgétaires d'unité et d'universalité, fondements de la lisibilité de l'action publique et du consentement à l'impôt. Une nouvelle doctrine encadrant l'affectation de taxes à des tiers autres que les organismes de sécurité sociale et les collectivités territoriales serait ainsi consacrée. Cette pratique des taxes affectées est trop souvent vue comme une protection alors que le mode de financement de droit commun des services publics est bien la dotation budgétaire, en tant qu'elle est autorisée par le Parlement sur la base d'une proposition motivée du Gouvernement. Nous souhaitons revenir à cette « pureté budgétaire » que la LOLF avait introduite.

D'ailleurs, autant le dispositif est étoffé pour ce qui est des dépenses, autant nous manquons de visibilité quant à l'utilisation des taxes affectées, qui contribuent au foisonnement et à l'éclatement de notre système fiscal, au détriment de la lisibilité nécessaire au consentement éclairé des citoyens.

La discussion budgétaire serait également simplifiée. Nous créons ainsi une nouvelle loi de finances de fin de gestion, qui inscrit dans le marbre la pratique engagée en 2018 des collectifs de fin d'année sans mesure fiscale.

Enfin, nous souhaitons appréhender différemment la dépense publique, afin d'identifier les investissements de long terme.

Je n'oublie pas, évidemment, que nous souhaitons consacrer le Printemps de l'évaluation au sein de la LOLF. Cet exercice, dont nous avons récemment terminé la quatrième édition, est une bonne pratique.

Ce n'est pas tous les jours que nous avons l'occasion de discuter du cadre organique de nos finances publiques et de corriger certaines difficultés que nous éprouvons dans notre examen parlementaire. Je me réjouis de cette occasion de réaffirmer la place du Parlement comme concepteur du cadre de nos finances publiques. Rappelons, à cet égard, que notre commission spéciale sera amenée à examiner une proposition de loi organique proposée par Thomas Mesnier, pour le volet des finances sociales. Elle contient des avancées majeures et je vous invite à l'adopter tout aussi largement que celle que j'ai cosignée avec Éric Woerth. C'est en menant ces travaux sérieux, au long cours, que le Parlement affirme sa place dans l'équilibre de nos institutions.

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