Respectez cela ! Soyez humbles ! N'empruntez pas cette voie qui constitue une impasse politique. À ce titre, le groupe Gauche démocrate et républicaine votera contre ce projet de loi.
Frontalement, au moyen de ce référendum, vous entendez valider une nouvelle légitimité qui ne correspond ni à la réalité historique, ni à la réalité culturelle, ni à la réalité géographique. Elle ne correspond à rien : l'on ne fonde pas une politique publique sur un tel vide. Nous ne sommes pas en présence d'un mouvement semblable à celui déclenché par la réforme des retraites, d'un mouvement social, que l'on peut tenter de mater ; il s'agit d'un peuple qui revendique sa pleine souveraineté, et qui a choisi de partager un destin commun avec tout le monde !
Je vous demande à tous d'essayer de faire cet exercice : humilité et respect. C'est cette philosophie, monsieur le ministre, qui a présidé aux accords de Matignon et de Nouméa, qui sont des accords tripartites fondés sur le principe d'irréversibilité. Vous avez bafoué tout cela en avançant à marche forcée, vous appuyant sur un référendum, que vous le vouliez ou non, totalement illégitime.
La légitimité de cette revendication dépasse tout ce que nous appelons égalité, constitutionnalité, avis du Conseil d'État. Les Kanaks disent souvent : « Vous avez la montre, nous avons le temps ». Je ne sais pas si, dans cette assemblée, nous pouvons tous mesurer la philosophie kanak. Pas une réunion ne se tient avec les Kanaks – vous le savez, monsieur le ministre, vous qui vous êtes rendu à plusieurs reprises en Nouvelle-Calédonie – sans être précédée d'une cérémonie, sans que leurs propos débutent par la formule : « en toute humilité et dans le respect mutuel ». Quoi que vous fassiez, leur attachement à leur terre est inaliénable et ...
Les 170 ans de présence française ont engendré des batailles, dont la plus connue menée par le chef Ataï : des milliers de Kanaks furent massacrés sur leur propre terre. Nous pouvons mesurer le chemin parcouru par ce peuple qui, de lui-même, a considéré qu'il pouvait accepter d'autres peuples sur sa terre, ouvrant la voie à un destin commun. Jean-Marie Tjibaou a toujours évoqué ce « pari sur l'intelligence ». Il demandait aux représentants du gouvernement français de l'époque d'oser ce pari : une décolonisation originale, par étapes, afin que les Kanaks retrouvent leur pleine souveraineté – car, que vous le vouliez ou non, Kanaky était ...
Tout à l'heure, en discutant avec l'un de nos collègues, je lui ai demandé ce que serait, pour lui, le scénario du pire. Il m'a répondu : qu'il y ait un mort. Notre responsabilité est donc grande. Gouverner, c'est prévoir, anticiper, non pas se précipiter, notamment face à une situation aussi délicate : personne n'a osé faire ici l'inventaire des deux dernières nuits. Souvent, ceux qui se sont exprimés ont évoqué la prise d'otages d'Ouvéa et ses vingt et un morts. Pour les Kanaks, ce n'est pas une vingtaine de morts qu'a représenté la colonisation de la Nouvelle-Calédonie.
Je ne sais pas quoi vous dire.
Pour cela, il faut retirer le texte !
Pourquoi ne pas retirer le texte ?
Rappelez à l'ordre le haut-commissaire ! Il n'aurait pas dû dire ce qu'il a dit.
Madame la présidente ! Qu'est-ce qu'il a fait ? Il m'a menacé !
Vous ne le rappelez pas à l'ordre ?
Qu'est-ce que c'est que ce geste ?
Retirez le projet de loi !
Ouvrez le dialogue !
Retirez le projet de loi !
C'est vous qui êtes irresponsables, en n'utilisant que la répression !
C'est ça, le vrai problème !
Comment sortirons-nous de cette situation ?
Savez-vous que pendant les événements, cette année-là, dix Kanaks ont été tués et que ceux qui les ont tués ont été amnistiés ? Le savez-vous ?
Chers collègues, voulez-vous retourner en 1984 ? C'est ça la perspective ?
Je peux terminer, madame la présidente ?
Que va-t-il se passer maintenant ? La nuit dernière, des drames sont survenus et des choses extrêmement graves se sont produites. Partout où il y a ce que l'on appelle des émeutes, je regarde le comportement de l'État. Je constate que, systématiquement, il entre dans un processus de répression en envoyant le Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) ou le Raid – recherche assistance intervention dissuasion. Hier, à la télévision, le haut-commissaire a même déclaré : « Les forces de l'ordre seront en état de légitime défense ».
