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Christine Engrand
Question N° 3309 au Ministère de la transition énergétique


Question soumise le 22 novembre 2022

Mme Christine Engrand interroge Mme la ministre de la transition énergétique sur le consentement à l'installation d'engins de productions d'énergie renouvelable. Comment justifier l'effort d'artificialisation de l'environnement par le photovoltaïque, par la multiplication des parcs éoliens sur terre et sur mer, alors qu'on entend justement atténuer les conséquences de l'anthropisation sur l'écosystème ? Comme l'exprime le philosophe Jacques Rancière dans son ouvrage intitulé Le temps des paysages : « Nature signifie liberté ». L'esthétique paysagère est politique. Ainsi, lorsque Mme la députée se rend à Febvin-Palfart, une commune rurale de sa circonscription, et qu'elle apprend que 5 éoliennes vont être construites autour du village en dépit d'une pétition citoyenne, du refus du maire, d'un avis défavorable du commissaire enquêteur ainsi que du refus du préfet, car la Cour d'appel de Douai en a jugé autrement ; d'évidence elle constate que la substitution de la nature, l'âme vibrante des paysages, par des dispositifs de production d'énergie renouvelable tels que l'éolien ou le photovoltaïque, s'accompagne bel et bien simultanément d'une confiscation des libertés politiques des concitoyens et des prérogatives de l'administration au profit d'une logique comptable, servile pour être exact, à l'égard des objectifs imposés par l'Union européenne. Ainsi, Mme la députée elle lui demande de se prononcer sur l'un des points d'achoppement de l'écologie politique contemporaine et souhaite savoir si le saccage du paysage doit être perpétré au nom de l'écologie et au détriment du consentement des plus proches habitants de ces installations.

Réponse émise le 6 juin 2023

Notre pays fait face à une double menace, le dérèglement climatique et un risque de rupture d'approvisionnement énergétique en hiver. Ces deux menaces impactent la continuité de la vie de la Nation comme notre souveraineté. Les effets du réchauffement climatique sont déjà perceptibles dans notre territoire par la multiplication des évènements climatiques extrêmes (canicule, sécheresse, feux de forêt, tempêtes, inondations), tandis que les conséquences géopolitiques de la guerre en Ukraine font peser des risques sur notre sécurité d'approvisionnement énergétique. Les énergies renouvelables apparaissent comme une solution importante pour contrer cette double menace car elles peuvent rapidement être mobilisables. Ces éléments ont été rappelés aux Préfets dans une circulaire envoyée le 16 septembre 2022. Cette circulaire demande en outre aux Préfets une mobilisation importante de leurs services afin d'accélérer le développement de ces projets. Il est aussi précisé dans cette circulaire qu'il faut veiller à respecter l'autorité de la chose jugée. Concernant le cas précis du parc éolien de la commune de Febvin-Palfart, la Cour d'Appel de Douai par une décision du 18 juillet 2022 a estimé, notamment après une visite sur site, qu'il ne portait pas atteinte aux paysages, qui ne pouvaient pas être considérés comme remarquables, ou car la covisibilité était trop faible. Elle a estimé également que ce parc ne portait pas atteinte à la commodité du voisinage et qu'il respectait la réglementation de l'interdiction d'implantation à moins de 500 mètres des habitations. Comme l'a rappelé la circulaire mentionnée ci-dessus, il n'appartient pas à l'Etat d'émettre un jugement sur les décisions juridiques en vertu du principe de séparation des pouvoirs. Il est toutefois crucial que le développement de l'éolien se fasse en lien avec la population locale et que la répartition de l'éolien prenne en compte à la fois les impacts environnementaux et paysagers locaux. La concertation dans les territoires entre les développeurs de projet, les services de l'Etat et les élus locaux doit être effectivement facilitée afin de favoriser l'émergence de projets de qualité et de retrouver une dynamique de projets. Plusieurs mesures récemment instaurées vont dans le sens d'une meilleure acceptabilité des projets éoliens. Dorénavant, la consultation du maire de la commune d'implantation d'un projet par les développeurs avant le dépôt d'un dossier de demande d'autorisation est obligatoire. Les développeurs sont tenus de répondre formellement aux observations formulées et de présenter les éventuelles évolutions du projet en conséquence avant de lancer un projet éolien. Des comités régionaux de l'énergie, présidés par l'Etat et les Régions seront de plus prochainement instaurés, et associeront les collectivités locales et différentes parties prenantes aux discussions sur la planification de la transition énergétique à l'échelle régionale. La récente loi sur l'accélération de la production d'énergies renouvelables a renforcé le caractère local et concerté de cette planification : les communes et EPCI pourront en effet désigner des zones d'accélération des EnR, zones prioritaires dans lesquelles les projets seront facilités au plan économique. Afin de planifier au mieux le développement de l'éolien terrestre dans les territoires, l'instruction du gouvernement du 23 mai 2021 avait demandé aux Préfets de Région de réaliser une cartographie des zones favorables au développement de l'éolien sur leur territoire. Cette cartographie a pour objectif de planifier le plus en amont possible le développement de l'éolien terrestre en orientant les porteurs de projets éoliens vers les zones les plus favorables afin de développer harmonieusement cette énergie sur le territoire. Elle sera prochainement publiée. Afin de limiter les potentiels impacts des installations éoliennes terrestres, il convient également de rappeler qu'elles sont soumises, depuis 2011, à la législation des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) afin d'assurer la sécurité des riverains et de limiter les impacts potentiels de ces installations. Ainsi, toute implantation d'un parc éolien terrestre doit préalablement faire l'objet d'une étude d'impact qui prend en compte l'état initial de l'environnement, dont les enjeux de biodiversité et paysagers, et qui évalue les impacts potentiels du projet afin de les éviter, les réduire et de compenser en dernier recours. Ces mesures différentes mesures permettront de continuer à développer cette énergie, indispensable à la décarbonation de notre mix énergétique, tout en veillant à son acceptabilité sociale et à la préservation des enjeux locaux.

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