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M. Thomas Portes interroge M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur les pratiques policières agressives et illégales dans la Manche à l'encontre de personnes exilées. Le 15 décembre 2023, M. le ministre s'est rendu à Calais, dans les Hauts-de-France, où se joue une situation humanitaire catastrophique depuis 2015, afin de défendre les mesures de sa loi sur l'asile et l'immigration. À cette occasion, il se flattait de la sécurisation du littoral et il venait annoncer de nouveaux moyens pour que les FSI luttent contre les départs de personnes exilées vers l'Angleterre. La veille de sa visite, deux personnes avaient trouvé la mort alors qu'elles tentaient la traversée vers les littorales méridionales anglais sur des embarcations pneumatiques ou « small boat ». Depuis 10 ans, le budget alloué à la lutte contre les traversées de la Manche culmine à 700 millions d'euros. Pourtant, les chiffres officiels font état d'une augmentation graduelle des traversées de la Manche à partir du littoral français. En effet, en 2021, le nombre de traversées avait doublé par rapport à 2020 et ce sont près de 18 200 exilés qui ont rejoint les côtes du Royaume-Uni à bord de ces embarcations de fortune, au cours des neufs premiers mois de l'année 2021. C'est deux fois plus que sur l'ensemble de l'année précédente (8 417 en 2020), année pour laquelle le niveau était déjà quatre fois plus élevé qu'en 2019 (1 823). En 2023, ce sont 29 437 exilés qui ont rejoint les côtes anglaises, contre 45 774 en 2022, année record, selon des chiffres du ministère britannique de l'intérieur. En 2024, on décompte déjà 4300 traversées et 5 accidents mortels. Pourtant dès 2020, le Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage du Gris-Nez annonçait dans son bilan d'activité une « massification des départs » et estimait qu'« il s'agit désormais d'un phénomène structurel, amené à durer ». En effet, en raison de l'intensification des contrôles douaniers, administratifs et sanitaires sur le chemin du Royaume-Uni, liée au Brexit, les small boats deviennent le moyen de passage privilégié des migrants. Alors que les budgets alloués à la lutte contre les traversées irrégulières augmentent chaque année, les morts aussi, du fait entre autres des pratiques observées chez les forces de l'ordre françaises, comme le démontre l'enquête de Julia Pascual (envoyée spéciale à Calais et Loon-Plage), Tomas Statius (Lighthouse Reports) et Cellule Enquête vidéo, sortie le 23 mars 2024 dans le journal Le Monde. Depuis 2018, la version officielle du Gouvernement français est celle du respect du droit de la mer, qui interdit aux forces de l'ordre d'intervenir pour empêcher l'embarcation d'avancer lorsque le « small boat » est déjà en mer. Or cette enquête vient démontrer le contraire. Pourquoi le ministère a-t-il menti à ce sujet ? Comment M. le ministre explique-t-il que la France soit devenue le bras armé de l'Angleterre ? Si ce n'est la preuve d'une inefficacité de ses méthodes sécuritaires pour répondre à des problèmes endémiques, on peut légitimement se demander si sa politique ne doit pas être tenue pour responsable des morts occasionnés par sa stratégie de gestion des mouvements migratoires. En effet, le non-respect de la directive à diffusion restreinte du 10 novembre 2022 qui stipule que « le cadre de l'action des moyens agissant en mer (...) y compris dans la bande littorale des 300 mètres (...) est celui de la recherche et du sauvetage en mer » et « ne permet pas de mener des actions coercitives de lutte contre l'immigration clandestine » vient réaffirmer que ses pratiques dans la Manche depuis 2018 sont illégales. Afin de déterminer si l'argent public des contribuables sert à financer les pratiques illégales des forces de l'ordre françaises à l'égard de personnes exilées qui tentent de rejoindre l'Angleterre, M. le député l'exhorte à soutenir la création de la « Commission d'enquête pour faire la lumière sur les conséquences des accords du Touquet sur l'action publique et le respect des libertés et droits fondamentaux des personnes en situation de migration » du groupe politique de M. le député. Alors que quatre préfectures françaises ont communiqué via le réseau social « X » via le mot-dièse « #sauvezdesvies » ce vendredi 23 mars 2024 à la sortie de l'enquête, les pratiques que M. le ministre soutient dans la Manche pousse M. le député à lui demander si elles n'auraient pas plutôt dû écrire #sacrifiezdesvies. Comment M. le ministre de l'intérieur réagisse-t-il à cette enquête qui révèle l'inefficacité des millions d'argent public investis pour protéger les frontières anglaises et compte-t-il sanctionner les fonctionnaires qui se rendent coupables de pratiques illégales de « pull back », comptabilisées par son ministère sous le nom « d'interceptions en mer » ?
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