Je ne vais pas moi non plus me limiter au texte de l'amendement : il me servira d'introduction pour évoquer le contexte actuel. Comme le soulignait Sophia Chikirou, nous débattons ce soir dans cet hémicycle alors que la Nouvelle-Calédonie Kanaky est à feu et à sang. Ne soyons pas déconnectés de ce qui se passe là-bas. Nous voulons par cet amendement fixer dans la Constitution le corps électoral référendaire tel qu'il a été établi en 1999. Cela donnerait des garanties au peuple kanak et aux indépendantistes. Les discussions devront de toute façon avoir lieu. Lors de votre audition devant la commission des lois, monsieur le ministre, vous avez indiqué que ...
Ils ont restitué les terres, c'est tout.
Redistribuer leurs terres ?
On parle donc bien des Kanaks !
J'ai parlé des Kanaks !
Ces amendements visent donc à sécuriser dans la Constitution l'inscription de la Nouvelle-Calédonie sur la liste des territoires non autonomes à décoloniser.
Avant toute chose, je demande à nos collègues, qui risquent de voir dans ces amendements un cavalier législatif, de ne pas s'exciter. Si elle est adoptée, cette réforme du corps électoral va, petit à petit, en modifier l'équilibre. Sans aller jusqu'à parler d'un repeuplement, parce que ce n'est pas le bon terme, son application risque de mettre progressivement en minorité le peuple premier, et donc d'empêcher les Kanaks, demain, d'accéder à la présidence du Congrès ou du gouvernement. Voilà jusqu'où va la méfiance que j'évoquais tout à l'heure : placée sous la tutelle française, la Nouvelle-Calédonie figure sur la liste des territoires non ...
Je ris parce que c'est exactement ce que vous êtes en train de faire ! Vous décidez depuis Paris : c'est bien de la domination !
Ils sont encore touchés, monsieur Darmanin !
Vous vous appuyez sur la base de ce référendum pour reporter les élections ici, depuis Paris ! Dites-vous bien que les Kanaks n'arrêteront jamais leur combat.
Cela a débuté avec la décision du Président de la République d'organiser le troisième référendum – qui n'en est pas un parce qu'à partir du moment où l'une des parties, notamment le peuple premier, refuse de participer à ce référendum, tout tombe ! Et tout s'est effondré à partir de là.
Il y a toujours eu des accords et il y en aura toujours. Je pense à l'accord de Nainville-les-Roches et à tous ceux qui ont suivi, aux termes desquels les Caldoches et d'autres personnes, venues de partout, se sont entendus avec les Kanaks. Au nom de quoi peut-on ici, à Paris, prendre à marche forcée des décisions au nom du peuple kanak ?
C'était leur terre ! Comme le dit mon camarade Tematai Le Gayic, ils ont leur nombril planté là. Petit à petit, ils ont été mis en minorité chez eux. On voudrait que, par l'opération du Saint-Esprit, ces premiers habitants oublient qu'il s'agit de leur terre. Au nom de la démocratie, de notre démocratie occidentale, on leur dit qu'ils doivent accepter d'être minoritaires.
Depuis tout à l'heure, j'écoute attentivement les débats et je me dis que les Kanaks ne sont pas représentés dans cette assemblée. Certains tentent de parler en leur nom. Pourquoi les Kanaks ne sont-ils pas représentés, alors qu'il s'agit de leur pays, quoi qu'on en dise ? Il y a cent soixante-dix ans, la France est arrivée en Nouvelle-Calédonie, en Kanaky. Des gens y vivaient, ils avaient leur civilisation, leur culture.
Et qui décide que l'accord est « sérieux » ?
C'est moi-même qui vous l'ai dit en commission !
C'est là tout le problème : vous ne voulez pas reconnaître la dimension coloniale de la question. Vous perpétuez une vision colonialiste et paternaliste !
C'est même la raison du gel électoral : s'il a été décidé, c'est parce que la question kanak et le fait colonial ont été reconnus. Toute l'architecture des accords de Nouméa et de Matignon repose sur l'exigence de consensus, monsieur le ministre : il faut que toutes les parties soient d'accord. Or vous avez décidé – et cette décision a des airs de guillotine – d'organiser un référendum, le troisième sur ce sujet, tout en sachant que les deux premiers avaient montré une évolution du corps électoral en faveur du processus d'autodétermination et de l'accès à la pleine souveraineté. C'est la raison pour laquelle vous êtes passé en force, sans ...
En créole guyanais, on dirait Zòt gen toupé. Vous avez du toupet, monsieur le ministre. Vous arrivez chez les gens et vous les rendez minoritaires !
Monsieur le ministre, vous dites que personne n'est allé en Nouvelle-Calédonie, mais j'y suis allé quatre fois, dont deux fois l'année passée.